Le succès de la reconversion de la Haute-Silésie charbonnière

La région polonaise de Haute-Silésie s'est peu à peu délivrée de sa dépendance aux mines de charbon grâce à l'établissement d'une zone économique spéciale.
Katowice, capitale de la voïvodie de Haute-Silésie.

Au sud de la Pologne, la région de Haute-Silésie a longtemps été avant tout connue pour ses mines de charbon. Elles sont encore très présentes dans le paysage qui entoure Katowice, la capitale de cette voïvodie (région) du sud de la Pologne, près de la frontière tchèque. Les villes parsemées de maisons de mineurs se succèdent sur des kilomètres, entrecoupées de puits de charbon ou d'usines sidérurgiques encore en fonction. Cette région, qui est en fait une immense conurbation à de plus de 2,5 millions d'habitants, n'est pas sans rappeler la Lorraine ou le nord de la France.

Changement de modèle

Pourtant, l'œil du voyageur ne manquera pas de distinguer un paysage industriel plus moderne. Sur l'axe principal de la région, qui va d'est en ouest, entre Katowice et Gliwice, ont poussé des sites industriels flambant neuf et immenses, à commencer par la gigantesque usine de production d'Opel, la marque européenne de General Motors. La Haute-Silésie a en effet, en vingt ans, beaucoup changé. Sans rompre entièrement avec l'activité minière, elle a su moderniser son tissu industriel pour retrouver une dynamique d'emplois. Avec un taux de chômage en calcul national de 9,9 %, la région affiche le deuxième taux le plus bas du pays.

Le déclin inéluctable du charbon

L'industrie charbonnière a cependant été fortement restructurée depuis la fin de la République populaire. De 600.000, le nombre de mineurs en Pologne est tombé à 90.000, essentiellement en Silésie. Et cette industrie souffre encore beaucoup. Certes, le pays reste très dépendant de ce secteur pour son approvisionnement en énergie, mais la profession a conservé certains avantages qui rendent les coûts très lourds dans un contexte de baisse mondiale du prix du charbon. La Pologne importe déjà plus de 15 % de ses besoins et la plupart des observateurs jugent que le gouvernement issu des élections de septembre 2015 ne pourra pas - malgré le caractère politiquement sensible du secteur - faire l'économie d'une nouvelle restructuration douloureuse de la filière charbonnière.

La zone économique spéciale

Si, donc, à Katowice, le charbon reste un élément important du paysage économique, il était indispensable de se diversifier pour reconvertir la région. Le pari semble gagné. L'établissement en 1996 d'une zone économique spéciale (ZES) dans la région a joué un rôle déterminant dans ce succès. La Pologne compte 14 ZES. Il s'agit de région où les investisseurs qui s'engagent à placer sur le territoire au moins 100.000 euros bénéficient d'un soutien dans leurs démarches administratives, mais aussi d'un accès privilégié à des terrains. Mais le principal atout des ZES, ce sont les exemptions fiscales. Jusqu'en 2004, l'exemption de l'impôt sur les sociétés était totale. L'entrée dans l'UE a conduit à un plafonnement, mais l'aide fiscale demeure très généreuse. A Katowice, une entreprise de plus de 50 millions d'euros de chiffres d'affaires peut ainsi bénéficier soit d'un remboursement de deux années de masse salariale dans la limite de 25 % de son investissement, soit d'un crédit d'impôt du même montant.

Des avantages alléchants

Ces avantages sont très alléchants pour les grands groupes internationaux qui installent des sites de production dans la région et peuvent ainsi « lisser » le crédit d'impôt sur plusieurs années. D'autant que le mécanisme fonctionne à chaque réinvestissement et que, quoiqu'en disent les responsables économiques locaux, la main d'œuvre locale demeure bon marché comparée, par exemple, à celle de la république tchèque voisine. Aussi les autorités locales ont-elles poussé pour que le gouvernement central ne supprime pas, comme il l'envisageait un temps, les ZES. Finalement, ces dernières ont été pérennisées jusqu'en 2026. Et, à Katowice, on ne cache pas que c'est un élément essentiel de l'attractivité de la région et l'on espère que le délai sera encore repoussé.

