Le pied de nez de la Hongrie à Bruxelles

En froid avec Bruxelles, Budapest a finalement obtenu la validation de sa politique de retour à une dépense publique maîtrisée en sortant pour la première fois de la procédure pour déficit excessif. Pourtant, entre atteinte à l'indépendance de la banque centrale et taxation des banques, la méthode du Premier ministre Viktor Orban est loin d'être orthodoxe.
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Viktor Orban aurait-il remporté son pari face à Bruxelles et au FMI ? Oui, selon le sulfureux premier ministre hongrois qui fêtait ce mercredi le troisième anniversaire de son arrivée au pouvoir. Depuis deux ans, Budapest a fait mieux que les 3% du PIB de déficit public exigés par l'Union européenne et elle s'y tiendra encore au moins cette année, selon les prévisions de la Commission européenne. Devant cet état de fait, Bruxelles n'a eu d'autre choix que de recommander la sortie du pays de la procédure pour déficit excessif. Un pas qui n'a sans doute pas été facile compte tenu des méthodes de gouvernement très contestés en Hongrie et à l'étranger de Viktor Orban.

La Hongrie revient cependant de loin. Exsangue en 2008, elle avait du faire appel au Fonds monétaire international qui avait débloqué dans l'urgence une aide de 20 milliards de dollars pour lui éviter la faillite. En proie à de nouvelles difficultés et sous la pression des marchés, Viktor Orban, arrivé entretemps au pouvoir, était passé à deux doigts d'une nouvelle demande d'aide en 2011. Mais en échange, le FMI avait exigé de Budapest de couper dans les dépenses de retraite et de mettre fin à une taxe sur les banques qui pesait sur l'activité de crédit et donc sur l'investissement. Élus par les Hongrois pour mettre fin à l'austérité, Viktor Orban a finalement refusé ces conditions.

La méthode Orban : faire payer les banques et les multinationales

A cela, il a préféré continuer dans sa ligne entamée dès le début de son mandat en 2010. Tout en poursuivant la mise en place de taxes sur les banques et les multinationales de l'énergie, le conservateur a mis la main sur la politique monétaire du pays en mettant fin à l'indépendance de la banque centrale. Après avoir menacé et sanctionné Budapest, Bruxelles avait finalement reculé, laissant le gouvernement hongrois nommer un homme de main à la tête de la Banque Nationale de Hongrie en dépit des traités.

Dans le même temps, Budapest a dû faire face au risque accru d'une crise de liquidités dans le système bancaire du pays en raison d'un grand nombre de défauts de paiements. De nombreux ménages s'étaient en effet retrouvés dans l'incapacité de rembourser leurs prêts en francs suisses à cause de la forte dépréciation du forint par rapport à la monnaie helvète. Les investisseurs délaissaient alors la monnaie hongroise pendant que le franc suisse, devenu valeur refuge en pleine crise de l'euro, tutoyait des sommets.

Là aussi, le choix de Viktor Orban avait fait grincer des dents. Plutôt que de faire appel à une aide internationale pour renflouer les banques du pays, le premier ministre hongrois a préféré limiter le risque de défaut en faisant supporter la majeure partie du risque de change aux banques. Résultat: la crise bancaire a été évitée et le déficit public a été maîtrisé.

L'économie est encore loin d'être rétablie

La méthode Orban n'est toutefois pas à prendre comme une solution miracle. Car les incertitudes liées aux taxations intempestives et les craintes face aux atteintes portées à l'indépendance de la Banque Nationale de Hongrie ont fait fuir les investisseurs du pays. Et la Hongrie fait toujours face au risque lié au fort endettement de son secteur privé. La forte inflation consécutive à une hausse des prix des produits importés à cause de la baisse de la valeur du forint a pesé sur la demande domestique qui a eu beaucoup de mal à sortir la tête de l'eau ces derniers mois. En mars, la production industrielle entamait son septième mois de contraction consécutif à -2,9% en rythme annuel. Et malgré une amélioration de la confiance des consommateurs, les ventes au détail on chuté de 4,3% en rythme annuel en mars.

