BCE : Mario Draghi baisse les taux, mais s'accroche à l'austérité

Le président de la BCE se dit optimiste sur la "transmission" de son assouplissement monétaire, mais exige des Etats qu'ils poursuivent leurs efforts de désendettement. Mais Mario Draghi se dit prêt "à agir si nécessaire".
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La BCE a finalement abaissé ses taux ce jeudi. Le taux principal de refinancement, son taux directeur, a été réduit d'un quart de point, de 0,75 % à 0,5 %. Parallèlement, le taux marginal de refinancement, qui permet aux banques d'obtenir de l'argent au-jour-le-jour, a été réduit d'un demi-point à 1 %. En revanche, la BCE a renoncé à entrer dans l'inconnu d'un taux de dépôt négatif. Elle a maintenu à 0 % la rémunération des dépôts auprès d'elle.


Optimisme sur l'effet de cette baisse des taux

L'objectif de ce mouvement est de redonner du dynamisme à l'économie européenne. Dans sa conférence de presse tenue à Bratislava, le président de la BCE a reconnu que « le sentiment de faiblesse de l'économie s'était encore renforcé au cours du printemps. » La dégradation du climat des affaires est en effet patente dans la zone euro, y compris dans les pays dit « du c?ur » de la zone, comme la France et l'Allemagne. Par ailleurs, les chiffres de l'emploi sont de plus en plus préoccupants. Le président de la BCE a donc insisté sur le fait qu'il pensait que cette baisse des taux serait bénéfique « à tous les pays de la zone euro. » Sous entendu également à l'Allemagne où cette décision est déjà très critiquée. Pour Mario Draghi, le n?ud de la récession européenne, c'est le manque de confiance. « La demande est faible sur l'investissement en raison des incertitudes macro-économiques », a martelé le président de la BCE.


Opérations de refinancement prolongées

Pour renforcer l'effet psychologique de cette baisse des taux, la BCE l'a accompagné de la décision de mener ses opérations principales de refinancement, celles qui sont donc désormais réalisées à un taux de 0,5 % avec une « distribution complète » jusqu'au 8 juillet 2014. Autrement dit, il n'y aura pas  de limite à ces opérations jusqu'à cette date. Les banques pourront obtenir les liquidités qu'elles souhaitent au taux directeur. De plus, la BCE a décidé de mener chaque mois jusqu'en juillet 2014 des opérations de refinancement à long terme d'une maturité de trois mois au même taux de 0,5 %. « La combinaison de ces mesures devrait permettre une bonne transmission de la baisse des taux au marché monétaire », a estimé Mario Draghi qui a prévenu les banques qu'elles « n'avaient plus d'excuses pour ne pas prêter. »


Une action contre la fragmentation

Reste évidemment la question de la "transmission" de la politique monétaire de la BCE. C'est le n?ud gordien évoqué par beaucoup d'observateurs : à quoi bon réduire les taux si les pays périphériques ne peuvent pas en bénéficier puisque les banques ne prêtent pas aux PME dans ces pays, par peur du risque ? Mario Draghi s'est voulu rassurant. Il a cherché à démontrer que la transmission de sa politique monétaire se faisait mieux. « La fragmentation du marché n'est pas résorbée, mais l'on observe une amélioration », a-t-il résumé.

Néanmoins, le président de la BCE a annoncé la mise en place d'une commission avec la banque européenne d'investissement pour examiner la possibilité de la création de titres sécurisés par des actifs (Asset Backed Securities ou ABS, un des titres qui ont sombré avec la crise des subprimes) issus de PME européennes. Autrement dit, la BCE envisage de créer des titres regroupant des créances aux entreprises et, peut-être, de les accepter comme collatéraux ou même de pouvoir les racheter. Ceci était une voie évoquée par certains pour favoriser le financement des PME des Etats périphériques.

