Derrière le prix Nobel d'économie, l'émergence de nouvelles écoles françaises

Sans l'émergence de nouvelles structures de recherche, telle la Toulouse School of Economics à laquelle il appartient, Jean Tirole n'aurait pu recevoir le prix Nobel d'économie

 Jean Tirole était pour beaucoup un inconnu. Ce timide ne fait pas partie de ces économistes sollicités régulièrement par les médias et s'exprimant avec facilité et brio. Et pourtant, les sujets qu'ils traitent sont concrets et actuels (régulation des services publics, tarification, concurrence)

La Toulouse School of Economics, ne l'est guère plus. Pourtant, une telle récompense ne peut être obtenue en dehors d'une structure de recherche avancée et d'une équipe de chercheurs de haut niveau. L'époque n'est plus celle d'un Maurice Allais chercheur isolé, qui fut le dernier  Français à décrocher cette haute distinction (1988)

Les Français savent- ils qu'entre les grandes écoles et les universités sont apparues des structures innovantes remarquables à bien des égards ? La TSE en est une. Elle a pris sa véritable dimension grâce à la Loi Programme pour la recherche adoptée sous le gouvernement Villepin (2006) qui avait prévu des dispositifs originaux, dont les fondations de coopération scientifique. Notre politique de la Recherche n'est probablement pas suffisante mais elle est capable d'innover.

TSE, une école ouverte sur l'extérieur

Toulouse School of Economics en est une. Son premier directeur, Jean Jacques Laffont, trop rapidement décédé en 2004, sans qui il n'y aurait pas eu à Toulouse un prix Nobel dix ans après, a rapidement fait reconnaitre l'Ecole en France et à l'étranger. Outre la qualité scientifique, dont le recours à une modélisation sophistiquée, les clés du succès ont été une taille relativement limitée (150 enseignants chercheurs) un mode de gestion souple et une ouverture systématique sur l'extérieur : conseil scientifique constitué en majorité de chercheurs étrangers, conseil d'administration limité à quatorze membres (en majorité extérieurs à l'école),  existence de contrats à durée limitée et de rémunérations complémentaires permettant de faire venir à Toulouse des chercheurs étrangers.

De plus, le siège est superbe, l'ancienne manufacture des tabacs rénovée donnant sur le canal, et la vie à Toulouse n'est pas sans charme. Enfin la greffe avec l'université traditionnelle a pris ; un regroupement a été opéré avec la faculté des sciences économiques de Toulouse et nombreux enseignements transversaux sont en place ou en préparation. Internationalisation, souplesse, contractualisation, transversalité, c'est ce qui manque encore à beaucoup de nos établissements universitaires.

Paris School of Economics, moins riche mais prestigieuse

TSE n'est pas seule, elle a une sœur la Paris School of Economics, moins riche, l'orientation de ses dirigeants ayant fait peur à certains mécènes. Mais elle est également prestigieuse. Son premier directeur ne fut-il pas Thomas Piketty, au caractère difficile mais à la célébrité incontestée ? N'est ce pas un Prix Nobel plus que possible dans la prochaine décennie ? D'autres célébrités collaborent à cette école, Philippe Aghion et Daniel Cohen, remarquable pédagogue notamment. Les financements reçus au titre du grand emprunt ont permis de développer plusieurs programmes de l'Ecole.

 La reconnaissance des économistes français

Ces deux Schools (puisqu'en économie la lingua franca est l'anglais) sont elles deux fleurs qui ont poussé dans le désert?  Nenni, si l'on en en croit le Fonds Monétaire International, expert en la matière. Il vient de sélectionner (aout 2014) les vingt-cinq jeunes économistes les plus influents du monde. Combien d'Allemands : 0 ? Combien d'Américains : 7 (et si l'on en croit l'Inde, 6, car l'un serait indien) Combien de Français : 7... Bien sûr, ils sont tous passés, un moment ou à un autre par les Etats-Unis, où certains enseignent et vivent. Mais quelle reconnaissance !

Qu'y en son temps a relevé l'importance de ces structures nouvelles et l'apparition de cette nouvelle génération de chercheurs ? Même silence sur ces nouvelles communautés d'universités et d'établissements (COUE) en cours de création et riche en innovations (Cf. : La Tribune 29/09/14)

 Remarquons enfin que dans le désert supposé de notre pensées économique une espèce a toujours subsisté, celle des ingénieurs économistes, polytechniciens (D Cohen...), sortis du corps des mines (Maurice Allais) ou des Ponts (Jean Tirole, Pierre Massé, Marcel Boiteux). Ces ingénieurs se sont affirmés en particulier en micro-économie.

Pierre-Yves Cossé

Octobre 2014

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Commentaires 5
à écrit le 27/10/2014 à 13:41
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Il est intéressant de voir que cet article parle d'un prix imaginaire: "le prix Nobel D'économie". En effet ce prix n'existe pas. Le véritable intitulé de ce prix est "prix de la Banque centrale de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred No...

à écrit le 25/10/2014 à 14:24
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Extraordinaire contraste entre le nombre d'économistes français mondialement connus et la nullité profonde de nos politiques économiques successives!

à écrit le 25/10/2014 à 9:53
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En effet, l'énergie permet de remplacer le travail en assurant des gains de productivité. L'énergie doit être associée au travail pour financer les retraites et le chomage.

à écrit le 23/10/2014 à 13:33
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L'énergie remplace le travail en assurant des gains de productivité. L'énergie doit participer à l'économie au même titre que le travail et le capital. Pourquoi oublie-t-on l'énergie?

à écrit le 23/10/2014 à 13:28
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Il faudrait aussi développer la macroéconomie. Ce devrait être la spécialité des économistes de l'énergie. Les bouleversements récents dans ce domaine devrait ouvrir la voie.

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