Smart city : l’intelligence citoyenne connectée

Le #ForumSmartCity, organisé par La Tribune le 20 novembre prochain, est l'occasion de revenir sur les problématiques et les perspectives de la ville de demain. La technologie au service des citoyens. Et si, au-delà de résoudre les problèmes de bouchon, tel était l’apport majeur de la ville intelligente ? De nombreuses expériences existent, en voici les leçons.
Les nouvelles technologies de la communication peuvent aussi permettre aux citoyens de participer au projet de ville, pour la rendre plus démocratique.

Commençons par un exemple tout simple - insuffisant - de processus démocratique facilité par les TIC. Ça se passe à Singapour en 2012, l'entreprise Newton Circus lance plusieurs hackathons civiques pour améliorer la ville. Elle est petite, très peuplée et presque sur l'équateur. Beaucoup de gens y travaillent dans des gratte-ciel où l'air conditionné souffle à gogo. Mais comme avec la chaleur dans les bureaux parisiens l'hiver, personne n'est jamais content sur la température. Le hackathon règle le problème élégamment avec une appli permettant à chacun de voter sur la fraîcheur qu'il ou elle souhaite. L'étape d'après comporte l'installation de capteurs qui permettront à chaque étage de se prononcer.

Un hackathon est « un ras­semblement de développeurs organisés par équipe autour de porteurs de projet, avec l'objectif de produire un prototype d'application en quelques heures », nous explique Wikipedia. Une sorte de marathon consacré au code, en général pendant un week-end. Les hackathons civiques, qui se consacrent à l'amélioration des conditions de vie d'une ville ou d'une commu­nauté, incluent des membres de cette dernière et des non-­développeurs. Ces quelques lignes vous déçoivent ? Vous attendiez une solution aux problèmes du monde et vous retrouvez avec encore un gadget ? Permettez-moi de m'expliquer.

La peur du suivi permanent

L'immense majorité des propositions concernant les villes intelligentes passent par des dispositifs permettant de recueillir et de traiter des données pour mieux comprendre ce qui s'y passe et agir en conséquence. Elles proviennent d'entreprises comme IBM, Cisco, Schneider Electrics ou Huawei, et sont utiles. Mais, si personne ne veut vivre dans une ville bête, personne ne rêve d'être espionné et suivi en permanence. La crainte est suffisante pour que certains refusent la notion de ville intelligente, voire même le recours aux TIC pour améliorer nos agglomérations. Dommage, car elles permettent aussi la participation citoyenne.

Même les grandes entreprises commencent à intégrer l'idée dans leur discours. Mais s'appuyant sur la pratique qui fait la fortune de Google, Apple, Facebook et Amazon - le contenu généré par les consommateurs -, elles nous proposent de participer... en collectant des données grâce à nos téléphones mobiles. Une caricature.
La vraie participation citoyenne est le plus souvent abordée à trois niveaux :

  • 1/ La démocratie électronique consiste à enrichir le fonctionnement démocratique grâce aux TIC. Cela va du vote électronique à la transparence, et assume que « tous les citoyens seraient des participants égaux aux propositions, aux créations et à la mise en œuvre des lois ». C'est super, mais pas pour demain et ça se situe au niveau du « politique » traditionnel, lui-même en crise.
  • 2/ Le gouvernement électronique recouvre l'utilisation des TIC par les administrations, pour « rendre les services publics plus accessibles à leurs usagers et améliorer leur fonctionnement interne.»
  • 3/ La gouvernance électronique est une ouverture à la participation des parties prenantes : entreprises, pouvoirs publics et société civile.­ « ­L'e-gouvernement est un protocole de commu­nication à sens unique, explique Wikipedia, alors que ­l'e-gouvernance est un protocole de communication à double sens. »

Participolis se situe plus près du sol, plus près des gens, à un niveau auquel, loin des grands principes et des grandes discussions, on parle et décide de choses concrètes, depuis l'installation d'un feu rouge jusqu'à l'impact de la construction d'un nouvel ensemble immobilier.

