Angela Merkel, la reine du stop and go

Berlin devrait finalement accepter la combinaison des forces du MES et du FESF, davantage sous la pression des évènements que sous celle de ses partenaires. Un nouvel exemple de la stratégie de la chancelière allemande depuis le début de la crise que l'on pourrait résumer ainsi : se hâter lentement.
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Le gouvernement fédéral allemand serait donc prêt à lever son veto concernant la combinaison des forces de l?actuel Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF) et du futur Mécanisme Européen de Stabilité (MES). Selon Der Spiegel, la chancelière aurait finalement ouvert les yeux sur l?urgence de cette combinaison sous la pression de « ses partenaires européens et le FMI ». La réalité est en fait plus brutale : si cette combinaison était refusée, la confiance menaçait à nouveau de s'évanouir et la crise de repartir de plus belle.

Se hâter lentement

Depuis le début de la crise de la dette souveraine, la stratégie d?Angela Merkel est de se hâter lentement. Elle pose en permanence des limites qu?elle franchit allègrement quelques mois plus tard. Rappelons qu?en mars 2010, elle affirmait encore devant un parterre de responsable chrétiens-démocrates du Bergisches Land, terre très conservatrice de Rhénanie, que « pas un euro des contribuables allemands n?ira à la Grèce. » En mai, elle donnait son accord à des prêts bilatéraux à Athènes.

On pourrait reprendre le même exercice avec la création du FESF et ses extensions successives. En mai 2011, elle refusait encore de parler d?augmentation de la force de frappe du FESF qu?elle a finalement admise en juillet de la même année. Sans parler de l?action de la BCE, de la « gouvernance économique européenne » ou du refus absolu de la « faillite » de la Grèce qui a, qu?on le veuille ou non, annulé plus de la moitié de sa dette.

Ménager chèvre et chou

Cette stratégie cherche à tracer un chemin délicat entre deux rives. D?une part, la réticence d?une partie de l?électorat allemand, à commencer par le sien, à mettre la main à la poche pour aider les « mauvais élèves » de la zone euro. Et d?autre part, l?engagement européen de l?Allemagne qu?elle juge avec raison nécessaire à la stature internationale de la république fédérale et qui ne peut être acquise que par des compromis avec ses partenaires. En attendant, avant de céder à toute nouvelle aide, le moment ultime où son refus risque de raviver la crise, la chancelière entend gagner sur les deux tableaux.

Une stratégie gagnante ?

Face à son électorat, elle peut plaider la force inévitable des circonstances et l?absence d?alternative tout en insistant sur sa belle résistance et son inflexibilité vaincues seulement par le fatum, la loi du destin. On peut ainsi limiter la casse en matière électorale et même y gagner si l?on parvient à se croquer soi-même en martyr. Face à ses partenaires, ce long moment de refus permet de les faire avancer vers un compromis, en les faisant revenir sur certaines de leurs propositions.

Pour obtenir un nouveau plan de soutien à la Grèce, la France avait ainsi dû enterrer définitivement son projet d?obligations européennes. Cette fois, concernant le FESF et le MES, on a vu notamment le FMI se montrer très généreux avec la Grèce en lui accordant en tout 28 milliards d?euros. Un peu plus tôt, Wolfgang Schäuble avait menacé de lier l?engagement allemand à la participation du FMI. La pression pourrait également s?être exercé sur la façon dont le MES et le FESF vont se combiner.

Quel MES ?

Sur ce point, l?incertitude demeure. Initialement, le MES devait reprendre les engagements passés du FESF, c?est tout. Cette fois, Der Spiegel présente deux alternatives. La première consisterait à intégrer les 200 milliards d?euros accordés par le FESF dans le MES et d?abandonner les 240 milliards de garanties potentielles encore disponibles au sein du FESF. L?ensemble des garanties allemandes sur ce fonds de 700 milliards d?euros s?élèverait alors à 280 milliards d?euros. La seconde alternative consisterait à additionner simplement les forces du FESF et du MES, ce qui porterait la puissance de feu à 940 milliards d?euros avec une participation allemande de 400 milliards d?euros.

Blocages politiques

C?est ici évidemment que l?enjeu de politique intérieure va jouer à plein pour Berlin. Les Chrétiens-Sociaux bavarois de la CSU ne décolèrent pas. Avec raison, ils ont le sentiment d?avoir été roulés dans la farine puisque lors du feu vert du Bundestag au dernier plan d?aide à la Grèce, Wolfgang Schäuble leur avait promis qu?il n?y aurait pas de combinaison. Mais il leur avait également promis en septembre 2011 qu?un nouveau plan d?aide à la Grèce n?était pas nécessaire.

A ceci s?ajoute les exigences de Libéraux désormais menacés de disparition et de l?opposition de centre-gauche dont les voix seront nécessaires lors du vote du 25 mai sur le MES et le traité budgétaire européen au Bundesrat et au Bundestag. Le gouvernement allemand devra donc faire avec ces mécontents et ces demandes pas toujours conciliables.

Stratégie à court terme

L?affaire n?est donc pas jouée pour Angela Merkel. Et c?est là, la principale faiblesse de sa stratégie : elle s?est montrée jusqu?ici incapable de déboucher sur une solution durable. Et pour cause, elle est toujours centrée sur un seul problème, le plus urgent et refuse de prendre en compte la globalité. A chaque étape, un nouveau défi réapparaît donc. C?est en cela que la politique d?Angela Merkel a été nuisible à l?Europe. Mais à sa décharge, nul autre dirigeant du vieux continent n?est venu proposer mieux.
 

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