Stratégie d'évitement

Mais cette mesure demeure une mesure non conventionnelle devant laquelle le président de la BCE semble fortement hésiter. A toutes les demandes de précisions, il a indiqué que la route était encore longue avant de trouver une démarche acceptable. Il a cependant laissé entendre que la BEI et la commission pourraient garantir ces ABS. Mais ce terme d'ABS sonne bien mal aux oreilles des financiers tant il rappelle les subprimes et, comme l'a rappelé Mario Draghi, « le marché des ABS est mort et ne renaîtra pas avant longtemps. » Bref, sur ce sujet, la BCE semble surtout vouloir gagner du temps pour ne rien faire. Sa stratégie pourrait être d'attendre la reprise afin de déclarer inutile une telle réflexion. On voit que le conseil des gouverneurs n'est pas encore prêt à se lancer dans ce type d'opérations.

Ne pas relâcher l'austérité

On se contentera donc de la baisse des taux. Mais là encore, sous condition : celle de la poursuite de l'austérité budgétaire. Mario Draghi s'est montré très ferme sur ce sujet. Il a répété le credo selon lequel un assouplissement de l'austérité conduirait à une perte de confiance des agents économiques et a appelé les Etats à poursuivre les réformes et les efforts. « Le prix de plus de temps pour consolider le budget ne doit pas être un renoncement aux objectifs de réformes structurelles », a martelé l'Italien. Ce message se voulait là aussi rassurant pour l'Allemagne et montre combien la BCE, en dépit de son indépendance, est sous la pression de la première économie européenne. L'ennui, c'est qu'il existe un risque que l'austérité, loin d'être le garant du retour de la croissance, est l'obstacle qui mine, actuellement, le retour à la confiance des agents économiques. Ce que la BCE ne peut cependant croire.

"Ouvert" à un taux de dépôt négatif

il faut néanmoins reconnaître que Mario Draghi a prévu l'inefficience de ces mesures et l'option d'une austérité pesant toujours sur la demande intérieure. Il n'a cessé de dire que la BCE restait "prête à agir", y compris concernant une éventuelle nouvelle baisse des taux ou le passage à un taux de dépôt négatif. Sur ce point, il a même affirmé qu'il était "ouvert" à cette option. Bref, le message était que la BCE veille, malgré tout. Et il a été plutôt entendu : l'euro a reculé de 1,3218 dollar à la mi-journée à 1,3051 vers 17 heures. Parallèlement, le marché des dettes souveraines connaissait une détente générale.


 

Commentaires 36
à écrit le 03/05/2013 à 10:38
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on pourrait dire qu'on sterilise l'économie avec ces méthodes , l'excès de liquidités a prix gratuit on a déjà vu ce que cela donne ( des bulles ) et bonjour l'explosion que doit gérer eux meme les créateurs de bulles , les USA ont montré par leur hi...

à écrit le 03/05/2013 à 5:03
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Le mercantilisme est déjà inutile .

le 03/05/2013 à 12:20
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Vous avez un meilleur système à proposer? Je veux dire un qui n'ait pas déjà fait la preuve de sa contradiction avec la nature humaine bien sur, ou votre commentaire est il aussi inutile qu'il en a l'air?

à écrit le 03/05/2013 à 2:12
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Nous avons comme toujours dans cette Europe funeste de graves sujets sur la place publique. On nous parle d?une crise qui durera 10 ans? seulement on n?a jamais fait de politiques de croissance. On fait une politique de chômage, et de misère pour tou...

