Mickaël Froger, l'autodidacte du numérique

Après avoir brillé à New York lors de la French Touch Conference, en juin, le cofondateur de Lengow veut lancer sa plate-forme aux États-Unis et en Asie. À 34 ans, il emploie 80 salariés à Nantes et à Paris, et a réalisé 4 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2013.
Mickaël Froger.

À bride abattue, tout le temps. À 34 ans, Mickaël Froger dirige 80 salariés, installés à Nantes et à Paris, où se trouve « la base internationale » de cet éditeur de logiciel qui aide 2800 e-commerçants de 18 pays à optimiser leurs campagnes marketing en ligne. Depuis qu'il a cofondé Lengow en 2009, il a doublé son chiffre d'affaires chaque année, jusqu'à atteindre 4 millions d'euros en 2013.

« Nous avons grandi très vite. Cette année, nous avons beaucoup investi pour structurer Lengow, et pour préparer une nouvelle version de notre plate-forme », confie l'entrepreneur, qui anticipe l'arrivée de concurrents asiatiques et un mouvement de concentration dans son secteur.

Il garde un oeil sur le chinois Alibaba et a ajouté le japonais Rakuten à la liste des places de marché déjà intégrées dans la plate-forme Lengow, comme Google Shopping et Amazon.

Il prévoit d'étendre sa zone de chalandise, en lançant Lengow en Asie et aux États-Unis d'ici à 2016. Et surtout, il fait le pari de la différenciation de son produit.

« Aujourd'hui, nous gérons en temps réel la diffusion du catalogue de nos clients sur les places de marchés, les comparateurs de prix, les régies de reciblage publicitaire, les réseaux sociaux, le mobile... Tout en permettant au client de suivre les statistiques de ses campagnes. Demain, notre plate-forme intégrera tous les outils de gestion d'une campagne marketing en ligne. Construire en code source ouvert une telle plate-forme mutualisée n'est pas simple, mais je suis serein. De toute façon, quand on est entrepreneur, on n'a pas d'autre choix que de relever les défis qui s'imposent, sinon on ne dort plus », sourit ce travailleur acharné.

Père d'une fille de deux ans, il reconnaît qu'il « n'arrête jamais » et que ses escapades estivales de chasse sous-marine sont bien les seuls moments où il se sépare de son téléphone.

Au lancement de Lengow il y a cinq ans, le marché français était son horizon

« Lever des fonds est une chose naturelle lorsque vous souhaitez vous donner les moyens de vos ambitions. On saute les barrières avec pragmatisme », souligne cet autodidacte, qui a d'abord ouvert son capital à Kima Ventures, le fonds de Xavier Niel, pour près de 200.000 euros, début 2010, puis à Alven Capital, auprès duquel il a levé 1,2 million d'euros, fin 2011.

Des investisseurs qui ont tiqué quand Mickaël Froger a choisi pour mascotte de son entreprise un poney bleu : faisant fi de leurs doutes, il le placarde dans les locaux, sur les maillots de l'équipe de football de Lengow (qui participe à des tournois interstart-up à Nantes) et en fait des goodies qu'il distribue à ses clients.

Mickaël Froger n'a pas attendu qu'un mentor lui mette le pied à l'étrier. Il n'a fréquenté ni incubateur, ni grande école.

« J'ai appris tout seul à coder, quand j'ai eu mon premier ordinateur, à 17 ans. À l'époque, Wikipédia et Le Site du zéro n'existaient pas : on apprenait lors de l'Open des Webmasters, un concours de réalisation de projets entre équipes formées pour l'occasion, réunissant un chef de projet, un développeur et un graphiste. Un ancêtre des start-up week-ends d'aujourd'hui, en quelque sorte. »

Lors d'un de ces événements, à Rodez, il croise des salariés de M6 Web qui se trouvaient là en villégiature. Mickaël Froger négocie un stage.

« Ils ont accepté, à une condition : que je passe mon bac d'abord. Sans cette motivation, je ne l'aurais sans doute jamais obtenu, car je n'ai jamais eu d'affinités avec les études. »

Il développe alors plusieurs sites verticaux pour le groupe.

« J'ai vécu avec eux le premier Loft Story, avec le live streaming qui explose... Cette expérience m'a appris le métier. »

Usager quotidien du train Le Mans-Paris, il sympathise durant ce temps de transport avec un salarié d'Europe 2... et se fait recruter par le groupe Lagadère comme webmaster et chef de projet pour créer les sites des radios Europe 2 et RFM.

« Nous avions des moyens colossaux, et nous prenions des risques. C'était passionnant. »

Mais une fois les défis techniques relevés, il se lasse de « l'ambiance des médias, où beaucoup de gens ont beaucoup d'ego ». Il monte alors sa première entreprise Synetik Développement, qui réalise des sites Internet dynamiques. Deux ans plus tard, il répond à une annonce d'offre d'emploi, et intègre LeGuide.com.

