Le patriotisme économique, c'est fabriquer français, mais pas seulement...

Le patriotisme économique est utilisé à l'envi par le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg. Or ce dernier l'emploie quasi systématiquement en référence au "made in France". Sauf que le concept de patriotisme économique fait davantage référence à la notion de sécurité économique et de protection du savoir-faire, qu'à celle de repli sur soi.
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"Patriotisme économique": dans la bouche d'Arnaud Montebourg, l'expression se veut résolument protectionniste, exaltante, fédératrice, voire populiste, et s'applique comme un remède à la morosité des entreprises. Fabriquer et consommer français, ou l'argument ultime en temps de crise pour sauver des entreprises et des emplois, et du même coup, rassembler ses concitoyens autour du drapeau.
Le ministre du Redressement productif l'a utilisé à plusieurs reprises ces derniers mois. Fin juin au salon Planète PME, Arnaud Montebourg déclarait vouloir "retrouver l'ADN historique de ce qu'a été le capitalisme français, c'est-à-dire d'abord un modèle entrepreneurial innovant et d'essence patriotique".

"Défendre notre base industrielle nationale"

Pendant la visite de l'usine Renault de Cléon ce mercredi 26 septembre, le ministre en remet une couche: "Je voudrais qu'on parle en bien de la France. Je voudrais que nous soyons fiers de nous-mêmes, que nous défendions notre base industrielle nationale. [...] Pour que la France se redresse, nous devons tous faire preuve de ce patriotisme économique".
L'expression n'a pourtant pas jailli de sa plume, mais de celle de l'ancien député UMP du Tarn, Bernard Carayon, qui l'a théorisée et explicitée dans l'ouvrage "Le patriotisme économique" en 2006 (Editions du Rocher). Et ce dernier va bien au-delà de la défense du "made in France". L'auteur définit en effet le patriotisme économique comme "une politique publique globale d'identification de nos vulnérabilités, de nos atouts, de mutualisation dans l'action. Vouloir protéger nos entreprises, ce n'est pas édifier un "mur de l'Atlantique" ou une "ligne Maginot". C'est simplement, avec méthode et en s'appuyant sur nos alliés européens, s'inspirer des dispositifs de nos concurrents".
Nous sommes loin de l'utilisation réductrice de cette expression par Arnaud Montebourg.

Une doctrine de sécurité économique

Car le patriotisme économique, c'est aussi et avant tout protéger nos entreprises contre toutes sortes de risques (concurrence déloyale, OPA hostile, atteinte à l'image, contrefaçon, espionnage industriel, etc.). En somme, le concept s'apparente à une doctrine de sécurité économique, plus qu'à une doctrine de protectionnisme économique.
Par ailleurs, faire de l'exception française et du "made in France" à tous crins, a des limites évidentes: doit-on arrêter d'importer? Doit-on aussi stopper le développement de nos entreprises à l'international? Doit-on refuser tout investissement étranger en France?
François Mitterrand l'avait bien compris: "Pour survivre, on ne peut rester chez soi, la conquête des marchés extérieurs protège le marché intérieur", écrivait-il dans sa Lettre à tous les Français. Mais l'esprit de conquête est-il possible sans puissance économique?
"Le décalage entre l'exaltation de l'"exception française" et le choc des réalités -le chômage, l'errance de certaines entreprises publiques, les délocalisations- n'expliquent pas autrement l'esprit désabusé qui, désormais, sévit dans notre pays", concluait Bernard Carayon.

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