Ronan Pelloux : « L'important, c'est de participer »

À 29 ans, le cofondateur de l'agence de design « crowdsourcé » Creads revendique le fair-play olympien. Mais il entend bien devenir leader mondial avec sa plate-forme, qui fédère déjà 50000 designers dans le monde.

Avec une telle stature et ses mouvements lestes, on se dit que Ronan Pelloux aurait pu être basketteur. À juste titre. Quand il avait 16 ans, le cofondateur de l'agence de design participative Creads jouait au niveau national et s'apprêtait à embrasser une carrière professionnelle. Mais le jour de son match test pour entrer à l'Asvel, le club de Lyon-Villeurbanne qui dominait alors le championnat de France, il ne parvient pas à convaincre.

« L'ambiance était à couteaux tirés entre les joueurs, et savoir que les examinateurs me notaient chaque fois que je touchais le ballon était déstabilisant », se souvient cet ancien premier de la classe qui a obtenu son baccalauréat avec un an d'avance.

« J'ai toujours été un gentil »

Aujourd'hui, à 29 ans, il codirige une équipe de 35 salariés, et son agence de design « crowdsourcé » fédère une communauté de 50.000 designers à travers le monde. À la suite du fabricant de meubles Woodeos et de la Fédération française des voituriers, plus de 2.000 clients ont fait appel à ses concours d'idées pour trouver le logo ou le nom de leur entreprise.

« Pour notre premier client, nous avons reçu 70 propositions de graphismes en une semaine. Nous avons tout de suite compris que notre business model était le bon. »

Début avril, Ronan Pelloux a annoncé avoir bouclé une première levée de fonds pour accélérer le développement de Creads à l'international, après avoir ouvert les marchés japonais et espagnol. Il a convaincu CM-CIC d'investir 3 millions d'euros. Signer un premier deal de cette envergure en France, c'est un peu comme marquer un panier du milieu du terrain : peu commun et remarquable. Pour autant, Ronan Pelloux n'en fait pas grand cas.

« Depuis la création de Creads en 2008, nous nous sommes développés sur fonds propres, car les investisseurs que nous avions rencontrés ne partageaient ni notre philosophie ni notre ambition », commente simplement cet entrepreneur dont on dit qu'il « aime gagner ».

« Ronan est humble dans la victoire. Il est un homme droit, fiable, solide. Il est sérieux dans le travail et il sait faire sortir le meilleur des gens qui travaillent avec lui, dans une bonne ambiance », confie Marc Fournier, managing partenaire chez Serena Capital et directeur scientifique du master « Innover et entreprendre » à l'ESCP.

C'est dans cette formation que Ronan Pelloux a rencontré son indissociable associé, Julien Mechin.

« Ronan et moi formons un bon duo, animé par un esprit sportif, estime Julien Mechin. Nous ne sommes pas toujours d'accord sur les recrutements à faire ou non, les fonctionnalités à développer, telle ou telle dépense à engager... Nous en débattons sans jamais nous disputer. Ainsi, nos choix sont toujours réfléchis. »

Le tandem s'est réparti les domaines d'expertise

Ronan Pelloux affûte sa vision et gère la communication, tandis que Julien Mechin s'occupe de la technique et du design de la plate-forme. Certes, Ronan Pelloux sait coder lui aussi. Au lycée déjà, il s'amusait à envoyer des virus sur les écrans d'ordinateur de ses camarades de classe quand le prof avait le dos tourné. Puis il s'est fait la main en créant des premières plates-formes, lors de sa formation à l'école d'ingénieur ECE.

« Quand je repense au design de mon premier site, Bar à Paris, j'ai honte ! J'avais mis des éclairs partout... »

Développant des idées à la pelle et au gré de ses centres d'intérêt du moment, il passe rapidement à un autre concept avec Parisat.

« Nous voulions géolocaliser les restaurants à Paris et leur attribuer une note, notamment en fonction de la quantité de nourriture dans l'assiette. Nous avions développé une plate-forme en Java, et nous avions demandé une carte de Paris à l'IGN, qui voulait bien nous la fournir pour 70.000 euros. Nous n'avions évidemment pas cette somme.