En fait, le plus grand défi auquel doit encore faire face l'autoritaire chef du gouvernement hongrois est de relancer le crédit. Devant faire face aux taxes successives et au risque de change qui lui a été imposé pour les crédits libellés en francs suisses, les banques ont du en effet resserrer leur activité de crédit. Ce qui pèse sur les investissements et donc sur l'activité.

La banque centrale à la rescousse

Pour faire face à cette difficulté nouvelle, Viktor Orban, partisan d'une politique monétaire accommodante, peut compter sur sa banque centrale. La Banque Nationale de Hongrie, à son service, a en effet baissé ses taux pour le dixième mois consécutif mardi dernier. Sans faire décoller l'inflation. Depuis le début de la politique d'assouplissement monétaire, elle a même fortement ralenti, passant d'un pic de 6,6% en septembre à 1,7% en avril en rythme annuel.

D'après les analystes, la sortie de la Hongrie de la procédure de déficit excessif devrait relancer la confiance des investisseurs, car, selon eux, il amenuiserait le risque d'instabilité fiscale qui les faisait fuir jusque là. Cela pourrait bénéficier à la Hongrie tant que l'appétit des investisseurs pour le risque sera entretenu par les afflux de liquidités en provenance de la Fed, la banque centrale américaine, et de la BoJ, la Banque centrale japonaise. Une donnée que Viktor Orban ne doit pas oublier de prendre en compte s'il veut éviter un douloureux retour de bâton.

 

Commentaires 13
à écrit le 02/06/2013 à 22:50
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Il peut d'autant mieux faire supporter des pertes aux banques, que celles-ci sont autrichiennes. Le voisin autrichien doit être ravi.

à écrit le 30/05/2013 à 13:39
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Ce qu'il faut voir c'est que tant que tout le monde obéit au lobby financier, tout est toléré, même les déficits... que les financiers financeront chèrement. Mais si un dirigeant s'éloigne du paradigme dominant de la finance, même ses réussites devi...

à écrit le 30/05/2013 à 12:01
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Il est faux que le FMI ai demandé à Budapest de baisser les retraites. Ceci, c'est la propagande du gouvernement Orban. En revanche, le FMI avait demandé de diminuer les dépenses publiques libre au gouvernement Orban de faire ce qu'il veut. Par aille...

à écrit le 30/05/2013 à 10:00
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et oui SARKOZY aussi a eu des déficits budgétaires a prés de 8 % avec 150 milliards sur la dette par ans mais personne ne disait rien ,ni l'Europe , ni les journalistes, ni madame Merkel, pourquoi par ce que ils étaient du même parti le PPE ,a lais...

le 30/05/2013 à 12:15
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ca arrangeait bien l'allemagne (et pour cela qu'ils ont rien dit ) que la france s'affaiblisse ainsi . !

à écrit le 29/05/2013 à 23:16
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Encore une histoire de gros sous écoeurant L'être Humain là-dedans...!

à écrit le 29/05/2013 à 22:46
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"La méthode Orban : faire payer les banques et les multinationales". On pourrait peut être s'en inspirer au lieux d'étrangler les peuples...

le 30/05/2013 à 0:21
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Les banques c'est nous, si elles payent, c'est avec notre argent.

le 30/05/2013 à 9:35
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Les banques c'est nous ? N'importe quoi. Les banques sont des entreprises privées comme les entreprises de lessives ou de choucroutes. A moins d'être actionnaire je ne vois pas trop la pertinence de votre commentaire.

le 30/05/2013 à 14:32
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Ce n'est justement pas avec l'argent des déposants en Hongrie. Demandez la différence aux chypriotes...

le 30/05/2013 à 15:28
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Ce qui s'est passe à Chypre c'est un hold up voulu par l'UE pour justement sauver ses banques. L'Islande par exemple a fait le choix inverse. Elle a laissé ses banques creuver et poursuit en justice les banquiers responsables. Depuis l'Islande a retr...

à écrit le 29/05/2013 à 22:09
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Faire payer les banques contraindre la banque centrale, çà ressemble aux programmes Mélenchon et FN?

le 29/05/2013 à 22:47
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Cela ne donne pas plus de travail au peuple. Les effets sont les mêmes qu'avec la "déflation". Il ne faut pas sous-estimer les efforts du gouvernement pour maîtriser les dépenses publiques. l'inflation ne fait pas tout.

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