L'Allemagne réfléchit au financement des Länder

Certaines régions allemandes souhaiteraient bénéficier d'une plus grande autonomie fiscale. Un projet soutenu par le ministre des Finances Wolfgang Schäuble, mais combattu par la gauche.
Munich, en Bavière. La Bavière est le Land le plus riche d'Allemagne.
Munich, en Bavière. La Bavière est le Land le plus riche d'Allemagne. (Crédits : Thisisbossi)

L'Allemagne s'interroge sur son fédéralisme fiscal. La semaine dernière, les ministres des Finances des deux Länder les plus riches du pays, le Bade-Wurtemberg et la Bavière, ont publié un texte commun demandant « plus d'autonomie fiscale » pour les Etats fédérés. La proposition a été reprise au bond par le ministre fédéral des Finances, Wolfgang Schäuble, qui l'a défendue.

Le système actuel de financement des Länder

De quoi s'agit-il ? Aujourd'hui, les Länder n'ont que peu de prise sur leurs revenus. Seuls quelques taxes sont fixées et encaissées directement par eux : l'impôt sur les successions, l'impôt sur les loteries et l'impôt foncier. Ces trois taxes sont les seules uniquement gérées par les Länder, mais ne représentaient en 2013 que 15 milliards d'euros de revenus, soit 6,5 % de l'ensemble de leurs revenus fiscaux. L'essentiel de ses revenus provient des impôts qui sont distribués entre Etat fédéral, Länder et communes, principalement l'impôt sur le revenu, la TVA et l'impôt sur les sociétés.

Ce que les deux Länder riches veulent remettre en cause, c'est le calcul et le mode de répartition de ces impôts. Aujourd'hui, la base de calcul de ces taxes est fixée au niveau fédéral par des lois qui, certes, doivent être votées conjointement par le Bundesrat, représentant le Länder, et le Bundestag, mais qui sont communes à toute l'Allemagne. On paie donc le même impôt sur le revenu et le même impôt sur les sociétés à Berlin ou en Bavière.

La péréquation financière entre Länder

Si les impôts sont récoltés par les administrations des Länder, mais leurs répartitions dans les différents budgets se fait au niveau national. Etat fédéral, Länder et communes se répartissent d'abord les revenus fiscaux selon une répartition fixée par la loi, puis, chaque Länder reçoit une proportion égale en théorie à ses revenus fiscaux. En théorie, donc, nul n'est perdant, sauf si l'on prend en compte la péréquation fédérale entre Länder qui permet aux plus pauvres de toucher un peu d'argent des plus riches. Le montant de cette Länderfinanzausgleich, qui régulièrement renégociée, était en 2013 de 8,1 milliards d'euros, soit 2.6 % de l'ensemble des revenus des Länder (306 milliards d'euros).

Le mécontentement des riches

Les Länder les plus riches sont cependant mécontents de ce système pour plusieurs raisons. D'abord, ils estiment la péréquation injuste dans la mesure où quatre Länder seulement paient pour les douze autres. La Bavière contribue à elle seule à la moitié de la péréquation avec 4 milliards d'euros. Un chiffre qui pèse tout de même 8,5 % de ses dépenses. A titre de comparaison, la péréquation représente 7 % des dépenses du Bade-Wurtemberg et 5,87 % de celles de la Hesse, tandis que la contribution de Hambourg est minime. A l'inverse, l'argent de cette péréquation peut représenter 15 % des revenus du Land de Berlin, soit 3,42 milliards. La capitale allemande est la principale bénéficiaire de ce système. D'où le sentiment des Länder du sud de « payer pour les autres. »

L'effet de la « règle d'or »

Or, ce sentiment se renforce encore avec la « règle d'or » votée en 2009 et appelée en Allemagne « frein à l'endettement » (Schuldenbremse). La constitution allemande interdit à partir de 2020 le déficit budgétaire pour les Länder. Les différents budgets régionaux ont donc dû s'adapter à cette contrainte avec, souvent, des baisses de dépenses. Cependant, certains Länder, parmi les plus pauvres, ont bénéficié d'un soutien financier supplémentaire de l'État fédéral pour parvenir à équilibrer leurs comptes d'ici à 2020. Or, si, certains Länder « receveurs » ont réussi à dégager des excédents, trois Länder « donneurs », le Bade-Wurtemberg, la Hesse et Hambourg affichent aussi des déficits. D'où, là encore, un sentiment d'injustice.

Réduire les transferts

Bade-Wurtemberg et Bavière proposent donc de réformer ce système en permettant aux Länder de modifier par des déductions ou des suppléments les taux d'imposition sur le revenu et sur les sociétés décidés au niveau fédéral. Le but est évidemment de modifier les données de cette péréquation financière en en réduisant le poids. Chaque Land « déficitaire » devrait compter avec un peu moins de transferts des autres Länder, mais pourra « ajuster » son taux d'imposition pour disposer d'un peu plus de revenus. Au final, évidemment, les Länder les plus « forts » économiquement en profiteront.