Nous nous sommes débrouillés en récupérant des images satellites libres de droits sur Internet... Le site a tout de suite eu un certain succès, et Alloresto nous a contactés pour y afficher une bannière de publicité. J'en étais tellement heureux que je la leur ai offerte. »

Six mois plus tard, Google lançait Google Maps, rendant Parisat obsolète

« Google Maps proposait une fonction zoom que nous n'avions pas »,

relativise Ronan Pelloux, bon joueur. Son associé de l'époque, Minh Loïc Hoang-Xuan, devenu directeur de la stratégie de Creads, souligne « la capacité de Ronan à prendre des décisions, et à les assumer quoi qu'il arrive ».

En 2007, Ronan Pelloux décide d'acquérir des compétences en business. Il choisira le master « Innover et entreprendre » à l'ESCP.

« J'ai hésité un temps avec un master de marketing. J'avais envie d'acquérir de nouvelles compétences, et aussi de sortir de cet univers très masculin de l'école d'ingénieurs. La présence de femmes me manquait », sourit-il.

À l'ESCP, il rencontre Arbia Smiti, la fondatrice de Carnet de mode, qu'il a épousée l'été dernier. Il a conçu pour elle un premier site Internet. Ils réseautent ensemble, en toute discrétion. Il y a un an, tous deux ont participé à l'édition moscovite du G20 Young Entrepreneurs' Alliance (YEA).

« Ils ont été sélectionnés indépendamment, chacun pour ses qualités d'entrepreneur, et c'est au retour du voyage que nous avons appris qu'ils allaient se marier », s'étonne Jean-Louis Grégoire, managing directeur de l'association Citizen Entrepreneurs et sherpa de la délégation française du G20 YEA.

Ils participeront en duo à la prochaine édition, à Sydney, de ce forum qui réunit des entrepreneurs de moins de 40 ans venus de tous les pays du monde pour plancher sur des pistes de croissance qu'ils transmettent aux gouvernements à l'issue de leurs débats.

« Ronan est toujours souriant, avenant. Il est force de proposition tout en restant à l'écoute des propositions des autres. Il se nourrit de ce qu'on lui dit et partage son expérience volontiers. »

Notamment pour avertir les aspirants entrepreneurs des erreurs à ne pas commettre.

« Creads aurait pu mourir au moins dix fois. Autant permettre à d'autres d'éviter de tomber dans les mêmes pièges. »

Lui-même sait qu'il lui reste beaucoup à apprendre. Il a su créer un marché, innover, et son entreprise a généré 1,3 million d'euros de chiffre d'affaires en 2013.

Mais il a conscience que la concurrence s'organise outre-Atlantique et que, pour exister durablement, un réseau social de talents créatifs comme Creads ne peut être que premier sur son marché. La compétition ne fait que commencer.

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>>> MODE D'EMPLOI

Où le rencontrer ? : Dans le quartier Montorgueil. « Je travaille, je fixe mes rendez-vous et je réside dans ce quartier parisien que j'adore. »

Comment l'aborder : « Je ne repousse jamais quelqu'un qui vient me parler. Venez me rencontrer sans hésiter, je suis gentil ! »

À éviter ! Être envahissant. « Je peine toujours à interrompre une conversation, même quand celle-ci m'ennuie. Alors, s'il vous plaît, évitez de me suivre pendant une soirée entière... » Et ne l'invitez pas pour un café, il n'en boit jamais.


>>> TIMELINE

  • Janvier 1985 Naissance en Bourgogne
  • 2000 Basketteur sélectionné au niveau national
  • 2001 Obtient son bac, manque sa sélection pour devenir basketteur professionnel à l'Asvel
  • 2007 Diplômé de l'école d'ingénieur ECE, enchaîne avec le master « Innover et entreprendre » à l'ESCP.
  • 2008 Confonde Creads avec Julien Mechin
  • 2014 Lève 3 millions d'euros
  • 2016 Ouvre des bureaux en Allemagne, au Royaume-Uni, aux États-Unis, au Brésil et pourquoi pas en Russie. Emploie 100 personnes.

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