Redonner confiance aux investisseurs afin de revitaliser la croissance européenne. Telle est l'ambition du président de la Commission européenne qui dévoilait à 9h ce mercredi 26 novembre son grand plan d'investissement de 315 milliards d'euros. Le montant paraît colossal. Mais en réalité, comme l'expliquait La Tribune mardi, il s'agit plutôt d'un tour de passe-passe. Explications.
La Commission européenne est partie du constat que l'investissement était plus bas que la tendance historique, faute de confiance de la part des investisseurs privés, explique-t-on à Bruxelles. Par conséquent, il faudrait injecter quelque 300 milliards d'euros dans l'économie pour "remettre l'investissement dans la tendance".
Prendre des risques sans menacer son Triple A
Comment ? En créant un fonds européen pour les investissements stratégiques, qu'il faudrait, en somme, considérer comme une nouvelle banque européenne d'investissement (BEI), ou comme une "deuxième BEI dans la BEI", explique un conseiller européen. A cela près que ce nouveau véhicule financier, contrairement à la BEI - qui, échaudée par la crise, ne prend pas de risques et se retrouve donc en concurrence avec certains acteurs privés - pourrait se permettre de prendre plus de risques, notamment dans certains pays, sans que la BEI ne perde son Triple A.
Concrètement, le capital de ce fonds serait constitué de 21 milliards d'euros - dont 16 milliards viendraient du budget européen, et les 5 autres des bénéfices de la BEI - grâce auxquels la BEI pourra lever 63 milliards d'euros qui seront alors injectés dans l'économie réelle pour financer des projets plus risqués. L'objectif étant d'attirer plus d'argent du secteur public et du secteur privé.
Un investissement exonéré du déficit
Cette garantie de l'UE sera constituée "progressivement" pour atteindre 16 milliards d'euros (qui ne sont pas du cash). 50% de la garantie totale, soit 8 milliards vont être provisionnés par la Commission européenne : 3,3 milliards d'euros provenant du mécanisme pour l'interconnexion en Europe (Connecting Europe Facility), 2,7 milliards du programme Horizon 2020 et enfin 2 milliards des marges existantes du budget de l'UE.
Certes les moyens pourront être jugés insuffisants. Aussi les Etats-membres seront-ils invités à contribuer à ce fonds de 21 milliards, sans que cela ne soit comptabilisé dans leur déficit. Quelques pays seraient d'ores et déjà intéressés, confie une source européenne. La Slovaquie, la Finlande, l'Espagne et même l'Allemagne auraient ainsi manifesté un certain enthousiasme.
Quels projets seront sélectionnés
Le financement sera dirigé vers des projets viables disposant d'une véritable valeur ajoutée pour l'économie sociale de marché européenne. Ils porteront notamment sur des infrastructures stratégiques (numérique, énergie), des infrastructures de transport dans les centres industriels, l'éducation, la recherche et l'innovation, des investissements visant à dynamiser l'emploi, notamment par le financement des PME et des mesures pour l'emploi des jeunes. Dans le détail, environ 240 milliards d'euros seraient consacrés aux investissements stratégiques et 75 milliards aux aux PME et entreprises à moyenne capitalisation.
Les Etats-membres fourniront à la Task Force Commission - BEI des listes de projets sélectionnés selon trois principaux critères: la valeur ajoutée européenne ( projets soutenant les objectifs de l'UE), la viabilité et la valeur économique (bénéfices socio-économiques élevés) et le fait que les projets puissent débuter au plus tard dans les trois prochaines années (que le capital soit dépensé dans la période 2015-2017). En outre, ces projets devront être en mesure de mobiliser d'autres sources de financement.
Qui décidera ?
Ce Fonds aurait sa propre structure de gestion. Les projets et actions seront validés par un comité d'investissement indépendant composé de professionnels chargés d'étudier leur viabilité, en s'assurant que les aides publiques ne supplantent pas l'investissement privé. La BEI fournira également du personnel spécialisé dans des domaines comme le développement de produits, la création et la structuration de réserves de projets, une assistance technique, la capacité de financement, la gestion de trésorerie, la gestion d'actifs et de passifs, les garanties, la gestion de portefeuilles, la comptabilité et l'information financière.
Hausse du PIB et un million d'emplois créés
Globalement, s'il est créé rapidement, et doté d'une enveloppe initiale de 21 milliards d'euros au niveau de l'UE, le Fonds pourrait récolter au moins 315 milliards d'euros de financements supplémentaires pour la période 2015-2017, compte tenu d'un effet multiplicateur de 1:15, "estimation prudente, fondée sur les enseignements tirés des programmes de l'UE et de la BEI".
Ce plan pourrait alors permettre d'augmenter le PIB de l'UE de 330 à 410 milliards d'euros et créer entre 1 et 1,3 million de nouveaux emplois au cours des trois prochaines années, avance une source européenne. Encore faut-il obtenir le soutien du Conseil des Etats-membres pour créer un tel fonds. Et encore faut-il que les objectifs ambitieux de la Commission deviennent réalité...