Un nœud de communication

Certes, cette attractivité ne repose pas uniquement sur les avantages fiscaux et le coût du travail. La position géographique de la Haute-Silésie est un atout important. Situé à la croisée des axes Berlin-Cracovie et Varsovie-Prague, c'est une plaque tournante de l'industrie européenne. De Katowice, il est aisé de livrer tant les usines tchèques, que les distributeurs, allemands ou ouest-européens, sans parler du marché polonais. Les investissements européens ont joué, dans ce cadre, un rôle déterminant, notamment en achevant l'autoroute A4 qui relie la frontière allemande à la frontière ukrainienne, la seule à ce jour qui permette de traverser la Pologne d'est en ouest sans être stoppé par des feux tricolores. La frontière tchèque est également reliée par une autoroute, seul l'axe vers Varsovie est encore assuré par une route nationale. Mais ce réseau, auquel s'ajoute un aéroport international disposant de liaisons vers Londres et Francfort, notamment, est, en Pologne, quasiment unique.

Une main d'œuvre qualifiée

Autre atout : la main d'œuvre. Dans cette région industrielle, elle est souvent très qualifiée. La reconversion d'une partie des anciens mineurs a été aisée. Par ailleurs, la région disposait déjà de sites de production qu'il fallait moderniser, mais où les travailleurs étaient compétents. C'est ce qu'a fait, par exemple, Saint-Gobain à Gliwice qui a racheté en 1994 une usine pour en faire son site de production d'isolants pour le marché polonais qui emploie aujourd'hui 300 personnes. Les universités techniques sont également assez denses et l'agglomération compte environ 35.000 diplômés de l'université par an. Ceci permet d'offrir un réservoir de techniciens et d'ingénieurs pour les entreprises installées dans la région. Brunon Gabrys, président de la société d'ingénierie Aiut, a appuyé son développement sur ce réservoir. « Nous avons un accord avec cette université et nous pouvons ainsi proposer des emplois à de jeunes ingénieurs très compétents, même si la concurrence est de plus en plus rude », explique-t-il.

21,5 milliards d'euros d'investissements

C'est cette alchimie entre tous ces atouts qui a permis à la Haute-Silésie d'être aujourd'hui une des régions les plus dynamiques du pays. 311 projets ont ainsi bénéficié de l'aide de la ZES et la région dispose désormais du plus grand stock d'investissement, 21,5 milliards d'euros, parmi les 14 zones, loin devant les autres. 53.000 emplois directs ont été créés par ces investissements, mais, à la ZES, on assure qu'en tout, ce ne sont pas moins de 200.000 emplois qui ont bénéficié du soutien à l'investissement.

Un tournant vers les services ?

Reste que Katowice demeure une région industrielle. Les investissements réalisés l'ont surtout été dans des sites de production. L'automobile, notamment, a joué un rôle moteur. En 1996, Opel a ouvert la première usine dans la région, suivi par Fiat en 2000. Les équipementiers et les sous-traitants les ont suivis. Les responsables de la ZES cherchent, depuis quelques années, à diversifier l'économie régionale, notamment vers les services. Avec succès, là encore, grâce à l'excellence de la main d'œuvre et son faible coût. Plusieurs géants du secteur des services aux entreprises, IBM, Cap Gemini et Steria, ont installé des centres d'externalisation dans la région. La Haute-Silésie bénéficie notamment de l'engorgement des régions où ces activités s'implantaient traditionnellement : Wroclaw (Breslau) et Cracovie. Dans ces deux régions, il est devenu difficile de trouver des terrains bon marché et de la main d'œuvre. Katowice est une zone de repli idéale...

Enseignements ?

Compte tenu de l'importance du coût de la main d'œuvre dans la décision d'investir, l'expérience de la Haute-Silésie ne peut guère être un modèle pour les pays occidentaux. Mais elle apporte quelques précieux enseignements. Bien des entreprises polonaises ou étrangères s'installent en effet à Katowice et dans sa région pour servir le marché domestique. Alors, il est possible de constater que les incitations fiscales ciblées peuvent être utiles lorsqu'elles sont accompagnées d'un effort d'infrastructure et de la présence d'une main d'œuvre qualifiée.

Commentaires 3
à écrit le 26/11/2014 à 22:30
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Jusqu en 1945 la Silesie était une province allemande. Malgré l expulsion de la population native les racines sont restées et on voit les résultats.

le 30/11/2014 à 13:22
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Et avant les allemands, y avait d'autres peuples, et donc ? ça veut dire que les racines sont dans la terre et repoussent à l'extérieur ? C'est quoi cette théorie bizarre ? expliquez svp.

à écrit le 24/11/2014 à 17:25
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ben eux ils moins bêtes que tous ces socialos du Nord Pas de Calais qui vivent de la nostalgie de la mine. Même pas l'idée d'exploiter les gaz des houillères grisouteuses du coin, mais on nous vante les maisons solaires dans une des régions les plus ...

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