Enrico Letta : "l'Europe traverse une crise de légitimité"

Coincé entre son rêve fédéraliste, une fragile union nationale et la prise en compte nécessaire des doutes de ses compatriotes sur le projet européen, le nouveau chef du gouvernement italien a été contraint de faire plaisir à tout le monde lors de son discours programme devant les députés italiens. Défendant la construction européenne, il a notamment appelé à mettre fin au tout austérité.
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Faire plaisir à tout le monde. C'est en somme ce qu'a souhaité Enrico Letta, le jeune président du Conseil italien lors de son discours programme devant la Chambre des députés lundi.

En mission contre l'euroscepticisme

Premier angle d'attaque, l'Europe. Sur ce sujet, le successeur de l'impopulaire fédéraliste Mario Monti a une mission : contrer la montée en puissance du sentiment eurosceptique. En ce sens, les formules n'ont pas manqué. "Le port vers lequel nous nous dirigeons s'appelle les Etats-Unis d'Europe et notre navire est la démocratie. Nous ne devons pas rêver les rêves des autres, nous avons le nôtre qui est celui de l'Union politique européenne", a lancé le jeune leader de centre gauche, affichant un fédéralisme assumé peu courant ces derniers temps chez les dirigeants européens. Voici pour la forme.

Sur le fond, toutefois, Enrico Letta a souhaité démontrer à l'opinion que le message adressé à Mario Monti et à Bruxelles lors des élections de la fin février a été entendu. Le bloc eurosceptique formé par Beppe Grillo à gauche et Silvio Berlusconi à droite avaient emporté plus de la moitié des suffrages. S'inscrire dans la construction européenne oui, mais pas n'importe laquelle. C'est en somme le message délivré par Enrico Letta. Pour lui, "l'Europe est en crise de légitimité et, au moment où les citoyens en ont le plus besoin, elle doit redevenir un moteur de croissance durable. "Raison pour laquelle il a assuré que les engagements pris par l'Italie auprès de Bruxelles seraient remplis, mais à condition d'obtenir "une marge de man?uvre" pour financer une relance de la croissance. "De la seule austérité, l'Italie mourra", a-t-il lancé devant les députés italiens. Pour défendre sa vision du projet européen, il se rendra à Bruxelles, Berlin et Paris dans les prochains jours.

Gouverner l'ingouvernable sous l'oeil des marchés

Deuxième angle d'attaque, l'union nationale. Accouché dans la douleur après soixante jours de blocage politique, le gouvernement d'union nationale sera d'autant plus difficile à diriger que l'Italie doit, dans les mois qui viennent, mener de front la réforme de la loi électorale et les réformes structurelles réclamées par Bruxelles et les marchés. Ce alors que les principaux partis de la coalition sont profondément divisés sur les principaux sujets. En guise de signal, Enrico Letta a annoncé que la très impopulaire taxe sur les résidences principales mise en place par Mario Monti, et quasiment responsable à elle seule de la spectaculaire remontée de Silvio Berlusconi dans les urnes serait supprimée. Ce qui devrait faire plaisir aux soutiens du Cavaliere.

Le président du Conseil, conscient des difficultés qu'il aura à mener à bien ses réformes sans majorité, a dors et déjà prévenu que dans le cas ou trop de ses projets seraient bloqués dans les 18 premiers mois de son mandat, il démissionnerait. en attendant, le vote de confiance doit avoir lieu à 20 heures.

Du côté des marchés, pour le moment, on lâche du lest. Rassurés par l'accord de gouvernement, les investisseurs ont laissé les taux italiens respirer après un léger regain de tension la semaine dernière. Un pic de tension sur le 10 ans transalpin avait été enregistré fin mars au plus fort de la crise politique. Et il ne fait nul doute que tout nouveau blocage suffirait à relancer les craintes sur les taux de financement de la dette italienne. La situation reste donc à surveiller de près.

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