Social-démocratie : l'étrange chassé-croisé entre la France et l'Allemagne

Alors que François Hollande loue les réformes Schröder, le SPD s'en éloigne en trouvant de l'inspiration dans le programme... des socialistes français. Un nouveau décalage franco-allemand.
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Il est des chassés-croisés un  rien piquants. Jeudi, François Hollande, invité d?honneur des 150 ans du SPD à Leipzig, n?a pas eu de mots assez forts pour louer le « réalisme » du SPD, sa « culture du compromis » et les réformes de Gerhard Schröder. Des caresses qui ont dû sembler bien étranges aux oreilles des dirigeants sociaux-démocrates allemands qui, depuis des mois, tentent de prendre leurs distances avec l?Agenda 2010 de l?ancien chancelier, précisément en s?inspirant du programme? de François Hollande.

Effet des réformes Schröder dévastateur

Car l?effet des réformes Schröder et du réalisme du SPD sur le parti a été dévastateur. Il a profondément divisé le parti et lui a fait perdre une grande partie de son électorat. Certes, dans un récent sondage, seulement 45 % des personnes interrogés considèrent que ces réformes constituent la cause de la faiblesse du SPD. Loin derrière sa position dans la crise européenne et sa volonté d?augmenter les impôts (70 %) ou la popularité d?Angela Merkel (66 %). Mais ce résultat doit être relativisé.

Ce qui a été perdu n?est pas revenu

Car si les réformes Schröder ont aujourd?hui bonne presse en Allemagne, il n?en a pas toujours été ainsi. Entre 2003 et 2009, une partie non négligeable de l?électorat social-démocrate a cessé de voter pour le parti. L?ennui, c?est que cet électorat n?est pas revenu vers le SPD, lorsque les réformes ont commencé à « porter leurs fruits ». Ces électeurs préfèrent aujourd?hui voter pour la CDU.

Le bilan est donc très préoccupant, car il signifie que, malgré l?expérience Schröder, le SPD n?a pas réussi à devenir durablement crédible comme un parti défendant la compétitivité et l?orthodoxie monétaire. Les deux raisons les plus fréquemment citées dans le sondage - la gestion de la crise européenne et les impôts - le prouvent clairement : dans l?esprit des Allemands, le SPD n?est pas le parti réformiste, libéral et orthodoxe sur le plan budgétaire qu?il est dans celui des Français. La mauvaise performance de Peer Steinbrück, son candidat à la chancellerie, ancien ministre des Finances et « schröderien » historique, en est une preuve supplémentaire. Plus brutalement, on pourrait en conclure que la politique centriste du SPD n?a guère été payée de retour.

Les déçus boudent toujours le SPD

Pour le SPD, cette situation est d?autant plus préoccupante, qu?il n?a pas davantage récupéré ses électeurs plus à gauche. En 2009, ils ont rejoint les Verts ou Die Linke, plus tard les Pirates, et beaucoup se sont également réfugiés dans l?abstention. Il est remarquable de souligner que l?abstention aux élections fédérales a progressé de 12 points entre 1998 et 2009, alors que parallèlement, le SPD chutait de 18 points.

Les réformes Schröder ont déboussolé ou même dégoûté de la politique une grande partie de l?électorat social-démocrate. Et la reconquête est encore loin. Beaucoup d'Allemands continuent ainsi de mal juger les réformes engagées par le SPD. Selon un autre sondage de mars 2013, 44 % des Allemands jugent « positivement » l?Agenda 2010,  mais 43 % l'esiment négatif. Le report de l?âge de départ à la retraite à 67 ans est ainsi cité par 59 % des personnes interrogés dans le sondage déjà cité précédemment comme une raison de la faiblesse des sociaux-démocrates.

Le choix du tournant à gauche

Le SPD a donc dû engager après sa lourde défaite un « aggiornamento » qui a progressivement pris l?allure d?un tournant à gauche. La raison en est simple : le centre est désormais occupé par une CDU réfugiée derrière la popularité d?Angela Merkel. Surtout, l?ensemble des forces de gauche représente un poids considérable outre-Rhin, ce qui est souvent oublié en France.

Les trois partis de gauche pèsent ensemble aujourd?hui dans les derniers sondages près de 47 % des intentions de vote, soit plus que celles de la CDU et des Libéraux (environ 45 %) et au cours des quatre dernières années, ce phénomène n?a été que fort peu démenti. Le calcul du patron du SPD, Sigmar Gabriel, repris par Peer Steinbrück, a alors été que le SPD devait reprendre des voix au parti de gauche Die Linke, issu de la fusion des mécontents de la réforme Schröder et de l?ex-parti dominant de la RDA, et des abstentionnistes.

