David Vissière, le "Top Gun" qui voulait être entrepreneur

Parti pour être pilote de chasse, il est devenu entrepreneur. À raison : le fondateur de Sysnav vient d'être désigné par le MIT comme l'un des dix meilleurs innovateurs français de moins de 35 ans.
David Vissière, le Top gun de l'innovation. / DR
David Vissière, le Top gun de l'innovation. / DR (Crédits : DR)

Pour un peu, la vie de David Vissière aurait pu être un remake du film Top Gun, qui a révélé Tom Cruise. Comme l'acteur américain, il est séduisant, le regard bleu, doux et rieur, la voix douce et posée. Et il sait - réellement - piloter des avions de chasse. Mais deux ans après être entré dans l'armée de l'Air, David Vissière a tourné le dos aux cockpits. Et c'est finalement dans l'entrepreneuriat qu'il a décroché ses galons.

De pilote de chasse à entrepreneuriat

À 34 ans, le fondateur de Sysnav collectionne les distinctions, dont la dernière en date provient du MIT. Usine à Prix Nobel et référent mondial en matière de sciences et de technologies, l'Institut de technologie du Massachusetts a en effet identifié cette année David Vissière parmi les dix meilleurs innovateurs français de moins de 35 ans.

« Cette distinction est importante, car elle confirme que notre technologie est arrivée à maturité », commente modestement David Vissière.

Depuis six ans, il développe un nouveau système de navigation, plus précis que le GPS, et qui est également moins coûteux et moins encombrant que les centrales inertielles utilisées dans le domaine militaire.

« Nos algorithmes permettent de définir des informations de vitesse, en plus d'informations de cap, en fonction de trois capteurs qui utilisent le champ magnétique terrestre », schématise David Vissière, prompt à détailler la modélisation issue des équations de Maxwell à tout auditeur averti.

Car le chef d'entreprise est féru de mathématiques, diplômé de Polytechnique, et auteur d'une thèse en mathématiques appliquées et automatismes réalisée au sein de la Direction générale de l'armement et de l'École des Mines.

« À cette époque, David était venu me trouver pour parler de son sujet de thèse, sur la navigation inertielle. Je me souviens d'un étudiant débordant d'énergie et d'idées, capable de raisonner très vite, et bien décidé à prendre son avenir en main. Je suis fier de sa réussite avec Sysnav, qui est née de ses recherches dans notre laboratoire.

David fait partie de cette génération qui a une grande force créatrice, et qui est en train de construire le monde de demain », souligne Pierre Rouchon, professeur à Mines ParisTech, que David Vissière considère comme l'un de ses principaux mentors.

Cette thèse a donné le coup d'envoi à la création de Sysnav, et lui a permis de déposer un premier brevet. Sysnav en détient douze à ce jour.

« L'Institut national de la propriété intellectuelle nous a beaucoup aidés dans la rédaction de nos premiers brevets car nous n'avions aucune notion de propriété intellectuelle », sourit David Vissière qui, depuis, s'est adjoint les conseils d'un cabinet spécialisé et a défini une règle stratégique : « Ne jamais déposer de brevet sur les recherches en cours, car il n'y a pas de meilleure protection que le secret.»

La loi du secret

Cette philosophie fait loi au sein de la Grande Muette. 

« Dès mon service militaire, effectué dans les équipes légères d'intervention de la Garde républicaine, j'ai apprécié les valeurs de l'armée : la discipline, le respect, une communication très directe, et un engagement physique et moral très fort», confie avec émotion ce fils de fonctionnaires qui a grandi à La Paillade, un quartier « chaud » de Montpellier.

Malgré cet attachement profond à l'esprit militaire, sa décision de renoncer à l' aviation de combat n'a pas tellement surpris ses amis, comme Yann Le Tallec, aujourd'hui consultant pour la Fondation Clinton, qui a rencontré David Vissière en classes préparatoires à Louis-le-Grand :

« David n'a jamais eu peur de sortir du rang. Il a toujours montré un esprit d'entreprise, à la fois "pêchu", très carré et avec une capacité à passer directement de l'idée à sa réalisation.»

Soucieux d'être efficace sans être impulsif, David Vissière a travaillé sa capacité d'endurance lors de courses multisports, notamment le Raid Gauloises en 2002.