à écrit le 03/05/2013 à 0:52
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Draghi prend ces mesures, et veut de l'aaustérité pour "restaurer la confiance" !! Tout cela n'a strictement rien de scientifique ni rien de prouvé, c'est de l'amateurisme total : pourquoi cela garantirait-il une amélioration de la confiance ??? C'es...

le 03/05/2013 à 12:21
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Que proposez vous?

le 03/05/2013 à 12:33
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Séparer les BFI spéculatives des banques de détail, Glass Steagll Act) puis donner accès aux financements de la BCE uniquement aux banques de détail, afin d'être certain que les liquidités de la BCE arriveront dans l'économie réelle. Ne pas imaginer ...

le 03/05/2013 à 12:41
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Il y a peu de demande de crédit d'investissement en France aujourd'hui. Penser que l'accès au crédit est le noeud du problème est une erreur fondamentale, peu d'envie d'entreprendre chez les individus, peu d'envie d'investir chez les institutionnels....

à écrit le 03/05/2013 à 0:21
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Mario Draghi ment...Mario Draghi ment...Mario Draghi est Allemand. Et aussi américain, parce que baptisé chez Goldman-Sachs. Totalement néo-libéral, chantre de la mondialisation, bref néfaste pour l'Europe.

le 03/05/2013 à 2:26
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Depuis 1980 nos exportations ont doublé... pourquoi êtes-vous contre l'export?

à écrit le 02/05/2013 à 20:36
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LA BCE EN GRAVE CONFLIT D?INTERETS PIRE QUE LES AFFAIRES CAHUZAC , DSK ou TAPIE EN FRANCE La BCE est en conflit d?interets avec la banques USA Goldam Sach DRAGHI directeur de la BCE et ex-directeur GOLDAM SACH USA ?.. ! Tout comme MONTI ex-cadre a ...

le 03/05/2013 à 3:28
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Mario Draghi, qui avait bien privatisé en Italie, pour les services rendus il a été nommé par la GS à la présidence de la BCE, pour faire plus bref.

à écrit le 02/05/2013 à 19:33
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Le cul entre deux chaises est une posture banalisée du grands argentier, au mépris de ce qui crève les yeux. A la Commission de Bruxelles le Barroso est carrément la toupie qui se tourne plus vite que la girouette, sauf par mistral impétueux. Combine...

à écrit le 02/05/2013 à 19:26
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Les banques ne prètent pas à l'économie réelle A CAUSE de la BCE : en effet les obligations d'état servent aux banques de collatéral à la BCE; il est donc beaucoup plus rentable pour les banques de se goinfrer d'obligations d'état, de les reflier à l...

le 02/05/2013 à 21:32
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Je ne comprends pas votre raisonnement Européen/ Français, les exemples dans le monde ne confirment pas  ? taux d?intérêts américain FED : 0,25 % depuis le 16/12/2008 ; Inflation IPC mars 2013 : 1,474 %. taux d?intérêts anglais BoE : 0,5 % depuis le ...

le 03/05/2013 à 0:50
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Confirmer quoi ?? Ne savez vous pas que la principale cause de la crise des subprimes en 2007-2009, c'est que les USA ont laissé leurs taux trop bas pendant trop longtemps, ce qui a créé une gigantesque bulle immobilière et énorme bulle de crédit, qu...

le 03/05/2013 à 4:24
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+1 hélas les dettes ont atteints des niveaux impossibles a rembourser , il ne reste que des mauvaises solutions.

le 03/05/2013 à 12:08
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Tout à fait. L'argent fait le ping-pong entre les banques et la BCE sans innerver le moins du monde l'économie réelle. La masse monétaire sans rapport avec la réalité continue de croitre.

le 03/05/2013 à 12:33
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Votre raisonnement sur la diminution du PA des ménages correlé à la baisse des taux qui ferait flamber l'immobilier est un tissu d'âneries et de contresens. L'immobilier n'est cher en France que sur des zones de tension immobilière ce qui est du à un...

à écrit le 02/05/2013 à 19:19
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Un policy mix fait de rigueur budgétaire et de souplesse monétaire ne me parait en rien incohérent. Sinon, c'est la dépression.

le 03/05/2013 à 12:39
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Yep sauf que la France serait mieux en zone dollar. Le policy mix de la BCE est impossible à réussir compte tenu de la prévalence anti-inflationniste de son mandat.