L?inspiration française

Le SPD a alors commencé à mettre de l?eau dans son vin réformiste, et il a paradoxalement trouvé une inspiration à Paris dans le programme de François Hollande. Jamais sans doute les socialistes français n?ont été aussi proches des sociaux-démocrates allemands. Ceci a débouché sur un programme de gouvernement qui, à chaque ligne, rappelle le François Hollande de la campagne de 2012. Le programme est donc placé sous le signe de la « justice sociale », son ambition est de « maîtriser la finance. » La retraite à 67 ans est remise en cause, les euro-obligations et la relance européenne deviennent des objectifs. Sur le plan fiscal, le SPD veut faire « payer les riches. » Le ton est donné, c?est celui d?une rupture avec l?expérience Schröder et le rapprochement avec Paris.

Vérité à gauche du Rhin, erreur à droite

Certes, pour le moment, cette stratégie est un échec cuisant : les déçus de gauche du SPD ne sont guère convaincu par Peer Steinbrück, cet ancien schröderien, ministre préféré de la chancelière Angela Merkel durant la grande coalition (2005-2009) devenu soudain socialiste à la française. Quant aux électeurs modérés, ils sont effrayés par ce tournant à gauche et rejoignent plus volontiers la CDU. Le parti de la chancelière a gagné près de huit points dans les sondages depuis l?entrée en lice de Peer Steinbrück, tandis que le SPD n?a jamais pu repasser les 30 % des intentions de vote.

Mais le SPD n?a guère le choix : affirmer son identité réformiste le condamnait également à jouer les seconds rôles. Reste évidemment ce paradoxe : au moment même où Paris s?inspire du SPD de 2002 et engage de plus en plus clairement ce « tournant social-démocrate » qui est un des talismans de la politologie française, le SPD de 2013 s?inspire du Parti socialiste d?avant ce tournant?

 

Commentaires 48
à écrit le 27/05/2013 à 19:14
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L?Allemagne est moins pire que les autres, mais le bilan n?est pas terrible. La dette galope, on parle d?une dette cachée de 40%. Certes elle est jugulée alors que celle de la France s?emballe et elle fait de la saine croissance sur des excédents bud...

à écrit le 25/05/2013 à 16:24
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S'agissant d'un anniversaire fêté à Leipzig , l'on rappelle les 150 ans du SPD, mais l'on pourrait se souvenir des 200 ans de la bataille de Leipzig, dite bataille des Nations où fût défait Napoléon. Ce faisant, l'on pourrait ainsi parler de bataill...

le 26/05/2013 à 22:08
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Hollande a trois solutions : 1) faire une politique de réforme qui lui aliénera sa gauche. 2) faire une politique de gauche qui lui aliénera ses "centristes" 3) continuer à ne pas faire grand chose, ce qui lui aliénera sa gauche et ses centristes...

le 26/05/2013 à 22:09
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Si Flanby pouvait redresser la France et détruire sa gauche, ça serait une réussite majeur !

à écrit le 25/05/2013 à 12:05
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Les médias parlent de Hollande "Social-démocrate ". Il faudrait bien me le définir svp ... Car au niveau de l'Entreprise , du Privé , du Citoyen sur le "terrain"...qui paye ses impôts(de +en +) ....j'ai plus l'impression d'avoir a faire ,depuis un an...

le 25/05/2013 à 14:57
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A Georgio .Hollande est un social libéral il en est au stade de la chrysalide , 4 ans de plus et on verra le projet fini .Si payer des impôts est un thermomètre pour taxer un gouvernement de socialo communiste , je vous répondrai qu'il vous faut vo...

le 25/05/2013 à 15:32
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Je suis un chef d'entreprise de PME qui se bat pour son entreprise et ses salariés y compris a l'export sur des pays parfois difficiles ...voire Totalitaire! . Je n'ai pas une culture Politique issue "des livres " Désolé ...je fais simplement un cons...

le 26/05/2013 à 22:11
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Ce serait intéressant pour vous de vous rapprocher des professeurs des universités en sociologie et autres philosophes : vous seriez "ravis" qu'ils vous expliquent leur compréhension de l'intérêt général...

à écrit le 25/05/2013 à 11:58
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La compétitivité n'avait de valeur qu'a la condition que les autres n'en fassent pas leur cheval de bataille, ce fut le cas pour l'Allemagne qui a asséché sa demande intérieure pour parasiter celle de ses voisins mettant en application le dogme de l...

le 26/05/2013 à 22:13
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Excellente idée ! on va attendre (longtemps) que les allemands fassent des efforts à la place des français...

