L'Algérie à coeur ouvert

Romanciers et historiens revisitent les heures sombres de la colonisation en Algérie. Francis Zamponi livre sa propre version des massacres de Sétif, Bachir Hadjadj retrace la saga centenaire de sa famille et Jean Delmas explique les ressorts de la bataille d'Alger.

Après "le don du sang" et "mon colonel", l'écrivain Francis Zamponi utilise à nouveau les conventions du roman pour rouvrir les plaies de la colonisation. L'insurrection de Sétif le 8 mai 1945 et la terrible répression qui a suivi est une des pages les plus sombres de l'histoire coloniale. Dans "le boucher de Guelma", Zamponi s'est saisi de cette tragédie largement occultée de notre mémoire pour bâtir un roman diablement efficace.

Maurice Fabre, ancien sous-préfet de Guelma, est arrêté par les autorités algériennes qui l'inculpent 60 ans après les faits de crimes contre l'humanité. Il est accusé d'avoir organisé et planifié un véritable massacre d'Algériens en réaction au lynchage d'une centaine de pieds-noirs lors de la manifestation du 8 mai. Acculé, le fonctionnaire se résigne à révéler les véritables dessous d'une tragédie aux ressorts plus complexes qu'il n'y paraît. Quitte à mettre dans l'embarras les autorités françaises comme américaines...

Ce roman explosif est révélateur d'un nouveau regard posé sur l'Algérie coloniale. On lira ainsi le superbe témoignage de Bachir Hadjadj, "les voleurs de rêves", dans lequel il retrace 150 ans de la vie de sa famille, originaire elle aussi de la région de Sétif. Toute la période coloniale est ainsi racontée au rythme d'une chronique familiale transmise de père en fils : la guerre d'occupation, la confiscation des terres doublée rapidement d'une ségrégation qui ne dit pas son nom. L'auteur évoque ensuite sa propre enfance, dans une famille écartelée entre la tradition musulmane et la modernité occidentale, l'extrême violence de la guerre d'indépendance et les années de désillusion de l'Algérie contemporaine, puis l'exil en France.

Entre le roman et le récit historique, l'ouvrage de Jean Delmas, "la bataille d'Alger" se situe à un niveau intermédiaire qu'entend promouvoir les éditions Larousse en lançant une nouvelle collection "l'Histoire comme un roman". Dans un style vivant, alternant dialogues et analyses factuelles, l'auteur fournit les clés pour comprendre l'immense fossé qui sépare en 1957 les deux communautés à l'issue de cette année de plomb. Mêlant son expérience de soldat et sa culture d'historien, Jean Delmas souligne les enjeux du conflit : la crise profonde que traverse l'armée française, le scandale de la torture... En complément, on lira l'excellent "Que sais-je ?" (éditions PUF) consacré à la guerre d'Algérie dans lequel Guy Pervillé retrace l'histoire de cette décolonisation douloureuse.

Renseignements pratiques :
"Le boucher de Guelma", de Francis Zamponi. Seuil, 272 pages, 16 euros. "Les voleurs de rêves", de Bachir Hadjadj. Albin Michel, 460 pages, 22 euros. "La bataille d'Alger", de Jean Delmas. Larousse, 288 pages, 19,50 euros. Livré avec le CD de l'émission "2000 ans d'histoire" diffusé sur France Inter.

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