Les leçons pour l'Europe du succès du "oui" à l'indépendance écossaise

Le premier sondage sur le "oui" a été un "séisme" politique. Mais il en dit plus qu'on ne le pense sur la politique dans l'ensemble de l'Europe.
Le 18 septembre, l'Ecosse votera sur son avenir.

Le premier sondage qui, samedi 6 septembre, a donné vainqueur du référendum du 18 septembre, le « oui » à l'indépendance de l'Ecosse, a sidéré les observateurs. Car il était de bon ton jusqu'ici de nier toute possibilité de voir les indépendantistes l'emporter au nord des Borders. A Bruxelles et sur le continent, notamment, on s'est contenté d'attendre la victoire du « non », sans véritablement anticiper un succès du « oui. » Cette sidération, ainsi que la forme d'hystérie panique qui s'est emparée ce lundi des marchés et des observateurs sur ce sujet amènent naturellement à tirer quelques leçons de cet événement inattendu, non seulement pour l'Ecosse, mais aussi pour l'Europe.

Aveuglement du passé

L'aveuglement devant cet impensable traduit une confiance aveugle dans des « experts » qui ne savent en réalité que justifier une certaine forme de continuité. Jusqu'à ce 6 septembre, tous les sondages donnaient le « non » gagnant. Dès lors, il était évident que le « oui » ne pouvait l'emporter. Cette certitude que l'itération des faits passés assure de l'avenir est une technique bien connue des économistes et des financiers. C'est aussi la certitude la plus absolue de manquer les crises et l'éclatement des bulles. C'est cette absence de sens historique, de celui qui accepte l'idée de l'événement et de la rupture, qui a fait croire à la communauté d'experts que la crise des subprimes américains n'était qu'une correction passagère en 2007 et que la crise grecque resterait grecque en 2010. Parce que, auparavant, on n'avait jamais vu cela. L'ennui, c'est que s'appuyer sur cette méthode empêche toute véritable anticipation.

L'UE et les marchés débordés

Aussi l'Union européenne se trouve-t-elle désarmée face à un événement qui peut donner des ailes aux revendications catalanes (un référendum est prévu le 9 novembre dans la région) et à d'autres, mais qui va également donner lieu à un événement unique et non prévu par les traités : l'indépendance d'un territoire issu d'un pays membre de l'UE. Comment traiter l'adhésion de ce territoire ? Jusqu'à présent, les officiels de l'UE n'ont pas été capables de définir une ligne claire. L'ancien président de la Commission José Manuel Barroso était fort dur avec une éventuelle Ecosse indépendante et promettait qu'une adhésion de l'Ecosse serait impossible.

Depuis, Jean-Claude Juncker s'est dit plus ouvert à cette adhésion, mais avec bien des hésitations. Une chose est sûre : l'UE n'est pas prête à faire face au défi de l'indépendance écossaise. Faute de l'avoir envisagé. L'hystérie sur les marchés, où la livre et la Bourse de Londres ont décroché révèlent que les marchés financiers, dont la fonction est pourtant de tout anticiper, ne sont pas mieux armés. Leur confiance dans le passé pourrait leur coûter cher.

L'argument de la peur ne prend plus

Une autre leçon concerne la campagne du « non. » Celle-ci n'a été fondée que sur la peur et l'échafaudage de scénarios catastrophe en cas d'indépendance. Le succès du « oui » dans le sondage fait renaître, du reste, une nouvelle vague de scénarios de ce genre : faillites bancaires, effondrement économique, perte du niveau de vie et des protections sociales, etc. Mais les Ecossais se sont rapidement détournés de ces arguments qui se sont montrés très contreproductifs. Le sang froid et le réalisme des partisans de l'indépendance dans leurs arguments a ainsi été un point important du retournement de tendance qui a été initié par les deux débats télévisés du mois d'août. Etrangement, l'outrance des partisans du « non » dans leur volonté de faire peur a fait changer de camp la crédibilité. Comme si la raison avait changé de camp.