à écrit le 25/05/2013 à 11:31
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Rien d'étrange dans ce chassé-croisé, juste une question de timing. Merkel a eu l'intelligence de capitaliser sur les réformes engagées avant elle par le SPD allemand. L'Allemagne va mieux, donc le SPD réclame plus de redistribution "de gauche". Holl...

le 26/05/2013 à 22:15
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Bilan de l'histoire : jusqu'à présent, la gauche a toujours dit : "demain, on rase gratis, aux frais des riches" et la droite répondait : "demain, on rase à crédit"... Maintenant, on nous présente l'addition...

à écrit le 25/05/2013 à 10:53
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Il est stupéfiant de voir la connaissance des Français de l'Allemagne. Bravo!

le 25/05/2013 à 11:08
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Faites nous part, alors de vos justes connaissances...merci

à écrit le 25/05/2013 à 10:48
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C'est pourtant simple. Les socialistes allemands veulent plus de redistribution car les Allemands ont déjà fait des efforts pour être plus compétitifs. Les socialistes français font de la redistribution sans en avoir les moyens, résultat: ils vont de...

à écrit le 25/05/2013 à 10:48
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C'est bien du Hollande : il tient un discours différent selon qu'il s'adresse à tel ou tel auditoire. Il fait la synthèse comme d'autres faisaient la tenaille.

le 25/05/2013 à 11:05
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Exact ! le retournage de veste, c'est pas mal ! + 1

à écrit le 25/05/2013 à 10:22
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Le succès actuel des Allemands n?a rien à voir avec ces efforts qu'ils se sont imposés. De telles réformes, importantes, ont même plutôt fragilisé les points forts traditionnels de l?économie allemande. Sur le coup d'abord, la politique de Schröder s...

le 25/05/2013 à 12:48
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Ce que vous dites @ RB est vrai, j'ai suivi votre argumentation, elle tient la route, ça change de l'argumentation des patrons voyou, de la finance ultra libérale et des riches qui deviennent plus riche, bref , le discours de base sans argumentation...

le 25/05/2013 à 15:39
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@L'oracle: Merci pour votre comment ca change des aggressifs, mais sur les réformes schroder je ne suis pas d'accord avec vous, comme la plus emblématique les mini jobs n'ont rien dans la success story allemande, qui avait déjà les bases pour devenir...

le 25/05/2013 à 19:18
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VOTRE ANNALISSE EST TRES BONNE JE RAJOOUTERAIS JUSTE OQUE SI LES PAYS EMERGENTS SONT COMME LA CHINE CE NE VAS PAS DURES CAR LA CHINE VIE ELLE AUSSI A CREDIT EST OUI ONT EST RENTRE DANS UNE ECONOMIE MONDIALISE EST POUR REGULES TOUT CELA IL...

à écrit le 25/05/2013 à 10:09
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Si l'Allemagne a su trouver l'opportunité de se développer au dépend de ses voisins en suivant le dogme de la "concurrence libre et non faussée" nous ne pouvons lui en vouloir! Nous sommes tout aussi fautif Mais vouloir appliquer "aux autres" pays la...

le 25/05/2013 à 10:21
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Exactement, et il est un peu facile d'accuser les "cigales" espagnols, grecs, Français alors meme que c'est grace a la consomation a credit des menages et de l'etat de produits allemand,que l'allemagne a pu avoir une economie florissante. Pour ce qui...

le 25/05/2013 à 10:25
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l'Allemagne , pays de vieux et d'ouvriers précaires de chez précaire", quelle AMBITION !

à écrit le 25/05/2013 à 9:34
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Citation : "L?ennui, c?est que cet électorat n?est pas revenu vers le SPD, lorsque les réformes ont commencé à « porter leurs fruits »." Je ne suis pas surpris par la réaction de l'électorat du SPD. Les faits montrent que les réformes profitent aux r...

à écrit le 25/05/2013 à 9:19
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Le veritè simple: si la balance commerciale est négative, il n'y a rien à distribuer.

