Diane Drubay, la grande prêtresse des "néo-musées"

À 29 ans, cette pionnière de la médiation culturelle par le numérique, fondatrice de l'agence de conseil Buzzeum, exporte à travers l'Europe sa réflexion sur l'usage des réseaux sociaux dans les musées.
Diane Drubay, fondatrice de Buzzeum et grande prêtesse de l'innovation numérique pour les musées. / DR

Une Vénus botticellienne, vêtue de ses propres créations, avec 4.500 followers sur Twitter et un « Klout » de 52 (soit un score d'influence en ligne honorable). Diane Drubay, 29 ans, s'est fait un nom dans le milieu des musées, en tant qu'évangélisatrice aux pratiques numériques et aux nouvelles formes de médiation culturelle.

Du blog à l'agence

Depuis octobre 2008, elle dirige Buzzeum, une agence de communication et de stratégie digitales pour les institutions culturelles et les musées. À l'origine, Buzzeum était un blog, successeur d'un précédent, intitulé Du marketing plein les doigts, qu'elle avait fondé lors de ses études de commerce à l'Ipag.

« Ces études ne me correspondaient pas du tout. Je voyais du marketing partout, et j'avais l'impression d'en avoir les mains souillées en permanence. D'où le nom de ce blog, qui a eu une belle audience. De grandes marques sponsorisaient certains de mes billets, entre 300 et 1.200 euros par post. De quoi me payer mes entrées dans les expositions ! », sourit-elle.

Forte de ce succès, elle se recentre sur l'art - sa passion -, en 2007 et demande aux musées de lui offrir la visite de leurs expositions contre un billet dans Buzzeum.

« En six mois, tous m'avaient inscrite dans leurs listings d'invités. »

Poursuivant sa formation avec un Master économie de la culture à la Sorbonne, elle enchaîne les stages au sein d'institutions prestigieuses, comme le musée d'Orsay et la Direction des musées de France. En octobre 2008, Pierre-Mary Thibault, partner au sein de l'agence de conseil Aldea, lui propose de mener une réflexion sur la refonte du site Internet du musée Rodin. Elle transforme alors Buzzeum en agence et enchaîne les missions : au musée d'Art contemporain du Val-de-Marne, à la Fondation Monnet à Giverny, au musée Jean-Jacques Henner ou encore au Théâtre Montansier.

« Diane a su créer une marque. Dans notre milieu, les gens la positionnent très bien. Souvent, quand je parle d'innovation dans la culture, on me répond : "Ah, je vois . Un peu comme ce que fait Diane Drubay." Elle a été la première à défricher la médiation culturelle via les réseaux sociaux et le communautaire, avec une approche non académique. Elle n'a pas eu peur de sortir du rang », observe Pierre-Mary Thibault.

La téméraire Diane Drubay n'hésite pas davantage quand, alors qu'elle est intérimaire au ministère de la Culture en 2008, sa hiérarchie lui refuse de créer une page Facebook pour promouvoir la Nuit des Musées : elle ouvre une page non officielle consacrée à la Nuit des Musées européenne.

« J'ai pris beaucoup de "claques" à cette époque. Mes projets se heurtaient à la méfiance de l'institution à l'égard du numérique », se souvient-elle.

Dès l'édition suivante, elle instaure un groupe Facebook, un blog et un compte Dailymotion. En 2010, elle intègre un compte Twitter au dispositif, qui fédère une quarantaine de musées. Le Centre Pompidou se joint l'année suivante à l'opération, additionnée d'un jeu de réalité augmentée : Cherche Tom dans la nuit.

« J'explore toutes les solutions pour créer une nouvelle image des musées et toucher de nouveaux publics grâce à des outils novateurs. Le musée du futur est un lieu où l'on se sent bien, comme dans un café. C'est un lieu où l'on existe, où l'on échange. Le numérique rapproche les gens à travers l'espace et le temps », esquisse Diane Drubay, persuadée que les événements sociaux impactent les institutions culturelles.

Partage et "néo-musées"

À l'heure de l'économie du partage, elle table sur l'essor de la collaboration entre les musées, notamment par le partage d'expositions.

Dès son enfance, elle a baigné dans le milieu de l'art et de la culture.

« Le dimanche matin à 6 heures, je partais chiner dans les brocantes avec ma mère, et l'après-midi, mon père m'emmenait visiter les châteaux de la Loire », confie cette romantique, captivée par Azay-le-Rideau, « un château de conte de fées qui se reflète dans les douves », et la galerie des portraits de Beauregard.