Argument épuisé

Cette situation n'est pas sans rappeler celle du référendum français sur la constitution européenne de 2005 où plus les partisans du « oui » tentaient de dramatiser l'enjeu du vote, plus le « non » se renforçait. Les électeurs semblent de moins en moins se laisser prendre par les arguments catastrophistes des « experts » qu'ils perçoivent comme des injonctions réduisant leur liberté de choix. Le cas écossais prouve que l'argument de la peur doit donc désormais être manié avec beaucoup de précaution. Certes, cette stratégie a fonctionné en Grèce en juin 2012. A cette date, la peur d'une exclusion du pays de la zone euro et de ses conséquences (à l'époque on parlait de pénuries alimentaires et sanitaires en cas de « Grexit ») a conduit les Hellènes à placer le parti conservateur d'Antonis Samaras en tête. Mais le ressort est là aussi cassé. Les sondages donnent désormais la coalition de la gauche radicale, Syriza largement en tête. Et il n'est pas certain qu'une nouvelle campagne de peur ne renverse la vapeur. En France et en Italie, les partisans de l'euro semblent aussi manier les scénarios catastrophe en cas de sortie de la zone euro. Mais là encore, l'argument risque d'être inefficace, voire contreproductif.

Redonner de l'espoir

La peur ne suffit donc plus. Il faut trouver d'autres arguments. Là encore, le cas écossais est intéressant. Les indépendantistes ont plaidé sur les nouveaux leviers dont disposerait le jeune pays pour améliorer les conditions de vie de sa population. Le camp du « oui », quoique très europhile, a joué sur la capacité du pays à sortir de l'austérité imposée par Londres. Un des points les plus forts de sa campagne a été la volonté d'améliorer le système de santé dans une Ecosse indépendante. le camp du « oui » a ouvert le champ des possibles, il a redonné de l'espoir, notamment aux électeurs du Labour déboussolés de voir leur parti s'allier avec l'UKIP et les Conservateurs pour défendre une politique économique qui n'a jamais été acceptée en Ecosse. Ce sont eux qui ont fait basculer la balance en faveur du « oui. »

A la recherche d'alternatives

C'est évidemment là où l'UE, comme le gouvernement de Londres, sont incapables d'agir, enfermés dans une idéologie basée sur la baisse des dépenses publiques et les « ajustements nécessaires » qui est censée être sans alternative. En Ecosse, les indépendantistes ont dû faire face à une alliance de tous les partis politiques du pays réunis autour de la volonté de ne rien changer. Cette situation se retrouve dans de nombreux pays de la zone euro, où la politique d'ajustement est défendue par une alliance inédite des « grands partis. » Dès lors, beaucoup d'électeurs sont à la recherche d'une alternative, quel qu'en soit le prix. Les Ecossais sont donc naturellement tentés de se tourner vers l'indépendance pour échapper à une Angleterre dominée par les visions de l'économie défendues par la droite britannique. Les Grecs se tournent vers Syriza, immaculée par la politique d'austérité, et les Français vers un Fn qui insiste de plus en plus sur son statut de recours économique après la conversion du PS à la politique de l'offre...

D'une certaine façon, la publication quasi simultanée des sondages donnant Marine Le Pen en tête face à François Hollande et le « oui » devant le « non » en Ecosse sont les deux faces d'une même réalité : celle d'une vie politique européenne redessinée par la crise du welfare state européen et la volonté des peuples de chercher des solutions pour la résoudre sans se soumettre aux régimes douloureux des gouvernements. On peut juger cette volonté dérisoire sur le plan théorique, mais son existence oblige les politiques européens à trouver des réponses. Ce qu'ils semblent incapables de faire.

Cette progression du « oui » à l'indépendance de l'Ecosse est donc une nouvelle défaite du modèle de démocratie dirigée par des experts qui guident les politiques. Elle interpelle clairement l'ensemble des gouvernements et des politiques européens et les appelle à renouveler leurs discours et leurs méthodes. Faute de quoi, on pourrait bien connaître encore quelques « surprises » dans les scrutins futurs.

Commentaires 40
à écrit le 09/09/2014 à 18:23
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Des experts qui guident les politiques ? Quelle bizarrerie cette allégation !!! Les politiques, au contraire, manquent d'expertise et font n'importe quoi par incompétence et démagogie. Ils n'écoutent pas les experts et c'est pourquoi on a confié la m...

