La cartographie sociale au secours des new-yorkais

Francis Pisani est chroniqueur indépendant, auteur, expert international en innovation, conférencier. Son site : francispisani.net.
Francis Pisani
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Daniel Latorre était à l'Université de Minnesota au moment où y est né Mosaic, le premier navigateur important. Il n'a jamais cessé depuis de se consacrer au développement de logiciels.

Mais les événements du 11 septembre 2001 l'ont fait s'intéresser à la société civile, «  le dernier secteur, le dernier silo - avec les municipalités - à embrasser pleinement les médias digitaux ». C'est alors qu'il a décidé de se consacrer à les aider à faire la transition.

« Le design urbain est l'interface de la ville »

Quelques années plus tard, alors qu'il travaillait au tracé des pistes cyclables pour New York, il s'est rendu compte que « le design urbain est l'interface de la ville ». Ce qui permet à ses habitants de s'y retrouver, d'en tirer parti. « C'est particulièrement vrai avec le mobile. Tout le monde peut l'utiliser pour modifier l'interface. » L'étape d'après lui a permis de comprendre que « les villes conçues autour des voitures ont, aujourd'hui, un mauvais design. Nous avons besoin d'une nouvelle interface. »

Alors il s'est mis à aider les activistes pro bicyclettes volontiers réticents face aux médias digitaux. Pour les convaincre, il a lancé un projet de carte digitale sur laquelle les new-yorkais étaient invités à indiquer où ils souhaitaient voir les stations pour vélibs locaux.

"Les smart cities sont orientées vers le contrôle"

Mais, dans la ville comme ailleurs, la technologie n'est qu'un outil et il s'est très vite heurté au concept de « smart city qui correspond le plus souvent à une philosophie technocratique néolibérale dont la crise de 2008 révèle qu'elle est le problème. » Silence. « Je dois nuancer », ajoute-t-il. « Nous avons besoin d'infrastructures mais la question est de savoir qui va en bénéficier, si le système est transparent. Les smart cities sont orientées vers le contrôle. »

Mi-colombien, mi-norvégien, Latorre est un pur produit de New York où il est arrivé quand il avait cinq ans. Il s'apprête maintenant à lancer son propre cabinet WiseCity.org, pour aider les gens à « passer des villes intelligentes aux villes sages connectées ».

Son outil principal, pour y parvenir, est la cartographie sociale (crowdsourced mapping) créée avec le logiciel open source kenyan Ushahidi.

Mettre ses idées sur une carte

« Quelque soit le projet - création d'un parc, design ou amélioration d'une rue, entre autres - ça permet aux gens de mettre leurs idées sur une carte, » explique-t-il. « Ça agit comme logiciel social en connectant les gens qui prennent conscience de l'existence des autres à mesure qu'ils s'en servent. Ils ignorent tout de leurs voisins et les mécanismes de participations leur permettent de se trouver. »

A condition d'utiliser les images satellitaires plutôt que les cartes abstraites traditionnelles, « il y a un aspect concret très puissant dans la cartographie : ça permet de voir où il y a des zones vertes et où elles font défaut et c'est plus amusant. »

Les gens redécouvrent leurs villes, les administrateurs prennent connaissance des détails des zones sous leur responsabilité. « Les cartes digitales permettent aux différents agents d'avoir littéralement un terrain de rencontre virtuel de la même manière qu'une place publique est un espace où les gens se trouvent. » Autant de mécanismes, ajoute-t-il, qui sont absents « de la rhétorique des villes intelligentes ».

Un bilan positif

Le bilan de ses premières expériences semble positif mais Latorre se sent déjà confronté à une autre difficulté : « Comment donner de la continuité à ce travail ? » L'énergie se dissipe vite.

Sa réponse instinctive consiste - comme dans le développement agile des logiciels - à remplacer les grands projets espacés par de multiples micro-projets, plus fluides, mis à jour de façon ininterrompue.

Mais ce geek sait bien que « le logiciel n'est que 20% du processus. Le gros morceau correspond au travail d'organisation communautaire local ».

La question devient ainsi « jusqu'où pouvons-nous être techniques et pour qui ? Si nous ne trouvons pas la réponse d'autres la trouveront ? »

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