L'OHMI et ses 1.400 salariés, une agence de l'Union européenne qui ne coûte rien au contribuable

Dédiée à l'enregistrement des marques et des dessins et modèles industriels communautaires, l'Organisation pour l'harmonisation du marché intérieur (OHMI) compte 1.400 salariés. Pourtant, grâce à un afflux de désormais plus de 100.000 demandes par an, elle s'autofinance entièrement.
Giulietta Gamberini
L'OHMI permet de présenter une seule demande d'enregistrement. Une fois enregistrés, le marque ou le dessin communautaires produiront automatiquement le même effet juridique dans l'ensemble des États de l'Union, garantissant à leur propriétaire un droit d'exploitation exclusif.

Elle est désormais la plus grande agence de l'Union européenne en termes de personnel et de budget. Et elle ne coûte pas un sou au contribuable. Créé en 1994, l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (OHMI), qui centralise l'enregistrement des marques et des dessins et modèles industriels pour les États membres de l'UE, a célébré lundi 17 novembre les 20 ans d'une success story aussi inespérée qu'inédite en Europe.

Une simplification attendue

Depuis 1996 pour les marques (signes distinctifs des biens ou services d'une entreprise), et depuis 2003 pour les dessins et modèles industriels (apparence d'un produit), le système géré par l'OHMI permet en effet de présenter, en une seule langue parmi 23 au choix, une seule demande d'enregistrement de ces œuvres de l'esprit, soumise à une taxe et à une procédure uniques. Une fois enregistrés, le marque et le dessin communautaires produiront automatiquement le même effet juridique dans l'ensemble des États de l'Union, garantissant à leur propriétaire un droit d'exploitation exclusif.

Un avantage considérable, en termes de simplicité et de rapidité, pour les entreprises qui auparavant, dès lors qu'elles souhaitaient faire reconnaître ces droits de propriété industrielle en Europe, n'avaient qu'une seule possibilité: déposer une demande d'enregistrement séparée -et soumise aux règles de fond et de forme nationales- dans chacun des États membres de l'UE qui les intéressaient. C'est d'ailleurs pourquoi "dès ses débuts, l'agence, dont la création faisait l'objet de négociations depuis une quinzaine d'années, a répondu à une véritable attente latente des entreprises", observe celui qui en a été le premier président, Jean-Claude Combaldieu.

Plus d'un million de demandes d'enregistrement de marques en 20 ans

Ainsi, dès l'ouverture du service pour les marques en 1996, les demandes d'enregistrement ont explosé. "Alors que les experts en prévoyaient environ 1.500, nous en avons reçu autour de 4.500", témoigne Jean-Claude Combaldieu. Et elles n'ont pas cessé d'augmenter depuis: en 2013, on en comptabilisait plus de 114.000. Au total, de 1996 à octobre 2014, environ 1.352.000 demandes d'enregistrement de marques communautaires ont été déposées à l'OHMI, dont presque 100.000 par des entreprises françaises.

Succès analogue pour les modèles et dessins industriels, dont les demandes d'enregistrement ont plus que doublé depuis 2003, pour s'élever à plus de 86.800 en 2013 et atteindre le nombre total de 848.655 fin septembre 2014 (dont plus de 70.000 provenant de la France).

190 pays font appel à l'OHMI: les États-Unis sont le 2e pays demandeur

La possibilité de bénéficier d'une protection unique sur le marché européen ne séduit d'ailleurs pas que les entreprises françaises: 190 pays font désormais appel aux services de l'OHMI. Les États-Unis sont notamment le deuxième de la liste en termes de nombre de demandes d'enregistrement de marques (presque 17% du total). Et ils "ont été les premiers à comprendre l'utilité de l'agence: au départ leurs requêtes représentaient plus de 40% du total", se souvient Jean-Claude Combaldieu .L'Asie est, pour sa part, de plus en plus représentée: la Chine est notamment passée entre 2013 à 2014 de la 16e à la 11e position dans le classement des pays demandeurs.