à écrit le 25/05/2013 à 9:15
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Notre roi Shadock continue sur sa lancée politique : en Allemagne, il dit "vous avez fait des réformes de structure courageuses, elles ont apporté la prospérité...". En France, il dit "pas de rigueur" = pas de réforme de structure (pour ramener le dé...

le 25/05/2013 à 9:44
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Qu'ils partent tous,n'oubliez pas Mélenchon à la consigne merci d'avance

le 25/05/2013 à 11:08
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on est d'accord, mais nos Enarques font ce qu'il faut pour que les 51% de foyers qui ne paient pas d'impôt les y maintiennent. L'Etat Providence est un piège fatal pour une démocratie .

le 25/05/2013 à 14:53
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tournez vos regards, puisque vous y êtes, surtout sur le "mamouth, dégraissage du millefeuille gouvernemental etc, etc ! il y a de quoi faire, aussi !

le 25/05/2013 à 18:21
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mille feuille qui s'en met plein les poches jusqu'au Vice Président de région (Paca) !

le 25/05/2013 à 18:25
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Il n'y a pas d'état providence aux USA ou en UK, et pourtant c'est pas mieux chez eux. Alors arrêtez de dire que la cause des problèmes vient du social comme on veut nous le faire croire. Il faut noter que l'accroissement de la fracture sociale coïnc...

à écrit le 25/05/2013 à 8:47
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la difference avec les francais c'est que les allemands sont tjs pragmatique, et qu'ils evitent de cracher en l'air en expliquant que grace a leur exception culturelle ca ne va pas leur retomber dessus

le 25/05/2013 à 15:57
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@ Churchill:++++++++++++++++ 1000 en plus ils n'ont rien à proposer que la critique et le raler sport et spécifité nationale.Si les socialistes sont nuls c'est la faute aux allemands.Si Merkel est très performante c'est la faute à Sarko,si les voitur...

à écrit le 25/05/2013 à 8:17
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La droite doit réapprendre à s'opposer : www.librepolitique.com

à écrit le 25/05/2013 à 7:51
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Socialiste au Bourget, libéral à Londres, social-démocrate à Leipzig, pragmatique à Pékin. FH, comme NS, pratique le changement permanent. La différence entre les deux? FH pratique le changement spatial: ici il dit blanc, là il dit noir; tandis que N...

à écrit le 25/05/2013 à 7:12
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A l'époque du mur de Berlin ....la démocratie était d'un coté et le sociale de l'autre.... D'ailleurs les socialistes français à cette époque, bien souvent présentaient l'empire du socialisme comme la solution économique et politique idéale ....! ...

à écrit le 25/05/2013 à 3:24
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La social-democratie à l'Allemande : "Le marché autant que possible, l'Etat autant que nécessaire" En francais, cela donne : " L'Etat autant que possible, le marché autant que nécessaire"

à écrit le 24/05/2013 à 23:59
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FH n'est évidemment pas un démocrate mais un hyperprésident. De ce coté là il pourrait apprendre qqchose en Allemagne. Quant au socialisme, les allemands sont en avance sur nous pour la solidarité maladie et retraite. Pour ce qui est de choyer les en...

à écrit le 24/05/2013 à 22:44
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tout lE monde envies notre modele social les allemands les americains ext donc ils faut continues a le preserves en le le reformant par des echelles de baremes en allant vers plus degalites c est du travail mais ils faut l adaptes a...

le 25/05/2013 à 9:21
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où avez vous vu que tout le monde envie le modèle sociale français? En 45 ans dans différents pays sur plusieurs continents je n'ai jamais rencontré quelqu'un qui m'aurait dit qu'il envie les Français. Ce sont des histoire qu'on raconte en France.

à écrit le 24/05/2013 à 21:19
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De toutes façons, Hollande fera toujours comme n'importe quel politique chevronné, comme Sarkozy l'a fait avant lui, et comme n'importe qui fera après lui : fayotter avec son public, lui dire ce qu'il croit qu'il a envie d'entendre. Les hommes politi...

à écrit le 24/05/2013 à 20:37
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Pour le moment Hollande n'a encore entrepris aucune réforme structurelle. Il a récompensé ses amis et c'est tout.

le 24/05/2013 à 23:20
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procède toujours ainsi

à écrit le 24/05/2013 à 19:38
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Les fesses entre deux chaises....voilà Hollande dans toute sa splendeur ......

à écrit le 24/05/2013 à 19:34
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est ce que la situation de la France et de l'allemagne est la meme ? Non par ce que l'allemagne a deja fait les reformes de competitivité depuis longtemps alors que la France ne commence à peine, il est donc logique que le ps et spd n'est pas la meme...

le 24/05/2013 à 20:01
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@Danube c'est vrai on y voit que des êtres affamés, tenant à peine sur leurs jambes, obligés de travailler quand même, ramassant des mégots, comme après 1918, alors qu'en France on ne voit que des obèses - chômeurs.

le 24/05/2013 à 20:42
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exact pour la pauvreté ! + UN

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