à écrit le 09/09/2014 à 16:28
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Tout compte fait l'Europe a intérêt à ce type de référendum qui fait éclater l'Etat nation. Le pb c'est que cela débouchera sur un agglomérat de régions indépendantes ayant chacune leur revendication et sans vision commune avec pour seul plus petit d...

à écrit le 09/09/2014 à 15:09
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Et l'Europe de menacer ces écossais de leur couper les vivres comme aux russes...Que de belles manières ces potentats dirigistes libéraux.

le 09/09/2014 à 17:56
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Totalitarisme...

à écrit le 09/09/2014 à 13:06
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A peine indépendante, elle veut rejoindre l'UE ? Pour faire quoi ? Le Pacte de Stabilité sera aussi impitoyable depuis Bruxelles que depuis Londres !

à écrit le 09/09/2014 à 10:18
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2 choses: . 1 ceci profite à la livre sterling qui s' apprécie depuis 2 ans... devenant valeur refuge alternative donc tout ce qui déprécira sera exploité.. 2 tous les pays d' europe éclateront au final et l' on reviendra aux régions époque moyen ...

le 09/09/2014 à 12:33
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Pourriez-vous nous donner les numéros de l'euromillion de ce soir?

le 09/09/2014 à 12:35
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N'importe quoi!

à écrit le 09/09/2014 à 10:03
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il est temps de sortir de l'europe et de l'otan qui nous menent à la catastrophe

à écrit le 09/09/2014 à 9:55
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Courageux écossais qui veulent rester dans l'Europe quand les anglais veulent en sortir !

à écrit le 09/09/2014 à 9:11
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Ce long article pour tirer sur les politiques et leur incapacité à faire des économies. Mais dès qu'un français atteint un poste électif il n'a de cesse de dépenser le pognon. Il suffit de voir autour de soi et les dépenses parfois imbéciles des coll...

à écrit le 09/09/2014 à 9:02
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Cette ploutocratie, qui se dit éclairé, sait très bien "reprendre la main" quand "le peuple vote mal"!

le 09/09/2014 à 16:24
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ben, oui! quand le peuple "vote mal", on fait passer un NON, par un OUI....c'est bien connu...

à écrit le 09/09/2014 à 5:06
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C'est dans ces moment difficiles que l'on souhaite et espère que le fonctionnement des Etats comme la France, les USA ou le Canada soit assez bien équilibré grace a des principes démocratiques clairement établis. L'Europe a beaucoup joué sur la régio...

à écrit le 09/09/2014 à 1:52
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La bretagne veut sont indépendance !!! vite !!! Ok on laissera les bretons bosser sur paris et ailleurs, car on a pas assez de boulot chez nous, mais on veut notre indépendance !!! vive la bretagne !!! vive nos cousins celtes les écossais !

à écrit le 08/09/2014 à 20:26
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Les français se sont exprimés en 2005. La démocratie a encore du chemin à faire...

le 09/09/2014 à 9:15
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Reste à savoir ce qu'est la démocratie actuellement et non dans les principes.

à écrit le 08/09/2014 à 20:00
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Il faut analyser plus largement et sur le long terme ce type de choix qui a régulièrement varié dans le passé en fonction des intérêts et modes du moment. Par exemple si l'on faisait un référendum en Ukraine pour un rattachement à l'Europe ce serait ...

à écrit le 08/09/2014 à 19:25
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« Cette progression du "oui" à l'indépendance de l'Écosse est donc une nouvelle défaite du modèle de "démocratie" dirigée par des experts qui guident les politiques. » Et si on demandait son avis au peuple, au lieu des soi-disant experts ? Ce serai...

le 08/09/2014 à 20:05
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Le peuple votait Sarkozy puis changeait 5 ans après ensuite votait Hollande puis change d'avis etc. Sous la révolution il a fallu l'arrivée de Napoléon et d'une dictature pour remettre de l'orde car le peuple aurait pu continuer la guerre civile long...

le 08/09/2014 à 20:51
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La pauvreté de notre scène politique depuis des années est désespérante ! ce même peuple qui a voté Sarkozy, faute d'option, va revoter Sarkozy en 2017. L'horreur ! Pire, ceux qui ont voté Hollande vont voter Sarkozy cette fois pour nous "sauver" de ...

le 09/09/2014 à 7:38
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tout à fait d accord avec toi, je n ai pas compris non plus l amalgame entre l indépendance Écossaise est le FN ...

le 09/09/2014 à 17:50
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pas faux!

