Nicolas Sarkozy demande une "concertation" à propos du fichier Edvige

Nicolas Sarkozy veut clore la polémique sur le fichier Edvige qui permet de lister, dès 13 ans, les personnes susceptibles de porter atteintes à l'ordre public. Un projet qui crée de vives polémiques et divise le gouvernement.

Le fichier Edvige est loin de faire l'unanimité. Face à l'opposition grandissante, Nicolas Sarkozy lâche du lest. Le chef de l'Etat a demandé, mardi 9 septembre au soir, au ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie, "d'ouvrir rapidement une concertation" sur le fichier pour "protéger les libertés". Le chef de l'Etat aurait notamment émis des doutes sur les références à la sexualité et à la santé.

Une pétition lancée le 10 juillet pour exiger l'abandon de ce fichier a recueilli plus de 130.000 signatures individuelles et celles de près de 800 associations, syndicats ou mouvements politiques. De plus, les opposants appellent à des rassemblements le 16 octobre, jour de la Sainte-Edwige. Ce jour-là, les citoyens seront invités à adresser au ministère de l'Intérieur une parodie de fiche - avec orientations sexuelles, opinions politiques ou activités syndicales pour "faciliter le travail de la police". Les personnes seront même invitées à lécher le coin gauche pour y déposer leur ADN.

Le chef de l'Etat a été contrait de corriger Edvige. Le Conseil de l'Ordre des Avocats de Paris avait annoncé, mardi 9 septembre, avoir décidé de former un recours, auprès du Conseil d'Etat, contre le décret du 27 juin 2008 autorisant la création de ce fichier de police. Il fait valoir que la création d'un tel fichier porte atteinte aux libertés individuelles et est contraire à la Constitution et à la convention européenne des droits de l'homme.

Mais c'est surtout au sein du gouvernement que la polémique était la plus vive. Le ministre de la Défense, Hervé Morin, a même été rappelé à l'ordre, lundi 8 septembre, par le Premier ministre François Fillon, après qu'il a émis des doutes sur la pertinence de ce fichier, provoquant la réponse courroucée de la ministre de l'Intérieur Michèle Alliot-Marie (Retrouvez le décret du 27/6 du site Legifrance portant sur la création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé "Edvige" en cliquant ci-contre à droite dans la rubrique : "pour aller plus loin").
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François Fillon a annoncé avoir eu "l'occasion de dire" à Hervé Morin qu'il n'était "pas nécessaire de créer des suspicions" à propos du fichier Edvige. Ce dernier avait, en effet, émis quelques réserves à de sujet en fin de semaine dernière. "Je pense qu'il n'est pas nécessaire de créer des suspicions là où elles n'existent pas et j'ai eu l'occasion de le lui dire", a affirmé le Premier ministre, tout en précisant que cette mise au point ne remettait "pas en cause l'unité du gouvernement".

François Fillon a également profité de l'occasion pour dénoncer l'attitude de l'opposition qui cherche à bloquer l'application du fichier. "Tous les responsables politiques, en particulier de gauche, qui s'expriment aujourd'hui, on ne les a jamais entendus lorsqu'il s'agissait du fichier des Renseignements généraux, qui était beaucoup moins encadré que ne l'est aujourd'hui celui que nous mettons en place". Le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Gérard Gachet, a lui aussi réagi en affirmant qu'"il n'y aura ni fichage d'homosexuels, ni de séropositifs, ni de malades" dans le fichier Edvige. "Ce sont des données totalement privées et rigoureusement protégées par la loi informatique et liberté".

Pourtant, la présidente du Medef, Laurence Parisot estime qu'Edvige est "quelque chose qui (la) gêne beaucoup. Je suis assez troublée par ce que l'on est en train de découvrir (...) Je note que nous n'avons pas été consultés alors que nous sommes concernés en tant que militants de l'entreprise". Parmi d'autres opposants au fichier, François Bayrou a appelé à un "mouvement de refus républicain", jugeant "outrageant" de pouvoir enregistrer des données telles que "l'orientation sexuelle ou la santé". Martine Aubry a dit "deviner déjà les dérives" d'Edvige.

Le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque, a estimé lundi sur Europe 1 que le fichier policier Edvige "est totalement inadmissible et je ne vois pas l'utilité d'un fichier où on indique l'appartenance syndicale, les orientations sexuelles, les maladies, etc.". Face à ces vives critiques, la réaction du ministre de l'Immigration Brice Hortefeux ne s'est pas faite attendre. Selon lui, il n'y a "pas de quoi s'inquiéter". "Attendons les recours du Conseil d'Etat pour adopter une position définitive", a-t-il ajouté.

Créé par un décret du 1er juillet au Journal officiel, le fichier Exploitation documentaire et valorisation de l'information générale (Edvige) permet de recenser dès 13 ans, avec de nombreux renseignements personnels, des personnes jugées "susceptibles de porter atteinte à l'ordre public" ainsi que celles exerçant ou ayant exercé un mandat politique, syndical ou économique ou jouant un "rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif".

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