« Nous étions 14 salariés quand je suis arrivé. J'ai vécu la croissance de l'entreprise jusqu'à 100 salariés, et son introduction en Bourse. J'ai commencé à identifier les besoins des e-commerçants, et c'est à cette époque qu'a commencé à germer l'idée de Lengow. »

Corinne Lejbowicz, qui dirigeait alors LeGuide.com et qui fait désormais partie du conseil d'administration de Lengow, se souvient de la rapidité d'exécution de Mickaël Froger :

« Face à un nouveau défi, Mickaël commençait par se montrer négatif, dubitatif. Mais ensuite, il exécutait parfaitement la mission, en un temps record. De la même façon, quand nous avons déménagé en 2006, il a d'abord râlé contre ce projet qui allait faire perdre du temps, selon lui. Mais il a été le premier à empaqueter ses affaires, et à être installé dans les nouveaux locaux. »

Le projet Lengow va concrètement entrer en piste quand il est engagé chez le comparateur de prix Inteliscent

Il échange beaucoup avec son collègue Jérémie Peiro, et l'envie vient alors aux deux hommes de s'associer. Ils se lancent pour un galop d'essai, avec 1.000 euros et leurs ordinateurs portables pour tout capital initial.

« On voulait s'amuser. On s'était donné six mois pour tester notre idée, et on se moquait d'échouer. »

Chez Inteliscent, il a également rencontré Frédéric Clément, qui a rejoint Lengow l'an dernier après un passage chez Critéo :

« À cette époque, Mickaël et moi nous sommes d'abord regardés en chiens de faïence : lui était côté technique, et moi, côté marketing. Mais il comprenait très bien les enjeux business, et quand on s'accordait sur une idée à 18 heures, le lendemain matin, c'était fait. J'ai donc vite oublié sa froideur au premier abord. Et on s'habitue à son côté très direct. Il ne cherche pas à flatter : il dit ce qu'il pense, y compris pour vous dire que votre technologie ne vaut rien. Autant vous dire que les pince-fesses mondains ne l'intéressent pas. »

Ainsi Mickaël Froger ne se vante pas d'avoir été sélectionné parmi les dix entrepreneurs qui ont représenté la scène numérique française lors de la French Touch Conference, à New York, fin juin dernier. Et il ne s'étend pas sur son rôle de président d'Atlantic 2.0, l'association qui fédère les acteurs du numérique à Nantes.

« Mickaël s'est investi dans l'écosystème de Nantes dès qu'il s'y est installé. Aujourd'hui, il est ambassadeur de la candidature nantaise au label French Tech, il conseille les jeunes pousses de notre réseau. L'entrepreneuriat est sa passion. Il est droit et généreux, et n'hésite pas à mobiliser son réseau parisien pour faire venir les meilleurs intervenants lors de notre événement annuel Web2Day », détaille Adrien Poggetti, délégué général d'Atlantic 2.0.

Mickaël Froger s'est même trouvé « un jumeau entrepreneur » à Nantes, Julien Hervouët, le fondateur d'iAdvise :

« Pendant un temps, nous avons partagé des locaux avec Mickaël. Il est un vrai capitaine, fidèle dans ses amitiés et ses engagements. Mais il sait aussi bomber le torse quand il le faut. »

Mickaël Froger n'apprécie guère qu'on lui fasse la leçon, et rabroue qui tente de le désarçonner. Quitte à se montrer parfois cavalier.

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MODE D'EMPLOI

Où la rencontrer ? : À Nantes ou à Paris. « Contactez-moi par mail ou via Twitter. Nous pourrons nous rencontrer dans les locaux nantais et parisiens de Lengow, ou à la Cantine numérique à Nantes. »

Comment l'aborder ? Technologique. « J'ai une affinité avec les tech' en général. Mais n'oubliez pas de me dire précisément quelle question vous voulez me poser. »

À éviter ! L'arrogance. « Je me méfie de ceux qui clament qu'ils vont révolutionner la Terre. J'apprécie les gens calmes, qui ne font pas de bruit : ce sont souvent les meilleurs. »

TIMELINE

  • Août 1980 Naissance au Mans.
  • Juin 1999 Obtient son bac et entre chez M6.
  • Avril 2002 Fonde sa première société, Synetik Développement.
  • Mars 2004 Chef de projet chez LeGuide.com.
  • Novembre 2007 Responsable technique d'Inteliscent.
  • Juillet 2009 Cofonde Lengow.
  • Fin 2011 Lève 1,2 million d'euros auprès d'Alven Capital.
  • Juin 2014 Sélectionné parmi les dix start-up françaises présentées lors de la French Touch Conference, à New York.
  • 2015-2016 Lance Lengow en Asie et aux États-Unis.

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