à écrit le 08/09/2014 à 18:28
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Pourquoi l’indépendance empêcherait-elle la collaboration entre les nations ? De toute manière, au 21e siècle, on ne peut pas vivre longtemps replié sur soi, sinon à son propre détriment ; les nationalistes le savent aussi bien que les autres. Des na...

à écrit le 08/09/2014 à 18:23
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Ils adopteront l'Euro comme monnaie nationale, et ils auront donc comme "Président" Merkel... Super l'indépendance !

le 08/09/2014 à 19:07
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Ils ont dit qu'ils continueraient à utiliser la £.

à écrit le 08/09/2014 à 18:00
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LE COMITE DES REGIONS AU NIVEAU DE L'UE SERT A QUOI ? TOUT LE MONDE SEMBLE L'OUBLIER. L'INDEPENDANCE DES REGIONS SEMBLE S'INSCRIRE DANS UN PROCESSUS LOGIQUE DE REDEFINITION DE TERRITOIRE COHERENT QUI NE TIENNENT PLUS COMPTE DES FRONTIERES DES ETATS

à écrit le 08/09/2014 à 17:30
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Bonne analyse... malheureusement. Il semblerait qu'a defaut de pouvoir construire une Europe pour tous, nous soyons condamner au repli. Or, l'histoire a montre ce qu'il en advenait.

le 08/09/2014 à 18:25
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... 3 ans déjà que j'ai lu "ce sera l'Euro ou l'Europe", rien n'est plus vrai ! Les anglo-saxons ne veulent pas d'une Europe dirigé par l'Allemagne du fait de l'Euro.

à écrit le 08/09/2014 à 17:27
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On nous a vendu l'Europe des peuples, on nous a livré l'Europe des banques, des lobbies et des concombres rectilignes. Tous ces référendum donneront la part belle à l'indépendance. Ces lâches du PS n'oseront jamais demander aux Bretons, Corses ou Ba...

le 08/09/2014 à 20:07
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Ce serait ingérable de rendre indépendants tous les villages/régions de France.

à écrit le 08/09/2014 à 17:21
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L'Europe sera morcelée en cités-Etats ou petites régions qui seront des nains politiques et économiques face aux superpuissances américaine, chinoise et indienne. Un continent vieillissant qui sera spectateur des évolutions du monde et qui subira ce ...

le 08/09/2014 à 17:27
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Pour le rappel, le 9 novembre un autre référendum aura lieu cette fois en Catalogne pour se séparer définitivement de l'Espagne. Vive l'Europe des régions !

le 08/09/2014 à 18:05
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L'Europe des régions, donc celles dont rêvent les technocrates de Bruxelles. Diviser pour mieux régner!

le 08/09/2014 à 19:20
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Vous vous trompez de sens, le "diviser" utilisé ici c'est dans le sens de créer des antagonismes politiques entre les régions et les Etats. Si cela ne s'avère pas il n'aura donc le moindre problème entre la Bretagne et Paris, ou entre la Catalogne et...

à écrit le 08/09/2014 à 17:10
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Si on pouvait en profiter aussi pour désosser l'hexagone. Cet état jacobin qui est né dans la violence révolutionnaire la plus barbare devrait disparaitre. Plus d'énarques.... Terminé ces castes hypocrites et sans honneur qui abiment la vie des gens....

le 10/09/2014 à 19:19
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Tu ne dois pas être français,mais rassure toi la France est éternelle!

à écrit le 08/09/2014 à 17:05
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De toutes façons si l'Ecosse et la Catalogne indépendantes ne sont pas sanctionnées par l'OTAN , nous aurons définitivement compris que le "droit international" c'est les USA et leurs valets ! Aucune raison qu'ils puissent choisir et la Crimée , ain...

à écrit le 08/09/2014 à 16:53
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Vive l'Ecosse...LIBRE!

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