Pauline Laigneau, la joaillière du web

À 31 ans, la cofondatrice de Gemmyo s'apprête à lancer les versions anglaise et allemande de sa plate-forme en ligne de joaillerie.
Pauline Laigneau

Elle a rêvé aux ors de la République, se réalise en démocratisant la joaillerie. Pauline Laigneau, 31 ans, s'épanouit à faire grandir Gemmyo. La maison de joaillerie en ligne qu'elle a cofondée en août 2011 a déjà créé 15 emplois directs, une gamme de 15.000 bijoux et devrait boucler son exercice 2014 avec un chiffre d'affaires de 3 millions d'euros. Un démarrage réussi et remarqué, qu'elle-même n'aurait pas imaginé il y a cinq ans.

À l'époque, fraîchement sortie de l'École normale supérieure, cette agrégée d'anglais prenait conscience qu'elle ne voulait ni enseigner, ni devenir chercheuse, « à travailler seule sur un sujet pointu qui n'intéresse pas grand monde». Jeune fille sage et excellente élève, elle s'est alors investie pour intégrer l'ENA, en vue d'une carrière dans la haute administration. Mais sa prestation au grand oral d'admission ne convainc pas.

« J'ai eu 2/20. Vous imaginez ? J'ai demandé qu'on m'explique cette note terrible et on m'a répondu que le jury n'avait pas senti chez moi la vocation du service public. Deux mois de déprime ont suivi, puis je me suis rendu compte que, jusqu'alors, j'avais vécu le rêve de mon père. En tant qu'entrepreneur qui s'est fait tout seul, il ne voulait pas que ses filles galèrent comme lui et nous a poussées dans les études. Mais ce que j'aime, c'est la liberté, l'aventure, le risque : l'entrepreneuriat», sourit Pauline Laigneau. La normalienne a donc repris ses études, à HEC.

« La volonté entrepreneuriale de Pauline ne faisait aucun doute. Jeune femme brillante, assurée, elle n'avait pas encore l'idée de son activité. Elle se montrait curieuse, à l'écoute, et d'une grande précision dans ses réalisations», se souvient Gervais Johanet, le directeur adjoint du programme HEC Entrepreneurs.

Quand il s'est agi de choisir un stage, elle qui a donné des cours aux étudiants de l'université Columbia à New York ne met pas le cap sur la Silicon Valley comme tant d'aspirants startuppers, mais démarche une pâtisserie de luxe, Hugo & Victor, pour devenir bras droit d'un des fondateurs.

« Pauline nous a suivis du début du projet à la première levée de fonds. Elle a piloté la réflexion et le lancement de notre boutique en ligne, sans jamais avoir peur d'aborder un domaine nouveau. Elle est confiante dans sa compétence et ne se sent jamais en déficit de connaissances. Le parcours scolaire n'est pas ce qui compte pour un entrepreneur, mais étant tous deux diplômés d'écoles prestigieuses, nous avions pris l'habitude de nous défier face aux erreurs en nous lançant : "Je pensais que tu comptais mieux que cela !"» se souvient Sylvain Blanc, alors à la tête de Hugo & Victor.

Après cette expérience, Pauline Laigneau cherche dans quelle activité se lancer. Elle y songe, tout en ayant en tête un autre projet : ses fiançailles. Elle imagine un rubis à son doigt. Elle sillonne les bijouteries, en couple, à la recherche de la bague, des plus grandes maisons parisiennes de joaillerie jusqu'aux boutiques de quartier. En vain. Mais à défaut d'avoir trouvé la bague idéale, elle a observé les failles du marché.

« Les grands noms de la place Vendôme proposent des créations coûteuses qui sont inaccessibles à la plupart des Européens, avec un accueil des plus intimidants, et l'offre des bijoutiers de quartier est souvent très classique. Mauboussin a un peu dépoussiéré le secteur, mais pas complètement», détaille Pauline Laigneau.

Dès lors, le projet de mariage du couple se double d'une autre alliance, entrepreneuriale, pour fonder une plate-forme en joaillerie personnalisable à tarifs accessibles. Pauline Laigneau et Charif Rebs se donnent trois mois pour tester l'idée... et vérifier leur compatibilité à travailler ensemble. Le frère de Charif Rebs apporte alors la pierre angulaire du projet.

« Malek nous a conseillé d'utiliser l'impression 3D pour fabriquer les moules de nos bijoux à moindre coût, et ce à chaque commande, pour nous affranchir de la gestion de stocks. La méthode traditionnelle, elle, consiste à fabriquer un moule, à réaliser le bijou, puis à le stocker en moyenne pendant six cent quarante-six jours avant de le vendre. Et de nombreux artisans refusent de changer leur méthode, comme nous l'avons constaté lorsque nous avons entrepris les démarches pour trouver le premier atelier qui confectionnerait nos créations», souligne Pauline Laigneau.