« Créer une entreprise industrielle comme Sysnav relève du même esprit : on crée une équipe qui est à peu près tout ce qu'on a ; on se prépare pendant un an ; puis, quand on se lance dans la course, il faut tenir bon. Les cycles sont bien plus longs dans notre activité que dans une start-up du numérique : il faut compter quinze ans d'investissement avant de pouvoir rentabiliser sa technologie », souligne calmement David Vissière.

L'époque des contrats externes

Pour financer ses recherches, il a vendu des missions de conseil à Sagem, Thales, Veolia, Renault... En 2013, Sysnav a ainsi réalisé 1,5 million d'euros de chiffre d'affaires.

« Notre activité de services nous a permis de financer nos recherches en restant indépendants, et surtout, de développer notre technologie au plus près des besoins du marché. »

Y compris sur les segments les plus innovants, comme les drones. Henri Seydoux, le fondateur de Parrot, a ainsi fait appel à David Vissière lors de la mise au point de son premier drone téléguidable par iPhone, qu'il lui a permis de le présenter en son nom au Cebit, le salon des technologies de Hanovre, en 2010.

« David Vissière a un profil rare, combinant les compétences d'ingénieur, de mathématicien pointu côté théorique, et de visionnaire dans les applications possibles. Nous nous sommes tout de suite bien entendus... même si son style est très différent du mien... Disons, plus formel », sourit Henri Seydoux.

Maintenant qu'il a signé ses premiers contrats d'équipement, et qu'il s'apprête à industrialiser sa production, David Vissière commence à desserrer le noeud de sa cravate... dont il lui arrive même désormais de se dispenser.

Père d'un petit garçon depuis un mois, il entend diffuser sa technologie dans les industries de la défense, mais aussi dans d'autres secteurs de précision, comme le monde médical.

Déjà, Laurent Servais, neuropédiatre à l'Institut de myologie à la Pitié-Salpêtrière, à Paris, a mobilisé l'expertise de David Vissière pour « suivre les mouvements des patients myopathes comme on suit un missile ».

« Notre rencontre a été un choc culturel. Je venais de lui expliquer avec enthousiasme comment on pouvait espérer soigner des enfants grâce à la thérapie génique, et lui m'a répondu, après un silence : "Je comprends. Je viens d'un monde un peu différent..." avant de me décrire son travail sur le guidage des missiles. Mais sa grande intelligence lui permet d'entrer facilement dans de nouvelles problématiques et d'apporter des solutions faisables. »

D'ici à trois ans, David Vissière entend diffuser sa technologie sur un marché « plus visible » du grand public. Son équipe de 15 personnes de haut niveau y travaille déjà, en toute discrétion.

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>>> MODE D'EMPLOI

Où le rencontrer ? : « Nous sommes basés à Vernon dans l'Eure, mais je viens régulièrement à Paris. D'ailleurs, nous envisageons de prendre des locaux dans les environs de Saint-Lazare. Je me rends également souvent à Saclay, car nous menons un projet de recherche en partenariat avec l'Institut Carnot.»

Comment l'aborder :  « J'apprécie que mes futurs partenaires affichent d'emblée leur connaissance du marché, leur sérieux et leur engagement. Plus généralement, j'apprécie les gens passionnés, qui se lancent à l'aventure. C'est cet esprit que je recherche pour les recrutements chez Sysnav, où nous avons en permanence trois ou quatre postes à pourvoir.»

À éviter ! L'indécision et la cachotterie. « Cultiver le secret ne permet pas d'avancer ensemble sur un projet. Si vous venez sans savoir ce que vous voulez, ou sans préciser vos intentions, nous aurons du mal à nous entendre.»


>>> TIMELINE

  • Novembre 1979 Naissance à Montpellier
  • 1999 Service militaire dans les équipes légères d'intervention de la Garde républicaine
  • 2002 Diplômé de Polytechnique
  • 2002-2004 Élève pilote de chasse dans l'armée de l'Air
  • 2004 Commence une thèse sur les systèmes de navigation à la DGA avec l'École des Mines
  • 2008 Fonde Sysnav, spin-off du ministère de la Défense et de Mines-ParisTech
  • 2016 La technologie Sysnav est industrialisée. Mise en place d'un modèle de licence.

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