Un tiers des Européens du mauvais côté de la fracture numérique

Plus d'un Européen sur trois n'a aucune connaissance en informatique. Un foyer français sur trois n'a accès qu'à la radio et à cinq chaînes de télévision analogique, quand un sur six vit dans un "hyperchoix" de loisirs numériques. Comment vivre ensemble dans des sociétés aussi bipolarisées?

En 2005, 37% des habitants de l'Union européenne n'avaient aucune connaissance de base en informatique, selon une étude d'Eurostat, l'agence de statistiques de la Commission européenne.

Eurostat a interrogé 181.000 personnes âgées de 16 à 74 ans sur leurs aptitudes dans six domaines: utilisation de la souris pour lancer des programmes tels que navigateur Internet ou traitement de texte, copie ou déplacement de fichiers ou de répertoires, utilisation des fonctions copier-coller, utilisation des formules arithmétiques dans un tableur, compression de fichiers et écriture d'un programme informatique.

Les personnes n'ayant coché aucune de ces aptitudes sont considérées comme sans connaissances en informatique: elles représentent donc 37% des Européens. Avec une ou deux des aptitudes précitées, on entre dans la catégorie "Connaissances de base en informatique - Faible niveau". Elle représente 15% des habitants de l'Union. Les personnes qui en ont coché 3 ou 4 sont considérées comme de niveau moyen. Au moins 5 de ces aptitudes correspondent à un niveau élevé, ce qui est le cas de 22% des sondés.

L'étude révèle de fortes disparités selon les pays. La plus forte proportion de personnes sans connaissances informatiques se trouve en Grèce (65%) suivie de l'Italie (59%), la Hongrie (57%), le Portugal (54% chacun) ou la Lituanie (53%). A l'inverse, moins d'un quart de la population est dans ce cas au Danemark (10%), en Suède (11%), au Luxembourg (20%), en Allemagne (21%) et au Royaume-Uni (25%). La France n'a malheureusement pas participé à l'étude mais les règles européennes lui imposeront de le faire en 2006.

L'âge semble un critère bien plus discriminant que la géographie: 65% des plus de 55 ans n'ont aucune connaissance, contre 29% des 25-54 ans, et seulement 10% des 16-24 ans. Chez ces derniers, 40% affichent un niveau "élevé".

Et l'éducation peut remédier aux disparités, note Eurostat. "Le niveau d'analphabétisme informatique diminue avec l'augmentation du niveau d'instruction". En moyenne, seulement 11% des personnes ayant un niveau d'instruction élevé n'ont pas de connaissances informatiques de base, ce chiffre variant de 2% en Suède à 24% en Estonie, tandis que 41% déclarent un niveau élevé de connaissances. Parmi les étudiants, seulement 4% n'ont aucune connaissance informatique et 11% un faible niveau de connaissance. A l'inverse, 41% avaient un niveau moyen de connaissances et 43% un niveau élevé.

En France, l'étude de référence GfK-Médiamétrie sur l'équipement multimédia des foyers constate qu'un foyer sur trois - 14 millions - vit avec la radio et une poignée de chaînes hertziennes. A l'inverse, un autre groupe, deux fois moins nombreux, a accès a une large palette d'activités numériques: abonnement à la télévision câblée ou satellite, console de jeu, lecteur DVD, accès Internet... Ce groupe, qui vit dans "l'hyperchoix", selon la terminologie de Médiamétrie, a grossi d'un million de foyers en un an, tandis que la population la moins équipée est restée stable. Si cette évolution se poursuit, la "bipolarisation va s'accentuer", estime Médiamétrie.

Face à ces données, on peut se dire que le fossé se résorbera avec le renouvellement des générations. Combien a-t-il fallu d'années, après l'apparition de la voiture, pour que la quasi-totalité de la population emprunte, au moins de temps en temps, ce moyen de transport? Il n'y aurait donc qu'à laisser le temps faire son oeuvre.

Mais dans l'entre-deux, on ne peut que s'interroger sur les conséquences pour des sociétés de voir coexister des populations vivant sur des planètes si éloignées. Sans un minimum de références et d'usages communs, l'échange même devient impossible. A l'heure où fleurissent les réflexions sur la nouvelle citoyenneté, la redéfinition de l'espace du débat public, induites par la prise de parole et les débats sur le Net, le poids des "analphabètes" de l'informatique et des laissés à l'écart de la révolution numérique ne doit pas être oublié. On aimerait que l'Union Européenne, après le constat statistique, puisse en tirer des orientations politiques.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.