Et depuis quatre ans, elle entretient une relation suivie avec le château de Versailles, où elle met en place des événements et des concours sur Tumblr pour faire découvrir aux blogueurs le Versailles « intime, humain et secret », avec la découverte de la chambre de Marie-Antoinette ou les appartements des maîtresses du roi.

Quand elle a commencé cette collaboration, Laurent Gaveau, aujourd'hui directeur du Lab de l'Institut culturel de Google, était le directeur adjoint de la communication au château de Versailles :

« Diane est très douée pour trouver des problématiques afin de mettre en valeur les grands monuments. Elle a beaucoup d'imagination et s'adapte avec aisance aux contraintes et aux envies de son interlocuteur. Elle est très enthousiaste, et sait transmettre son émerveillement. »

Diane Drubay admet que c'est la passion qui l'anime, et qu'elle consacre souvent bien plus de temps à ses missions que les heures qu'elle facture. Elle qui se dit « peu versée dans le networking » a organisé dans son salon, dès la fin 2010, des « Muséoapéros ». En 2011, elle s'associe au webmaster du Muséum de Toulouse, Samuel Bausson, au « hacker de musées », Julien Dorra, à la société Nod-A et au Centre Érasme pour fonder Museomix, qui fédère et anime la communauté des « Muséogeeks », ces acteurs de la culture épris de digital, et promeut l'innovation dans la médiation culturelle.

« Diane est droite et fiable. Elle aime mettre les gens en relation, et valoriser ce que font les autres. Mais un rôle de facilitatrice au sein d'une communauté ne lui suffit pas : elle a besoin d'agir directement. »

Elle décide alors d'étendre son champ d'action à l'Europe et lance We Are Museums, avec Claire Solery.

« Diane est une créatrice. Elle est très sensible, indépendante et d'une grande générosité, mais elle préfère déléguer l'organisation pratique des choses. Nous nous complétons bien », détaille Claire Solery.

We Are Museums vise à rassembler les acteurs du monde des musées lors d'un événement décontracté, pour explorer les nouvelles formes de médiation.

Fin 2012, Diane Drubay décide de tourner la page Museomix, devenu trop orienté sur les outils à son goût.

« L'ambiance est détendue et le ticket d'entrée modéré. On mange des donuts plutôt que des petits-fours, et le costume-cravate est proscrit », avertit Diane Drubay.

Après Vilnius, en Lituanie, la deuxième édition de ce congrès annuel s'est tenue à Varsovie, en Pologne, le mois dernier.

« Nous avons accueilli 170 participants et 27 intervenants, dont certains venus du Metropolitan Museum of Art de New York, ou de la Tate de Londres. »

« L'ambiance est détendue et le ticket d'entrée modéré. On mange des donuts plutôt que des petits-fours, et le costume-cravate est proscrit », avertit Diane Drubay.

Après Vilnius, en Lituanie, la deuxième édition de ce congrès annuel s'est tenue à Varsovie, en Pologne, le mois dernier.

« Nous avons accueilli 170 participants et 27 intervenants, dont certains venus du Metropolitan Museum of Art de New York, ou de la Tate de Londres. »

Pour ces deux jours de rencontres, pas de budget mais six mois de préparation et 17 partenariats.

« Je m'installe dans chaque pays un an avant que se tienne l'événement, pour avoir le temps de visiter les musées et de rencontrer les personnes qui font la vie culturelle locale. »

Fin juin, elle a fait ses valises pour Berlin, où se déroulera l'édition 2015 de We Are Museums. Dès son arrivée dans la capitale allemande, c'est bien entendu sur Twitter qu'elle a donné le ton :

« Je vais visiter un musée par jour pendant deux mois. »

De quoi esquisser de premiers partenariats.

_____

>>> MODE D'EMPLOI

Où le rencontrer ? : Dans un avion. « Je voyage souvent entre Berlin, la Pologne et Paris. Faute de temps, je ne fréquente plus tous les vernissages des galeries parisiennes. Le plus simple est de me joindre par mail. »

Comment l'aborder ?: Passionnée. « Si votre phrase commence par "j'aime" ou "j'adore", vous aurez toute mon attention ! Ensuite, nous pourrons parler de business. »

À éviter ! : Les formalités. « Je déteste les gens pointilleux sur les questions pratiques. Et les costards-cravates ! »


>>> TIMELINE

  • Février 1985 Naissance à Orléans

  •  2007 Lance le blog Buzzeum

  •  Octobre 2008 Fonde l'agence Buzzeum

  •  2011 Confonde Museomix

  •  Fin 2012 Lance les rencontres We Are Museums

  •  Juillet 2014 Déménage à Berlin pour préparer We Are Museum 2015

  •  2016 Organise des colloques à Budapest, Bucarest ou Riga. Lance un réseau et un blog de veille européens.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.