Une indépendance financière source d'autonomie

A partir des frais d'enregistrement payés par ses usagers, l'agence a ainsi été presque immédiatement capable de s'autofinancer, voire -performance quasiment unique pour un organisme communautaire- de dégager un excédent budgétaire. Une indépendance financière qui a été à l'origine d'un cercle vertueux puisque, garantissant à l'office une certaine autonomie décisionnelle, elle lui a permis de se préserver de la logique bureaucratique prédominante à Bruxelles à la faveur d'une approche orientée "client" et "service", estime son ancien président.

Néanmoins, pour les entreprises "clientes", le coût reste plutôt modéré: de l'ordre d'un millier d'euros pour les marques, et de quelques centaines d'euros pour les dessins et modèles, il est juste légèrement supérieur à celui qu'elles devraient engager pour enregistrer les mêmes instruments de propriété industrielle au niveau d'un seul État membre.

De 6 salariés à... 1.400

Les fonds propres de l'organisation ont notamment permis de financer la croissance de la structure. Ainsi, l'office, qui était constitué de 6 personnes à sa création, compte désormais 1.400 salariés -fonctionnaires de l'UE ou contractuels. Un premier immeuble de propriété finalisé en 2002 a dû être agrandi une dizaine d'années plus tard: les deux nouvelles ailes ont été inaugurées lundi.

Les compétences de l'office s'étendent aussi puisque, en 2012, l'OHMI a intégré l'Observatoire européen des atteintes aux droits de propriété intellectuelle, réseau créé à Bruxelles en 2009 et dédié à la prévention et à la répression de la contrefaçon. L'effort qualitatif se poursuit également, notamment celui de modernisation du service et de réduction des délais de traitement: aujourd'hui les demandes, qui en 1996 étaient déposées par fax, le sont à plus de 80% par la voie électronique.

Un impact local important

Quant à l'impact de l'activité de l'agence européenne, diverses études peuvent être citées tentant de le chiffrer. Tout d'abord, la présence d'une agence de cette taille dans une ville de 335.000 habitants comme Alicante, en Espagne, a d'importantes répercussions locales. Selon la Chambre de commerce d'Alicante, en 2013, l'office contribuait pour 184 millions d'euros au PIB de la Communauté de Valencia et son impact direct et indirect sur la production régionale était d'environ 323 millions d'euros.

Les exigences de l'agence en termes d'infrastructures (réseaux de télécommunications et transports notamment) ont d'ailleurs obligé les autorités locales à améliorer l'offre, au bénéfice de toute la communauté.

Mais surtout, selon les termes utilisés lors de la cérémonie d'anniversaire de l'OHMI par le chef de la Direction générale entreprises/marché intérieur de la Commission européenne, Daniel Calleja, "chaque marque représente non seulement une bonne idée mais aussi une entreprise qui génère travail et croissance". L'OHMI lui-même a calculé, dans une étude publiée en septembre 2013, que les industries qui font une utilisation "intensive", c'est-à-dire supérieure à la moyenne, des droits de propriété intellectuelle, contribuent pour 39% au PIB européen. Elles assurent 26% des emplois en Europe (35% en comptant aussi les emplois induits) et représentent 90% des exportations de l'UE.

C'est justement pur ce caractère de levier en termes de croissance et d'emploi que la protection de la propriété industrielle a été élevée parmi les dix priorités que s'est fixées la nouvelle Commission européenne, intronisée le 22 octobre. Pour les marques et les dessins gérés par l'OHMI du moins, cette politique ne pèsera aucunement sur le budget.

Giulietta Gamberini
Commentaires 2
à écrit le 20/11/2014 à 10:06
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cela fait du bien d'entendre que certain organisme fonctionne bien La france devrait suivre cette exemple sur pas mal d'institutions trop bureaucratique et pas assez opérationnel

à écrit le 20/11/2014 à 8:08
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"Et elle ne coûte pas un sou au contribuable." Chouette, parce que coté des institutions européennes, élus, commissaires, fonctionnaires etc., ça coute un max aux contribuables pour financer leurs "privilèges".

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