Enron un an après

C'était il y a tout juste un an. En ce 16 octobre 2001, il y eut d'abord l'annonce surprise par Enron d'une perte trimestrielle de plus de 600 millions de dollars, due à une lourde charge d'un milliard de dollars de dépréciation d'investissements dans des véhicules financiers douteux. Perte aussitôt sanctionnée par une mise sous surveillance des notes de crédit du courtier en énergie par Moody's. Puis une semaine plus tard le groupe, ex "darling" de Wall Street, révèle l'ouverture d'une enquête de la SEC, le gendarme de la Bourse américaine, sur ces montages mystérieux... Le titre perd plus de la moitié de sa valeur en quinze jours, mais les analystes continuent dans leur très grande majorité de conseiller l'achat "pour des raisons de valorisation"... Certains évoquent déjà LTCM, le fonds spéculatif dont la liquidation avait déjà provoqué une grave crise financière en 1998. Mais l'affaire qui fait déjà trembler Wall Street met un bon mois à faire du bruit en Europe, lorsque tout s'accélère : les craintes d'un échec du rapprochement avec Dynegy qui aurait pu assurer sa survie, et la dégradation de la note en catégorie "junk bond" ou "obligation pourrie". Le coup de grâce....Alors un an après, que reste-t-il du désastre ? Une nouvelle maladie, du nom d'Enronite, sorte d'hystérie ayant succédé à l'aveuglement général. Tout d'un coup, le marché redécouvre le bilan, et surtout le hors bilan, tous ces engagements expédiés dans de petits alinéas souvent incomplets et incompréhensibles. Les analystes crédit, souvent méprisés par les stars de la recherche, experts "equity" qui suivent les actions, volent la vedette à ces derniers.Voici les marchés entrés (pour combien de temps ?) dans l'ère du soupçon. Gare à ceux qui prétendraient faire oeuvre de créativité financière ou comptable. Soupçon et absence de repères : on ne peut donc plus croire ni les PDG (qui mentent), ni les auditeurs, qui ont aidé à dissimuler les chiffres, ni les analystes (qui conseillent malgré des révélations effarantes), ni les autorités de marché, qui n'ont pas opéré le contrôle en amont, ni les agences de notation, qui ont réagi très tardivement, et l'on doit se méfier des banques, au double jeu de prêteur et conseiller, qui aident aux montages puis se paient "sur la bête"...Les PDG des deux côtés de l'Atlantique tentent de moduler leurs discours, prônent la transparence. Mais les pratiques ont-elles bien changé ? Surtout, cela peut-il suffire pour restaurer la confiance ? La faillite la plus importante de l'histoire américaine aura été in fine avant tout le plus cruel révélateur des failles du système capitaliste. Que la chasse aux sorcières, emmenée par George W. Bush lui-même, ait été lancée aux Etats-Unis n'a rien d'étonnant. Mais que le terme de régulation se soit imposé comme le nouveau maître mot des marchés outre-Atlantique n'est pas le moindre des paradoxes de cette affaire...
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