L'implication des hackers

Pour qu'elle soit possible, le premier pas consiste à rendre publiques les données (open data), ce qui permet à ceux qui savent de travailler directement sur les informations mises à leur disposition par les services publics et les entreprises. C'est là que nous retrouvons hackers et hackathons civiques qui se multiplient de par le monde comme celui que vient d'organiser le Mexicain Alfonso Govela à Hyderabad dans le cadre du XIe Congrès de Metropolis, l'association des plus grandes villes du monde. Ils sont le plus souvent une occasion pour les grandes entreprises de trouver de bonnes idées, voir des équipes performantes.

Mais la concurrence directe n'est pas à exclure, comme ça s'est passé l'an dernier à Mexico où le Congrès, soucieux de moderniser son système informatique, avait passé un accord avec une entreprise privée qui se proposait de le faire en deux ans pour 9,3 millions de dollars US. Ce que voyant, une poignée de hackers locaux se sont réunis pour fournir une meilleure solution réalisée en dix jours et gratuite, même si les gagnants ont reçu une récompense de 10 000 dollars, soit mille fois moins que la somme demandée par l'entreprise. Retombées encourageantes, on retrouve maintenant certains d'entre eux dans l'équipe municipale et même dans celle chargée d'aborder les problèmes de la transformation digitale pour le chef de l'État.

Difficile de mobiliser les citoyens

Pour utile qu'elle soit la participation des hackers est insuffisante. Mais celle des citoyens ordinaires est élusive. Le Printemps arabe, les révoltes d'indignés en Espagne et celles d'Ukraine, parmi d'autres, nous ont enseigné que les TIC aidaient les gens à se réunir pour protester. Mais les retombées sont tristes. Ceux qui se mobilisent facilement en temps de crise semblent perdre leurs motivations quand le calme revient.
Nous voulons tous que les citoyens participent, mais personne ne sait comment faire. Faute d'enseignement clair, retenons deux idées permettant d'agir sans attendre. La première est qu'il faut simplifier la technologie pour donner aux gens les moyens de comprendre et de participer. À New York, Daniel Latorre a travaillé sur le tracé des pistes cyclables en demandant aux intéressés ce qu'ils souhaitaient. Les cartes, a-t-il constaté, sont utiles pour « comprendre sa ville et y agir ». Ça permet aux utilisateurs de dire l'itinéraire qu'ils souhaitent et aux agents municipaux de répondre à ces demandes.

« Mais, ajoute-t-il, si vous voulez que ça marche vraiment, il faut utiliser des images satellitaires. Les gens comprennent beaucoup mieux qu'avec des cartes qui sont trop abstraites. »

L'outil mis au point en France par l'architecte Alain Renk va encore plus loin. Il s'agit d'une application pour iPad appelée Villes sans limites. Elle permet aux habitants d'un quartier de voir à quoi il ressemblerait s'il avait plus de maisons, ou plus d'arbres ou plus de personnes, par exemple. Puis d'en mesurer les implications. Hackers, encore un effort.

La seconde idée est qu'il faut partir du concret, de ce qui touche la vie des gens. C'est ce que propose d'étudier Alexandre Nicol dans une thèse (transformable en projet) qui s'annonce passionnante sur la ville de Shanghai.

Voici ce qu'il m'en dit : « Il y a une semaine, je suis tombé sur un petit attroupement d'une dizaine de Chinois observant deux ouvriers peignant un nouveau passage piéton. Et j'ai été fasciné de voir ces personnes parlant, rigolant, échangeant des cigarettes, observant les travaux. Je suis resté à les regarder et j'ai pu remarquer que ces personnes ne se connaissaient pas forcément, les piétons s'arrêtaient, engageaient la conversation et repartaient comme ils étaient arrivés. Les travaux ayant juste servi d'excuse à la discussion. [...] Le projet que je souhaiterais mener serait de recréer en ligne ces commu­nautés d'un instant grâce aux technologies de l'Internet et faire en sorte que les commentaires des utilisateurs soient entendus par les acteurs ayant le pouvoir d'adapter ces projets. » 

La vraie participation commence donc avec le design et la conception de l'espace urbain. L'enjeu est de ne s'en remettre ni à l'État ni aux collectivités territoriales. Il suffit de se prendre en main, ici et maintenant. Démarche fascinante que nous retrouvons chez beaucoup d'entrepreneurs et d'activistes qui ont compris qu'ils pouvaient, grâce - en partie - aux TIC, agir sur leur partie d'univers, modifier le cours de leur vie et, pourquoi pas, celles de leurs concitoyens.  

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