« La disruption est une transformation irréversible du capitalisme » (Clayton Christensen)

Auteur de The innovator's dilemma, l'Américain Clayton Christensen, professeur à Harvard, est le pape de l'innovation disruptive, qui désigne un changement de concept pour les clients sur un marché.
Auteur de The innovator's dilemma, cet Américain, professeur à Harvard, est le pape de l'innovation disruptive. / DR

LA TRIBUNE - Sommes-nous entrés dans une époque disruptive ?

CLAYTON CHRISTENSEN - Oui, bien sûr. Mais elle pourrait, devrait même, l'être encore plus. Beaucoup de gens pensent à la disruption a posteriori, pour justifier ce qu'ils font.

L'innovation disruptive, c'est pourtant avant tout une façon de définir le processus de transformation d'un marché. Elle se manifeste par un accès massif et simple à des produits et services auparavant peu accessibles ou coûteux.

La disruption change un marché non pas avec un meilleur produit - c'est le rôle de l'innovation pure -, mais en l'ouvrant au plus grand nombre.

Jusqu'où cela peut-il aller ?

Personne ne le sait encore. Avec les nouvelles technologies, il y a de plus en plus de place pour les disrupteurs. Mais ce n'est pas seulement un changement technique. C'est surtout une évolution fondamentale du capitalisme.

Depuis vingt ans, la finance a eu pour seule obsession de maximiser le rendement du capital à court terme. L'argent n'est donc pas allé vers les projets les plus risqués. Aujourd'hui, le coût de capital n'a jamais été aussi bas. Le capital abonde et va se diriger désormais vers les projets les plus prometteurs à long terme.

Les fondateurs de Google ou d'Amazon n'ont pas eu besoin de beaucoup de capital pour se lancer et ils ne se sont donc pas préoccupés en premier lieu de leur rentabilité, mais du développement des opportunités de business. Cela leur a permis de devenir en très peu de temps des acteurs dominants.

Le potentiel d'émergence de nouvelles entreprises de ce type est très important. Partout où il existe des activités que l'on peut dématérialiser et « réintermédier », il y a de la place pour de nouveaux modèles économiques.

Beaucoup s'inquiètent du caractère destructeur de cette forme d'innovation, notamment pour l'emploi...

La vision de Schumpeter de l'innovation comme processus de « destruction créatrice » était avant tout descriptive. La causalité n'est pas celle proposée par Schumpeter. Si la destruction l'emporte sur la création, c'est parce que nous n'investissons pas assez de capital dans les innovations disruptives.

Lorsque celles-ci se seront installées, le potentiel de nouveaux emplois dépassera largement le nombre de ceux qui auront été détruits dans les modèles établis. Contrairement à l'idée reçue aujourd'hui, on ne va pas trop vite dans l'innovation, mais trop lentement, au regard du potentiel.

Mais les modèles établis tentent de freiner cette concurrence nouvelle...

C'est naturel, mais en faisant cela, on ne protège pas l'emploi. Si on investit trop de capital dans des activités qui doivent disparaître, on retarde l'apparition de celles qui en créeront. On tente de gagner du temps, mais en réalité, on en perd inutilement.

Prenez le cas d'Uber : ce ne sont pas les taxis qui sont les plus menacés, mais le business du transport par limousine. Pour les taxis, s'ils intègrent ce nouveau service, cette désintermédiation est plutôt une opportunité. Mieux vaut une plus petite part d'un plus gros gâteau qu'un monopole sur un petit.

L'innovation disruptive peut-elle relancer la croissance en panne ?

Oui, mais à condition de ne pas en avoir peur au prétexte qu'il semble à court terme négatif pour les emplois existants. La disruption permet de faire émerger de nouveaux modèles et crée des marchés plus vastes en rendant moins chers et plus accessibles des produits et des services là où il y a des rentes de situation ou des oligopoles non transparents. C'est une transformation fondamentale, radicale et irréversible du système capitaliste. Les disrupteurs sont des innovateurs qui cherchent des solutions aux problèmes qu'ils rencontrent.

