Le parti anti-euro allemand traverse une crise profonde

Alternative für Deutschland est traversée par des tentatives de putsch et des interrogations idéologiques. Sa survie est en jeu.
Le parti anti-euro allemand avait rassemblé 2 millions de voix en septembre.

C'était l'étoile montant de la politique allemande. Le parti anti-euro Alternative für Deutschland, créé officiellement en juin dernier avait réussi lors des élections fédérales du 22 septembre dernier, un coup quasi inédit dans l'histoire récente du pays : pour sa première participation, il avait frôlé les 5 % nécessaires à l'entrée au Bundestag, glanant 2 millions de voix et 4,7 % des suffrages exprimés.

Pourtant, un peu plus de deux mois après le scrutin, AfD ressemble de plus en plus à un champ de ruines. Les divisions internes semblent se multiplier et tirer à hue et à dia un parti qui passe désormais plus de temps à tenter de se stabiliser qu'à critiquer la politique européenne de l'Allemagne.

Débâcles régionales

L'acmé a sans doute été atteinte ce week-end, lors du congrès de la fédération du Land de Hesse, un de ceux où le score d'AfD a été le plus élevé en septembre (5,6 %). La direction générale a été débarquée par les militants sans qu'il ne soit possible d'en réélire une nouvelle. Alors qu'une grande partie des militants quittait la salle, la journée s'achevait dans le chaos. Parallèlement, un des dirigeants hessois débarqués, Konrad Adam, un fondateur du parti, se trouvait confronté dans sa section locale à une tentative de « putsch » qui a finalement échoué.

Le cas hessois est extrême, mais il n'est pas isolé. En Rhénanie du Nord Westphalie, AfD a également dû faire face à de sévères turbulences. En Rhénanie Palatinat, en Bavière, à Berlin ou en Brandebourg, la tension est également vive. Au cœur de ces querelles, on trouve des questions personnelles, mais aussi un débat autour de la direction du parti. Certains voudraient débarquer la direction « modérée » actuelle et créer un parti « populiste de droite » fondée sur le rejet non seulement de l'euro, mais aussi de l'Islam et, plus généralement de l'UE.

Tentative de putsch

Selon la Frankfurter Allgemeine Zeitung, une tentative de putsch contre le président et fondateur du parti, l'économiste de Hambourg Bernd Lucke serait même en cours. Les personnes qui intrigueraient dans ce sens voudraient imposer un programme conçu par Karl-Albrecht Schachtschneider, un membre du second parti autrichien de Jörg Haider, le BZÖ, qui a subi une forte défaite lors des dernières élections dans la République alpine le 29 septembre. Selon la FAZ, la direction actuelle d'AfD n'aurait pas été informée de l'existence de ce programme !

« Nous nous faisons nous-mêmes la chasse »

« Au lieu de combattre Angela Merkel, Martin Schulz ou Wolfgang Schäuble, nous nous faisons nous-mêmes la chasse », se lamente le leader saxon du parti, Alexander Gauland qui doit lui aussi faire face à des divergences notables au sein de sa fédération. Bernd Lucke lui-même a réclamé de ses fédérations une position commune. « Sinon, nous nous étriperons », a-t-il prévenu.

Sa chance : un thème porteur

AfD semble donc dans une situation critique. Son sort pourrait bien ressembler à celui du parti Pirate, comète qui avait un temps brillé en 2011 et 2012 avant de disparaître entièrement du paysage politique allemand. La chance d'AfD reste cependant que son message peut être réduit à son opposition à l'euro et que cette seule opposition peut mobiliser une partie de l'électorat, notamment ans le cadre d'un gouvernement « consensuel » de grande coalition. Ainsi, dans les sondages, le parti demeure aux alentours de son score du 22 septembre.

Risque sur la pérennité du parti

Tout peut cependant vite changer dans la politique allemande. Si le parti fait scission, s'il devient le refuge des militants d'extrême-droite (dont le principal parti, la NPD, est menacé d'interdiction) ou s'il ne parvient pas, faute de consensus à construire des listes cohérentes avant les élections européennes de mai 2014, il pourrait subir un revers qui lui sera fatal. Une chose est sûre, en tout cas : AfD doit passer cette crise de croissance s'il veut espérer peser à l'avenir dans la politique allemande.

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