Société Générale : Kerviel ne veut pas être le bouc-émissaire de la banque

Jérôme Kerviel, le trader accusé d'avoir fait perdre près de 5 milliards à la banque, affirme dans une interview à l'AFP qu'il ne veut pas être le "bouc-émissaire" de la Société Générale. Le gouverneur de la Banque de France a indiqué avoir voulu éviter une panique du type de celle subie par la Northern Rock en Grande-Bretagne. De son côté, le gouvernement français redoute l'impact fiscal de la perte entrainée par les opérations du trader.

Alors que selon le Wall Street Journal le gendarme de la Bourse américaine (SEC) et le département américain de la Justice ont ouvert des enquêtes liées à un possible délit d'initié de la part d'un administrateur de la Société Générale, l'enquête se poursuit en France. Le trader de la banque, accusé d'avoir fait perdre près de 5 milliards d'euros en raison de ses prises de positions frauduleuses sur les marchés, a été entendu lundi 4 février sur le fond du dossier par les juges qui l'avaient mis en examen, rapporte ce mardi l'AFP, citant une source judiciaire.

Le courtier de 31 ans a été entendu pendant environ huit heures par les juges Renaud van Ruymbeke et Françoise Desset qui l'ont interrogé sur les conditions dans lesquelles il travaillait dans la salle des marchés de la Société Générale. L'audition est la première subie par Jérôme Kerviel depuis sa mise en examen le 28 janvier pour "abus de confiance", "faux et usage de faux" et "introduction dans des systèmes de données informatiques"

Mardi, en début d'après-midi, le trader a confié à l'AFP qu'il refusait d'être "le bouc émissaire" de la banque. "J'ai été désigné (comme unique responsable) par la Société Générale. J'assume ma part de responsabilité, mais je ne serai pas le bouc émissaire de la Société Générale", a expliqué à l'AFP le trader lors d'une rencontre au cabinet parisien de son avocate Me Elisabeth Meyer. "Je n'ai jamais eu d'ambition personnelle dans cette affaire. L'objet, c'était de faire gagner de l'argent à la banque", a ajouté Jérôme Kerviel.

Jérôme Kerviel admet avoir caché par des faux le fait qu'il n'avait pas pris des engagements parallèles pour couvrir ses positions, comme c'est, selon la Société générale, la règle. Il explique toutefois que sa hiérarchie fermait les yeux sur ses prises de risque et que ses pratiques étaient aussi celles d'autres traders de la Société Générale. C'est la banque, en liquidant les positions litigieuses du 21 au 23 janvier, en plein krach boursier, qui a matérialisé la perte, assure le courtier.

Inquiétudes fiscales du gouvernement

De son côté, le gouvernement souhaite examiner les comptes de la Société Générale afin de déterminer le traitement fiscal de la perte de trading de 4,9 milliards enregistrée par la banque. Cette fraude pourrait conduire le gouvernement à rembourser un trop perçu chiffré à plus d'un milliard d'euros sur l'impôt sur les sociétés. "Nous allons examiner de manière très attentive la manière dont la Société Générale établit ses comptes et déclare son résultat", a déclaré mardi la ministre de l'Economie Christine Lagarde au micro de RTL. Christine Lagarde a en outre défendu mardi la création d'un groupe de quelques personnes au sein du gouvernement devant à l'avenir être informées rapidement et confidentiellement d'une affaire semblable à celle de la Société Générale

La ministre avait remis hier au Premier ministre François Fillon un rapport présentant des pistes de réflexion pour renforcer les dispositifs internes de contrôle des opérations de marché. Selon ce rapport, des insuffisances potentielles dans le système de contrôle de la Société générale permettent d'expliquer en partie la perte de trading de 4,9 milliards d'euros enregistrée par la banque.

Spéculation renforcée sur Société Générale

En Bourse, le titre Société Général reste secoué par les rumeurs d'OPA, notamment de la part de sa grande concurrente, BNP Paribas. Merrill Lynch a d'ailleurs confirmé mardi sa recommandation d'achat sur la Société Générale tout en relevant son objectif de 90 à 116 euros. Merrill Lynch explique que ce nouvel objectif est basé sur la probabilité à 70% d'une offre de rachat émanant de BNP Paribas.

Merrill Lynch estime qu'avec des synergies de coûts de 3 milliards d'euros, soit 19% de la base de coûts de la Société Générale en 2007, et une parité de trois actions BNP Paribas pour deux Société Générale, l'opération pourrait être neutre en 2010 sur le bénéfice par action de BNP Paribas.

Merrill Lynch évoque également dans sa note le scénario d'un démantèlement de la Société Générale qui aurait l'avantage, à ses yeux, de maintenir son réseau dans des mains françaises et d'introduire une composante en cash susceptible de décourager des surenchères. Un consortium BNP Paribas-Crédit agricole SA et Intesa Sanpaolo pourrait alors lancer une offre dans des délais courts et avec une prime équitable, selon la banque américaine.

Le gouverneur de la Banque de France a voulu éviter une panique du type Northern Rock
Le gouverneur de la Banque de France a expliqué mardi avoir agi dans la crise à la Société générale avec l'objectif d'éviter une crise comparable à celle de la banque britannique Northern Rock. Devant la commission des Finances de l'Assemblée nationale, Christian Noyer a également justifié le fait de ne pas avoir immédiatement averti le gouvernement de la situation par la volonté de présenter une solution en même temps que le problème. "Mon souci primordial a été, ayant en mémoire l'expérience très douloureuse vécue par le Royaume-Uni dans une affaire très différente il a quelques mois, de faire en sorte que le problème soit traité et que les solutions soient mises en place dans les délais les plus brefs, de telle sorte qu'il n'y ait pas d'annonce sans qu'il y ait de solution", a-t-il dit. Christian Noyer, qui est également président de la Commission bancaire, a indiqué qu'il n'avait averti que quatre de ses collaborateurs bien qu'il fasse confiance à l'ensemble de son équipe. Vis-à-vis du gouvernement, qui n'a été averti que trois jours après, "le raisonnement est différent", a ajouté Christian Noyer. "J'ai considéré que mon rôle n'était pas d'apporter des problèmes au gouvernement sans solution mais d'apporter un problème avec un début de solution", a-t-il dit. "Ce n'est absolument pas une question de confiance, c'était simplement qu'il me semblait que mon devoir c'était de m'assurer qu'au moins un début de solution était en route", a-t-il ajouté.

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