La vision de Wolfgang Schäuble

De son côté, Wolfgang Schäuble - originaire et élu de la riche région d'Offenburg, dans le Bade-Wurtemberg - y voit une bonne raison de « responsabiliser » les Länder. Le ministre des Finances agit là en cohérence avec ses convictions libérales, comme il le fait en politique européenne. Autonomiser les Länder dans le cadre de la règle d'or, c'est pour lui encourager ces derniers à réduire leurs dettes et leurs déficits. Confrontés à la concurrence des autres territoires, les Länder endettés seront en effet tentés de réduire leurs dépenses pour pouvoir réduire les impôts et attirer les entreprises et les habitants. « Une plus grande autonomie des collectivités locales est adaptée (...) pour responsabiliser les électeurs lors des décisions de politique budgétaire », a expliqué le ministre.

Modifier la « règle d'or » ?

Le ministre entend cependant laisser un peu d'air aux Länder : il a proposé récemment de modifier la règle d'or afin de « partager » avec les Länder la limite de déficit structurel autorisée aujourd'hui par la constitution pour le seul Etat fédéral, soit 0,35 % du PIB ou un peu moins de 9 milliards d'euros. Ceci permettrait aux Länder les plus pauvres de résister au choc d'une baisse de la péréquation, tout en permettant, grâce aux ajustements fiscaux, de bénéficier d'une plus forte attractivité.

Les riches plus riches et les pauvres plus pauvres

Évidemment, un tel système est dénoncé par nombreux politiques, à gauche de l'échiquier politique et au nord de l'Allemagne. Il reviendrait en effet, selon eux, à renforcer encore la fracture déjà forte entre le sud et le nord de l'Allemagne et à réduire la solidarité nationale déjà fort faible entre les Länder. Il est vrai que certains d'entre eux comme Berlin ou Brême sont très dépendants des transferts pour pouvoir assurer les tâches immenses qui reviennent aux États fédérés outre-Rhin (éducation, police, justice, par exemple). D'autant que certains Länder sont surendettés : Brême affiche ainsi une dette de 21 milliards d'euros, soit 75 % de son PIB. Si on introduit une concurrence fiscale ou si on réduit les transferts, ces Länder seront contraints - même avec les 0,35 % du PIB de déficit structurel autorisé - à de sérieuses coupes budgétaires qui ne feront que réduire encore leur attractivité. Donc leurs revenus fiscaux...

Le refus des Sociaux-démocrates

Dimanche, les Sociaux-démocrates fédéraux ont affirmé qu'une telle réforme « ne se ferait pas avec eux. » A priori, ceci la rend caduque puisque ces modifications sont constitutionnelles et nécessitent la majorité des deux tiers au Bundestag et au Bundesrat, majorité inatteignable sans la SPD. Mais, en 2009, la SPD avait donné son accord pour le « frein à l'endettement » moyennant un plan de relance pour l'économie. Or, cette fois, la SPD a déjà beaucoup obtenu des Conservateurs (salaire minimum fédéral, possibilité de partir en retraite à 63 ans...). Pourra-t-elle résister à une offensive conservatrice sur le sujet du financement des Länder ? Et si le sujet revient après les élections fédérales de 2017, comment pourra-t-elle résister en cas de nouvelle victoire conservatrice ? Le débat ne va donc pas pour autant s'arrêter, car au sein même de la gauche, les avis sont partagés. Le principal défenseur de l'autonomie des Länder n'est-il pas Carsten Schneider, ministre des Finances social-démocrate du Bade-Wurtemberg au sein d'un gouvernement soutenu par les Verts et la SPD. La question des transferts et de la solidarité entre Länder dépasse en Allemagne le cadre de la politique nationale.

Commentaires 4
à écrit le 20/10/2014 à 15:49
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des regions riches qui voudraient garder leurs recettes pour elle memes ... on est loin de la contine sur le fameux consensus social .... un peu comme ce consensus qui permet d'avoir des salaires a 4 euros de l'heures dans les abattoir en mettant ...

à écrit le 03/10/2014 à 12:47
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La demarche menée par la Baviere " Freistaat Bayern !!!" n est pas nouvelle. C est quand meme un peu génant pour les Bavarois de reconnaitre que leur " Freistaat" était un Land fortement arriéré et deficitaire jusqu aux années 70 et prof...

à écrit le 03/10/2014 à 7:48
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Arrêtons d'acheter allemand : fa douche, senseo, nivea, e chat machine.... il faut les aider a se structurer...

à écrit le 02/10/2014 à 19:04
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visiblement les allemands ont tout compris au principe de solidarité :-/

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