Christian Vanizette, connecteur d'entrepreneurs sociaux

Sa communauté de soutien aux entrepreneurs sociaux fédère 20.000 bénévoles dans 100 villes à travers le monde. L'entrepreneur de 27 ans veut accélérer : en novembre, il ouvrira à Paris un incubateur dédié au social business, et il prépare une levée de fonds pour début 2015.

Christian Vanizette mène sa barque avec le sourire, et la volonté de changer le monde bien ancrée dans sa feuille de route. Sac au dos et cheveux mi-longs, simple et accessible, il pourrait encore passer pour un étudiant. Mais le lycée, les classes prépa' et les cours de pirogue en guise d'éducation physique et sportive sont désormais de vieux souvenirs pour ce natif de Tahiti qui n'a pas encore soufflé sa vingt-huitième bougie.

Lui qui s'est senti à l'étroit sur son île s'est donné un nouvel horizon : le monde, qu'il sillonne au rythme d'une destination par semaine, pour tisser une communauté prête à épauler les entrepreneurs sociaux. En quatre ans, sa plate-forme de réseaux Makesense a déjà fédéré 20.000 bénévoles dans 100 villes sur tous les continents et a accompagné plus de 500 projets d'entrepreneuriat social.

Sur Facebook, la page de Makesense compte 25.000 fans. Et le dynamique Christian Vanizette ouvre des brèches sur tous les fronts pour faire grandir Makesense : il inaugurera en novembre à Paris, dans le quartier de la Bastille, un incubateur de 500 m2 pour aider les porteurs de projets de social business à monter leur activité. Tout en menant des discussions en vue de lever 500.000 euros d'ici à février prochain :

« Cette levée de fonds nous permettra de recruter un designer et un développeur Web, et de couvrir nos coûts de fonctionnement pendant les trois prochaines années. »

Le temps pour lui de passer le cap des 300.000 bénévoles réunis sur la plateforme.

« Quand la communauté aura atteint cette taille, notre croissance deviendra exponentielle », prévoit-il.

D'ici là, pour professionnaliser son mode opératoire et peaufiner son discours à l'attention des investisseurs, il va s'appuyer sur le réseau d'entrepreneurs sociaux Ashoka, qui l'a admis parmi ses membres en 2013.

« Christian n'est pas un gestionnaire, mais il est bluffant dans le développement d'activité. Il a mille idées à la minute, et intègre très rapidement les remarques qu'on lui adresse. Il ne rentre pas dans les cases. Il a une marotte : prendre en photo ceux qu'il rencontre, en leur demandant de faire avec les mains un "Y-Y", le signe du social business... il a même convaincu le directeur international d'Ashoka de se prêter au jeu ! », confie Sarah Mariotte, codirectrice chez Ashoka France-Belgique-Suisse et coordinatrice de la sélection et de l'accompagnement des « amis ».

Christian Vanizette agit avec simplicité

Grand admirateur de Muhammad Yunus, il se garde bien de dire qu'il a un jour conduit dans sa Clio le Prix Nobel de la paix et fondateur de la Grammen Bank, qui avait un souci de transport pour rejoindre Bruxelles.

 « Christian pourrait être la superstar de la communauté, mais il préfère mettre les autres en avant et promouvoir les projets. Il est resté fidèle à la vision de départ : ne pas être un capitaine, mais celui qui aide les autres dans leurs réalisations », précise Romain Raguin, ami de Christian Vanizette qui a participé au lancement de la première version de la plate-forme Makesense.

À l'époque, en janvier 2010, alors tous deux étudiants de Kedge Business School, ils ont quitté leur campus de Marseille pour partir rencontrer les entrepreneurs sociaux en Asie : en Inde - « patrie du social business » - mais aussi en Thaïlande et au Cambodge. Ils travaillaient alors sur la question du financement de ces initiatives. Mais pour Christian Vanizette, ce levier ne suffisait pas : il était déjà convaincu qu'il fallait aussi donner plus de visibilité aux entrepreneurs sociaux et mobiliser les volontaires prêts à leur apporter conseils et soutien.

« En 2009, j'avais eu l'occasion d'accompagner Malik Mbengue, un entrepreneur social à Dakar, dans le cadre d'une mission pour Entrepreneurs sans frontières. Cette expérience m'a convaincu que l'aide de bénévoles est efficace si l'entrepreneur qu'ils épaulent se consacre à plein-temps à son projet. Elle a servi de prototype pour Makesense », estime Christian Vanizette.

