Berlin refuse de parler de réduction de la dette grecque... pour le moment

Selon le Handelsblatt, le gouvernement allemand réfléchit à une restructuration de la dette hellénique. Mais Angela Merkel ne veut pas en parler ouvertement avant le 25 mai. Par crainte des Eurosceptiques...
Angela Merkel pense à une restructuration de la dette grecque, mais ne veut pas en parler.

L'Allemagne travaille bel et bien à une nouvelle restructuration de la dette publique grecque. C'est ce que révèle dans son édition de mercredi le quotidien allemand Handelsblatt. L'information provient en réalité de la députée du parti de Gauche Die Linke Sarah Wagenknecht. En réponse à une question de son groupe, le secrétaire d'Etat aux Finances Stefan Kampeter, un proche de Wolfgang Schäuble, a confirmé qu'il existait un "document interne" au ministère fédéral des Finances dans lequel l'hypothèse d'une annulation partielle de la dette hellénique serait envisagée.

Certes, la rumeur circule en Allemagne depuis des semaines, mais jusqu'ici elle avait été démentie formellement par le ministère des Finances. Berlin a, du reste, encore une fois nié toute nouvelle restructuration. Il semble désormais évident que la question grecque va être repoussée après les élections européennes des 22 et 25 mai prochains.

La peur des Eurosceptiques

Pour Angela Merkel, cette question est cruciale. Elle sait que toute discussion sur un nouveau programme pour la Grèce viendrait polluer une campagne électorale européenne où le parti eurosceptique AfD, conduit par le très charismatique ancien patron des patrons Hans-Olaf Henkel a le vent en poupe. Les derniers sondages donnent en effet pour les Européennes 7 à 8 % des intentions de voix, contre 4 à 5 % pour les élections fédérales. Toute mise en danger de « l'argent des contribuables allemands » viendrait évidemment alimenter le discours d'AfD. Déjà, on a vu la Bild Zeitung faire ses choux gras des « riches Grecs » demandant l'aumône aux « pauvres Allemands. »

La Grèce, sujet de politique intérieure allemand

Le cas de la Grèce est donc, pour Berlin, un vrai sujet de politique intérieure. On sait qu'il manquera au mieux à Athènes 10 à 20 milliards d'euros pour boucler son refinancement d'ici à 2015. Un troisième plan d'aide pourrait être mis en place dans le cadre du MES et dans la continuité des deux précédents, avec une forte conditionnalité. Mais le poids de la dette publique pour Athènes que ce plan « de soudure » risque d'être inutile en conduisant à une mobilisation de l'ensemble de l'excédent courant pour le remboursement de la dette.

Restructurer la dette, c'est faire payer les contribuables

Pour réellement redonner de l'air à Athènes, il faut réduire le poids du service de la dette. L'ennui, c'est que, désormais, la dette hellénique est détenue très largement par des organismes parapublics : BCE, MES, Etats européens et UE. Autrement dit, faire une nouvelle coupe dans la dette grecque, c'est demander un effort aux contribuables européens. Effort dont l'ampleur devra être estimé, mais qui pourrait ne pas être considérable : la BCE peut encaisser une partie des pertes puisqu'elle a des réserves, le MES dispose d'un capital de 80 milliards d'euros pour le même usage et, concernant l'Allemagne, la perte serait encaissée par la banque publique KfW qui se refinance de façon autonome sur les marchés grâce à la garantie de l'Etat fédérale. Mais l'effet sur la campagne serait désastreux. D'où l'idée d'Angela Merkel de placer l'affaire sous le tapis jusqu'au 25 mai et de régler l'affaire après les Européennes.

L'agenda allemand décide de l'agenda européen

Cette affaire prouve deux vérités qui dominent actuellement l'Europe : l'agenda allemand prévaut très clairement sur l'agenda européen. Aucun « partenaire » de l'Allemagne n'ose évoquer le problème grec avant le feu vert d'Angela Merkel. La prédominance germanique sur le calendrier est complète. Jeroen Dijsselbloem, le président (menacé) de l'Eurogroupe, a ainsi renvoyé le débat à « fin mai » avec un règlement « en août. » C'est un calendrier sur mesure pour la chancelière.

Prédominance des Eurosceptiques

La seconde, c'est que la politique européenne allemande semble plus que jamais obsédée par l'ombre d'AfD. La crainte de voir les Eurosceptiques se renforcer le 25 mai occupe tous les esprits. Il est ainsi piquant de remarquer, dans l'article du Handelsblatt, que c'est Die Linke qui s'inquiète pour le coût d'une restructuration de la dette grecque pour les contribuables allemands. On croirait entendre le FDP libéral et certainement pas la Syriza d'Alexis Tsipras, pourtant alliée à Die Linke pour les Européennes et qui réclame une annulation des dettes grecques… C'est qu'en réalité, Die Linke a beaucoup perdu d'électeurs lors des dernières élections au profit d'AfD. Même les ex-communistes de la RDA adoptent donc le discours de ce dernier parti, preuve de sa prédominance dans le débat public outre-Rhin.

 

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Commentaires 2
à écrit le 19/02/2014 à 22:55
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Cette restructuration est inévitable. Et plus on attend plus elle sera coûteuse pour la Grèce bien sûr (qui doit autant après deux ans d'austérité qu'au début, mais qui a foutu en l'air son économie qui était déjà faible) et pour l'Europe qui devra c...

le 20/02/2014 à 10:03
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on loue l'intelligence allemande mais

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