à écrit le 02/05/2013 à 18:51
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MDR !!! ".....baisse les taux, mais s'accroche à l'austérité ... " C est contradictoire pour que les pays arrete l endettement il faut des taux HAUT ! Ainsi contraint et forcés les pays equilibreront les budgets : et l austerite du Mario sera la !!

à écrit le 02/05/2013 à 18:31
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Le problème du crédit n'est pas son taux mais son utilité! Qui emprunte et pourquoi faire?

à écrit le 02/05/2013 à 17:56
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Austérité, oui mais l'afflux de liquidités sur les marchés financiers n?est qu?une fuite en avant continuant à augmenter inexorablement les dettes pays « développés ». Croire que la croissance va revenir d?ici peu est le second effet kiss cool. http...

à écrit le 02/05/2013 à 17:44
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Si les états endettés jusqu'à la gueule en redemande, pourquoi ne pas s'adresser directement à la fed ou à la banque du japon qui ne demande qu'à faire marcher la planche à billet .Ils n'ont qu'à leur vendre l'idée en évoquant les merveilleux débouch...

à écrit le 02/05/2013 à 17:35
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si nos politiques avaient eu autant d'idées d'économies que de céer de nouveaux impots le probleme serait résolu depuis longtemps seulement,il faut toucher à leurs priviléges et la droite comme gauche ils sont P.;;;; socialistes oui mais avec l'argen...

à écrit le 02/05/2013 à 17:24
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Des taux négatifs ? On va payer pour mettre notre argent à la banque (encore plus !). Achetez des actions des sociétés de fabrication de matelas ! Sans investissement, pas de croissance et on va mourir. LA BCE dit par là que ce n'est pas son problème...

le 02/05/2013 à 19:07
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La croissance n'est pas un prérequis pour bien vivre. De la même façon qu'il n'est pas utile de reconstruire sa maison tous les ans, si on produisait des bien durables et non consommables, nous serions gagnant. Le PIB étalon est esclave d'une société...

le 03/05/2013 à 4:31
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La croissance est fortement lie au progrès technique, renoncer a l un equivaut a ralentir fortement l autre. Le progrès technique a permis de différencier l humanité des autres créature .

à écrit le 02/05/2013 à 17:08
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"mais exige des Etats qu'ils poursuivent leurs efforts de désendettement" Donc ce monsieur élu par personne "exige". Il commence à me courir celui là. Est-ce lui dans son bureau climatisé qui va souffrir des coupes budgétaires ? Car "efforts de dése...

le 02/05/2013 à 17:50
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@N. "qui va souffrir des coupes budgétaires"écrivez vous.Et bien if faut souhaiter que ce soit ceux qui ont bénéficié des dépenses budgétaires un peu généreuses.

le 02/05/2013 à 19:08
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Et pour le moment ce n'est pas le cas : en France on serre un peu plus la ceinture de ceux qui en ont une et on déboutonne le pantalon de ceux qui s'empiffrent.

le 02/05/2013 à 19:46
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+ UN !

le 02/05/2013 à 20:23
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N, vous avez raison, la dette ne sera jamais remboursée, mais au moins arrêtons de l'augmenter. L'austérité n'est pas due à la BCE, elle est due à la montagne de dettes que des gouvernants incompétents ont laissé s'accumuler pendant 30 ans, qui se tr...

le 02/05/2013 à 20:44
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Je vous rejoins sur le fait qu'il ne faut pas augmenter la dette et sur le fait que nos gouvernants sont des incompétents. SAUF QUE... Comment imaginer équilibrer un budget déficitaire d'au moins 90 milliards d'euros ? Retour à l'équilibre oui je veu...

le 03/05/2013 à 2:21
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Prenez le cas de la Suède, le pays a remboursé de 90 à 30% de dette? après des décennies de socialisme et de bulle immobilière. Voila qui a explosé le pays.

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