A Lisbonne, on joue à "Voici venir la troïka"

C'est le dernier jeu de cartes à la mode dans la capitale portugaise : on y croise des représentants du FMI, de la BCE, de l'Union européenne et quelques personnalités facilement reconnaissables. De l'ironie, des vacheries, des coups bas... Un bol d'air dans un pays sous assistance et donc surveillance financières depuis mai 2011
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Connaissez vous Portugalandia ? C?est un pays imaginaire où l'on peut trouver des leaders corrompus et incompétents, des intérêts financiers obscurs et des groupes de pressions avides. « Toute ressemblance avec un petit pays du sud n?est sans doute pas une coïncidence », affirme la vidéo de présentation du jeu « Voici venir la troïka » né au Portugal. Dans ce pays placé sous assistance financière depuis mai 2011, la troïka du Fond Monétaire Internationale, de la Banque Centrale Européenne, et de l?Union Européenne, impose un redressement économique difficile. Le jeu « Voici venir la troïka » caricature la situation, et sur la boite du jeu de cartes figurent trois hommes en costume cravate, l?air sévère des justiciers de la « vraie » troïka que l?on croise régulièrement près du ministère de l?économie portugais à Lisbonne.

« J?ai pensé que l?on pouvait s?en amuser, que l?on pouvait tester avec un jeu de cartes la sensation du politique qui tente d?acheter des voix pour gagner des élections, en manipulant les medias ou les syndicats et en troquant tout ça contre de l?argent et des offshores » explique Carlos Mesquita, créateur du jeu. « Voici venir la troïka » permet donc aux joueurs de faire l?expérience des stratégies douteuses qui ont conduit le pays à la faillite. . Un seul objectif : obtenir le plus de points possible avant que ne soit retournée la carte fatidique « troïka » qui sonne la fin du jeu.
Autodérision et satire
« C?est une satire politique. L?objectif est de s?amuser de la crise autour d?une table. Mais c?est en même temps très sérieux. Pour faire passer un message sur le fonctionnement de la démocratie dans un pays comme le Portugal » explique Carlos Mesquita. Il s?est associé à des amis, informaticiens et spécialistes des technologies de pointe, passionnés de jeux de société comme lui. La création de « Tabletips Games » a permis de commercialiser et distribuer le jeu. La petite boite bleue et ses trois « Rapetou » de la troïka se taillent un franc succès : 1000 des 3000 exemplaires fabriqués ont été vendus en quelques jours, la rupture de stock est permanente. De l?inédit pour le Portugal.
"C?est pour rire on vous dit !"
Immoral, le jeu ? Pas du tout crient en ch?ur les « aficionados ». A « Passion Fruit », un bar qui accueille un club de joueurs amateurs dans le centre de Lisbonne, on se passionne pour les cartes sur lesquelles figurent les caricatures de personnes facilement identifiables par les Portugais. « La troïka, le gouvernement, ils sont omniprésents dans notre vie, dans nos conversations! Alors c?est vraiment drôle de pouvoir ironiser à leurs dépens. Et puis cela ne fait pas de nous des voyous et des corrompus. C?est pour rire on vous dit !», s?exclame Vasco un jeune joueur régulier de l?établissement.
L?autodérision est un art consommé au Portugal. Mais pas seulement ! Tabletips Games a déjà établi des contacts avec l?Espagne, où seules quelques cartes devraient être changées, celles où figurent les leaders politiques. L?Italie, autre pays de la crise encore sans troïka, s?enthousiasme à son tour. Carlos Mesquita pense déjà à élaborer un « Après troïka ». En effet, si tout se passe comme prévu, en 2014, la vraie troïka quittera le pays. Le jeu sera alors obsolète, avec la fin de l?austérité Imposée par la chancelière Angela Merkel. Ironie ultime : c?est en Allemagne que le jeu a été fabriqué.

 

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