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Pour en savoir plus, le site de Clayton Christensen

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Commentaires 15
à écrit le 14/03/2014 à 13:35
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La théorie du chaos disruptif pour ceux qui ne savent plus organiser leurs projets de recherche sur le moyen et long terme et qui n'ont plus grand chose a proposer. Pitoyable d'arrogance et de bêtise...mais au moins on sait que l'on va voir de bons s...

à écrit le 11/03/2014 à 13:47
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Prise de position claire et encourageante. Seulement, beaucoup du raisonnement repose sur l'assertion " Le capital abonde et va se diriger désormais vers les projets les plus prometteurs à long terme.". Bien sûr que "le capital abonde", depuis des...

le 29/03/2014 à 10:13
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Qu'appelez-vous Long Terme ? 25 ans ? A Wall-Street , le Long Terme , c'est parfois 6 mois.

à écrit le 11/03/2014 à 13:28
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Le coût du capital n'a jamais été aussi bas.....pourtant il est démontré que plus values + les dividendes ont permis depuis quelques années aux gros détenteurs de capitaux d'augmenter leurs magots de plus en plus vite...le coût du capital c'est ce qu...

à écrit le 11/03/2014 à 11:45
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Toutes innovations crees de nouveaux marches. le chemin de fer a completement remodeler l'economie.

à écrit le 11/03/2014 à 9:07
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Tout cela existe déjà et l'on a pas eu besoin d'utiliser de nouveau "mot" pour le percevoir!

à écrit le 11/03/2014 à 8:32
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uniquement occasionel a la place de certains secteur s'interpretant par une forme de capitalisme mais pour regles generale c'est absurdite de ne pas avoir compris le Capitalisme pour un economiste...!... le vouloir le percevoir l'expliquer et le comp...

à écrit le 11/03/2014 à 5:02
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...de ces papes et gourous intoxiqués au toujours plus qui n'imaginent rien d'autres pour créer des emplois que d'essayer de nous gaver de trucs au mieux inutiles et au pire nuisibles. Si le tri n'est pas fait intelligemment on va finir tous gagateux...

à écrit le 11/03/2014 à 1:11
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C'est sur on peut en faire des bulles disruptives avec un tel endettement des ménages, des entreprises et des Etats. Ya effectivement beaucoup de capital dans les mains de quelques uns mais les 99,9% des autres sont endettés a près de 4 ou 5 fois leu...

à écrit le 10/03/2014 à 18:56
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ça y est...Christensen m'a volé une de mes idées. Peu importe , son intelligence est inférieure à la mienne , il a trouvé une prémisse , il ne trouvera pas la suite. Comment peut-on être américain et s'exprimer sur la disruptive Technology sans cit...

le 10/03/2014 à 22:37
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Tes arguments m'intriguent!

le 10/03/2014 à 23:50
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@ Demain Le cadre : le capitalisme a muté. Il n'est plus nécessaire de détenir du Capital pour produire du Capital. Le Capital d'après mutation , ce sont des connaissances très pointues en technologie et en bourse. On peut produire du capital en b...

le 11/03/2014 à 0:00
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Au niveau de la croissance , il n'y a pas d'impact. Ce sont des phénomènes à somme nulle. En réalité , ce sont des niches technologiques qui se livrent une bataille. Le plus important , là-dedans , c'est que le Capitalisme global s'impose par la vite...

le 11/03/2014 à 12:52
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C'est le QE de Bernanke. Ce qui explique pourquoi il n'y a pas d'inflation malgré les rotatives qui crachent 85 milliars de dollars par mois. Tout ça va en bourse. D'où des portefeuilles qui doublent alors qu'aucune richesse n'est créée. Les riches o...

le 11/03/2014 à 19:00
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@shangai Kid Oui , tout ça alimente les marchés financiers et fait monter Wall-Street. C'est une véritable folie. Tesla Motors a pris 700 %. Canadian Solar 900 %. Il y a des titres qui ont monté davantage encore. Cette hausse explique le bond de ric...

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