Il en fallait plus pour la décourager.

« Pauline a passé 80 appels en une journée, décrochant deux rendez-vous dont l'un a été concluant. Elle est épatante dans sa capacité à partir d'une feuille blanche et à impulser une solution concrète. Et ce, dans tous les domaines. Par exemple, pour faire parler de Gemmyo alors que nous n'avions aucun budget à investir dans le marketing, elle s'est tournée vers les blogueuses de son réseau, faisant correspondre leurs besoins et les nôtres. L'idée a été lancée le lundi, un premier post de blog parlant de Gemmyo a été publié le mardi dans la foulée, et nous avons vu affluer 4000 internautes sur notre site qui n'avait jusqu'alors reçu que quatre visites en trois mois», admire Charif Rebs.

Désormais, quatre ateliers comptant jusqu'à 30 salariés chacun travaillent en France pour Gemmyo.

Pour compléter l'édifice fondateur de Gemmyo, Pauline Laigneau a associé une quatrième personne : Fanny Boucher, une amie diplômée de gemmologie, qui avait auparavant monté une entreprise de commerce de pierres de couleur en Inde et est désormais chargée de l'approvisionnement des pierres et directrice de création de Gemmyo.

« Nous avons mis un an à sécuriser notre approvisionnement de pierres. Mais aujourd'hui, c'est cette capacité à savoir où trouver les pierres qui vont correspondre à nos commandes qui nous permet de produire nos bijoux personnalisés en quinze jours. Nous prenons le contre-pied des grands joailliers qui trouvent une jolie pierre et ensuite la font sertir : nous commandons des pierres à la taille parfaite pour convenir à nous montures», expose Pauline Laigneau, fière de proposer 300 modèles de bagues, pendentifs et boucles d'oreilles à personnaliser avec 15 pierres - du diamant au spinelle noir - et six métaux précieux - or, argent et platine.

Elle qui n'aime pas donner des conseils en levée de fonds a pourtant réussi l'exercice par trois fois, notamment en recevant 3,1 millions d'euros d'Alven Capital en juin 2013, après deux premières levées pour près de 1 million d'euros au total auprès de business angels dont Cyril Vermeulen, cofondateur d'Aufeminin.com, David Maruani, ex-directeur général de Gérard Darel, Franck Gilardo, ancien senior viceprésident de Havas Media Labs, et Justin Ziegler, cofondateur de PriceMinister.

« L'équipe est très importante dans la décision d'investissement. Pauline paraît d'abord calme et réservée, mais elle sait se montrer pêchue. Elle est très attentive aux mots employés et n'hésite pas à pointer les contradictions de son interlocuteur, avec finesse et humour. Elle a su rester humble et réaliste face à l'afflux des journalistes et des distinctions. Elle se garde de tirer de l'ego de ces mondanités qui peuvent constituer un piège pour certains entrepreneurs qui se laissent éblouir», note Justin Ziegler.

En effet, si rien ne la ferait renoncer à sa séance hebdomadaire de yoga ashtanga, Pauline Laigneau n'hésite pas à décliner des invitations, préférant utiliser son temps pour préparer le lancement l'an prochain de Gemmyo au Royaume-Uni et en Allemagne. C'est à l'aune des chiffres que cette passionnée de littérature mesure désormais sa réussite.

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MODE D'EMPLOI

Où la rencontrer ? : Dans un café. « Je donne souvent rendez-vous à La Palette, dans le VIe arrondissement de Paris, ou au Delaville Café, dans le Xe. »

Comment l'aborder ? Racontez-lui votre vie. « J'écoute toujours ceux qui me disent qu'ils veulent changer de vie. L'entrepreneuriat est une aventure personnelle, un désir qui compte plus encore que l'idée d'entreprise.»

À éviter ! L'arrogance. « Certains startuppers mériteraient d'être un peu plus humbles : ce n'est pas parce qu'on a levé des fonds qu'on est le roi du monde.»

TIMELINE

  • Juillet 1983 Naissance à Paris.
  • 2005 Intègre l'ENS et prépare une agrégation d'anglais.
  • 2009 Stagiaire à la section du rapport et des études du Conseil d'État.
  • 2009 Échoue au grand oral d'entrée à l'ENA. Entre à HEC.
  • Septembre 2010 Bras droit du cofondateur de Hugo & Victor.
  • Août 2011 Cofonde Gemmyo.
  • Juin 2013 Lève 3,1 millions d'euros auprès d'Alven Capital.
  • 2016 Nouvelle levée de fonds pour se développer en Europe.

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Commentaires 2
à écrit le 04/12/2017 à 18:40
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Cette nana vient de perdre 7 millions de clients depuis l'Emission Politique avec Mélenchon mdrrr

le 18/12/2017 à 18:38
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Votre bêtise crasse me fait marrer, c'est plutôt Meluche qui a perdu 7 millions d'électeurs🤣

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