Au retour d'Asie, son camarade poursuivant son parcours dans la finance, il s'associe avec Leila Hoballah, qui a elle aussi réalisé un tour d'Asie de l'entrepreneuriat social. « Christian sait trouver les leviers d'action chez chacun. Il détecte les talents, donne confiance en soi, écoute et suscite l'engagement en faisant passer sa vision par l'émotion », détaille Leila Hoballah.

Fan de technologie

L'entrepreneur enthousiaste mise avant tout sur la rencontre entre les gens. « Christian est assurément la personne la plus innovante que j'ai rencontrée. En 2008, quand il m'a rejoint pour monter l'incubateur Business Innovation Garage au sein de Gemalto, il m'a fait découvrir Twitter et le "canapé d'hôte". Il affichait déjà une passion pour la création de valeur par le partage », se souvient Marc Géméto, Business Innovation Director chez Gemalto. Lauréat de la première promotion de « La France s'engage », l'initiative lancée par le président de la République pour « soutenir des coopérations innovantes à fort potentiel », Christian Vanizette a décidé d'utiliser sa plate-forme pour donner de la visibilité à tous les candidats du concours.

« La force de l'action publique permet de déployer en deux ou trois ans ce qu'un entrepreneur met quinze ans à construire », assène Christian Vanizette, qui défend « l'action de Makesense en faveur de l'employabilité des jeunes ». Il rêve que les expériences conduites par les bénévoles du réseau apparaissent bientôt comme « un label d'excellence aux yeux des recruteurs ».

En attendant, il se fait volontiers source d'inspiration pour les dirigeants politiques, répondant aux questions de membres de la commission européenne des affaires sociales, ou encore en participant à un rapport sur l'économie positive commandé par la commission Attali. Participer au débat politique le passionnait déjà quand il était encore étudiant en Polynésie.

Adepte du pouvoir partagé, Christian Vanizette revendique « un fonctionnement à la Wikipedia » pour faire grandir son association : Makesense emploie quatre salariés pour le développement de sa plateforme, et ce sont mille bénévoles qui animent le réseau localement.

« Nous sommes un collectif : chaque membre du réseau peut construire une structure indépendante et devenir "compagnon-routard" à nos côtés en la rattachant par la licence Makesense », note Christian Vanizette, qui énumère : « La brique des relations avec les entreprises a été construite par Leila ; les actions dans les écoles ont été commencées par Marine ; les événements sont pilotés par Vincent ; et l'incubateur est porté par Alizée. »

Mais pas question de déléguer quand il s'est agi de créer la première communauté Makesense à Tahiti : il est allé lui-même former les cinq premiers entrepreneurs sociaux de l'île.

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MODE D'EMPLOI

Où la rencontrer ? : Sur les réseaux sociaux ou au café de l'incubateur Sensecube. « Je n'ai pas voulu pas de bureau attitré dans les locaux où nous nous installerons dès novembre, près de Bastille. Vous me trouverez dans l'espace café, à l'entrée. »

Comment l'aborder ? Soyez fou ! « Rien ne m'enthousiasme autant que les projets "disrupteurs". Quand je sens que l'idée va faire des remous, que ça va être compliqué... je suis partant ! »

À éviter ! Surfer sur les tendances. « Je me désintéresse des gens qui déclinent des modèles d'affaires qui ont fait leurs preuves sans réfléchir aux problématiques de fond. Et je suis vigilant sur la dimension sociale. Elle doit être au coeur du projet et non servir d'argument publicitaire. »

TIMELINE

  • Novembre 1986 Naissance à Papeete.
  • 2006 Entre à Kedge Business School, à Marseille
  • 2008-2010 Participe à la création de l'incubateur BIG de Gemalto.
  • Janvier 2010 Rencontre des entrepreneurs sociaux en Asie et lance Makesense.
  • Novembre 2011 Cofonde Makesense en association loi 1901.
  • 2013 Intègre le réseau Ashoka.
  • Octobre 2014 Prépare une levée de fonds de 500 000 euros.
  • 2016 Makesense fédère 100 000 bénévoles et est devenu un label reconnu.

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Commentaire 1
à écrit le 18/10/2014 à 12:11
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VOILA UN JEUNE QUI A TOUS COMPRIS ? FEDERE DES BENEVOLES DANS TOUS LES PAYS .AFIN D AIDE LES NOUVELLES ENTRE PRISES QUI FONT DU SOCIAL? BRAVOS Mr,,???

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