Internet : divorce franco-allemand sur le projet Quaero

La semaine dernière, l'Allemagne a officialisé le retrait du projet de recherche et développement censé donné naissance à "l'Airbus d'Internet" en créant un rival de Google. Les Français continueront donc seuls dans leur coin. En attendant, les Google et consorts dépensent sans compter dans la recherche.

Cela devait être un symbole de la coopération allemande. Quaero, projet cher au coeur de Jacques Chirac, censé devenir "l'Airbus d'Internet", devait associer compétences françaises et allemandes pour mettre au point les techniques de recherche de l'avenir, afin de concurrencer l'hégémonie de Google. Mais la semaine dernière, le secrétaire d'Etat allemand à l'Economie a officiellement jeté un pavé dans la mare en annonçant au sommet national de Postdam sur les technologies de l'information le retrait des industriels allemands.

Raison officielle: une divergence de vue sur le fond du projet. En France, les entreprises impliquées dans Quaero travaillent sur des technologies de reconnaissance d'image et de vidéo. De l'autre côté du Rhin, on n'était pas dans cette optique. Le consortium d'industriels, qui comprend notamment Empolis, une entité de Bertelsmann, SAP et Siemens, a choisi de se concentrer sur le "knowledge management", c'est-à-dire la recherche sémantique. Les groupes allemands mèneront ainsi de leur côté leur propre projet de recherche, baptisé Theseus.

Dans les faits, depuis le départ, l'alliance franco-allemande n'est que façade, et n'existe que dans l'affichage politique qui en est fait des deux côtés du Rhin. C'est main dans la main avec la chancelière allemande Angela Merkel que Jacques Chirac avait annoncé un accord sur les financements en Allemagne et en France. Mais depuis le début de l'aventure, les industriels français et allemands se sont à peine vus. Ce sont deux consortiums distincts qui ont été créés. Le projet français a pour chef de file Thomson et comme start-up innovante Exalead. Jouve et France Télécom font également partie de Quaero. Côté allemand, c'est bien plus tard que les industriels ont réussi à s'unir, avec en chef de file Empolis, mais après avoir longtemps attendu l'accord des autorités allemandes nécessaire pour recevoir des subventions. Entre temps, chacun a vaqué à ses propres affaires.

Reste que Quaero, dix-huit mois après les premières évocations, n'est toujours pas lancé. Pas un sou des 250 millions d'euros de subventions sur cinq ans - d'après les projections initiales - n'a été injecté. Quaero est toujours sur le gril des autorités bruxelloises de la concurrence, dont l'accord devrait tomber début 2007. Si le désistement de l'Allemagne ne vient pas remettre en cause le processus.

En attendant, contrairement à ce qu'avance la très récente Agence pour l'Innovation Industrielle, porteuse du projet, les professionnels n'ont pas réellement commencé à travailler. Car, si les avances financières faites par les entreprises impliquées dans Quaero sont rétroactives, il y a toujours un risque que Bruxelles refuse son accord. "C'est à leurs risques et périls", admet l'AII.

Pourtant, les ambitions sont grandes pour Quaero. Le projet veut se faire une place de choix dans les technologies de recherche de demain et casser l'hégémonie américaine, dont se lamente régulièrement la classe politique. Actuellement, les algorithmes des moteurs de recherche - de Google par exemple - effectuent uniquement des recherches textuelles. Mais Quaero parie qu'à l'avenir les besoins d'effectuer des recherches sur les images elles-même seront grands.

C'est bien sur cette vague d'innovations à venir que Quaero compte surfer, pour s'imposer face aux Google et autre Microsoft. Sauf que, pendant que Quaero attend encore ses financements, Google dépense des milliards de dollars en recherche et développement. Des dépenses qu'il affecte sans doute lui aussi aux technologies multimédia de demain...

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