Pr A. Mebtoul : «  L'usine Renault d'Oran, un symbole... à parfaire  »

Economiste, conseiller indépendant du gouvernement algérien, le Professeur Abderrahmane Mebtoul est une personnalité connue pour son franc-parler et sa perspicacité dans l'analyse de l'économie algérienne.  Il nous donne ici son avis sur la coproduction franco-algérienne d'automobiles et les effets de la chute du prix du baril.
Pr Aberrahmane Mebtoul

LA TRIBUNE - Professeur, vous vous félicitez de l'ouverture de l'usine Renault d'Oran, mais vous exprimez aussi des réserves sur sa compétitivité...

Pr ABDERRAHMANE MEBTOUL — Oui, c'est un beau symbole des retrouvailles entre la France et l'Algérie, mais je crains que le projet ne soit sous-dimensionné. D'abord, il ne s'agit pour l'instant que d'une unité de montage, cela exclut donc toute valeur ajoutée.

D'autre part, l'objectif à terme d'une production annuelle de 75 000 véhicules est insuffisant pour assurer la compétitivité de l'usine, surtout lorsque les subventions d'État auront cessé, dans quatre ans.

Enfin, si l'on veut atteindre à terme un taux d'intégration souhaitable de 50 % à 60 %, l'Algérie devra prévoir une formation adéquate dans les techniques de pointe, car on 
ne construit plus une voiture comme dans les années 1970. Et côté français, le groupe Renault devra accepter d'opérer un réel transfert technologique et managérial, afin de permettre la montée en gamme de l'usine d'Oran, si l'on veut aller vraiment vers de la « coproduction ». À ce stade, l'usine est donc un symbole, mais qui reste à parfaire.

Comment expliquez-vous l'importance du débat actuel en Algérie sur 
les questions économiques ?

Notre pays vit presque exclusivement de la rente des hydrocarbures, pétrole et gaz, qui représentent 98 % de nos exportations et couvrent quelque 80 % de notre budget 2014, prévu sur la base de 71 Mds €. Or, nous allons vers l'épuisement des réserves de pétrole, vers 2025, et de gaz, vers 2030.

Après de longues années de déni, facilité par la hausse des cours du baril qui a atteint jusqu'à 140 dollars, les autorités semblent décidées à affronter ce défi de libérer notre économie de la prison de la rente. C'est d'autant plus urgent que le prix du baril tourne autour de 80 dollars, il a perdu 60 dollars depuis l'été. 
Et s'il devait descendre jusqu'à 70 dollars*, nous serions confrontés à de graves difficultés budgétaires. C'est  pourquoi les réformes visant à libérer notre économie sont si urgentes.

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PS - Depuis cet entretien, publié dans La Tribune hebdo n°110 du vendredi 28 novembre, le cours du baril a encore baissé, s'établissant à 62 dollars, le 12 décembre.

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