Le modèle des réseaux sociaux bientôt obsolète ?

L'incroyable succès de WeChat, le réseau social du chinois Tencent, est une pierre dans le jardin de Weibo et de Twitter. Par notre contributeur Charles-Edouard Bouée, consultant spécialiste des marchés asiatiques.

Dans l'un de mes précédents articles (28 février 2013), j'ai parlé de la nouvelle application de messagerie sur téléphone mobile lancée par Tencent, et baptisé WeChat (Weixin en chinois).  En deux ans, le succès de WeChat est impressionnant puisque cette application gratuite rassemble aujourd'hui près de 300 millions d'utilisateurs, dont 260 millions en Chine.  Tencent est l'une des plus spectaculaires succes story de l'Internet chinois. L'entreprise a été fondée en 1998, et a réalisé 7 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2012 pour un profit de 2 milliards. Tencent a notamment construit la première plate-forme chinoise de jeux en ligne, dont les produits phares sont « Journey to the Fairyland », basé sur les légendes traditionnelles, « Dungeon & Fighter », un jeu de combat très populaire ou « QQ Huaxia », un jeu en ligne qui évoque la mythologie de la Chine ancienne.

 Tencent face à China Telecom

 WeChat est désormais un concurrent de WhatsApp. Les spécialistes prévoient qu'il rassemblera 400 à 500 millions d'utilisateurs d'ici la fin de l'année. Ce qui fait son succès est qu'il s'agit d'une application gratuite et disponible sur quasiment tous les terminaux. Mais c'est surtout son option de message audio qui fait fureur auprès des « mobinautes ». Le succès de WeChat commence à faire réagir les autres acteurs du marché de l'Internet et des télécoms en Chine. L'opérateur China Telecom vient de lancer son propre service de messagerie instantanée gratuit, Yixin, en association avec NetEase et qui comporte aussi un service de messages vocaux. Par ailleurs, le ministère qui supervise les opérateurs de télécoms fait pression sur Tencent pour qu'il fasse payer ses utilisateurs au motif que le service utilise beaucoup de bande passante et que les opérateurs de télécoms seraient donc fondés à exiger une rémunération. Apparemment, Tencent n'a nullement l'intention de faire payer l'utilisation de WeChat,  mais pourrait proposer une offre « freemium » en développant notamment des jeux en ligne ou d'autres services à valeur ajoutée.

 Une autre question a été évoquée ces derniers mois en Chine : faut-il considérer WeChat comme un espace « public », à l'image de Weibo, le Twitter chinois, puisque l'application de Tencent s'apparente à un réseau social ? Cela aurait des conséquences pour WeChat dont les contenus pourraient alors être mis sous surveillance. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, puisque WeChat est en réalité une messagerie « privée », dont les contenus circulent entre « amis confirmés » et ne sont donc pas accessibles au public.

 Réseau fermé contre réseaux « publics »

 Le succès de WeChat est en tout cas une pierre dans le jardin de Weibo ( qui revendique 500 millions d'utilisateurs mais qui en perd de plus) Twitter et même de Facebook, dont on peut s'interroger sur la validité, à long terme, des modèles économiques. Globalement, le modèle de Twitter et Facebook est le suivant :  ce sont les utilisateurs, par les informations sur eux-mêmes, leurs goûts, leurs centres d'intérêt, leurs intentions d'achat, qui créent la valeur, transformée en chiffre d'affaire publicitaire, lequel « fabrique » la valeur de marché des réseaux sociaux. L'objectif est donc de recruter la base d'utilisateurs la plus large possible afin de multiplier presque à l'infini le nombre de data qui constituent la source de la vente d'espace et donc des revenus, sans que l'utilisateur n'en profite, si ce n'est par la gratuité du service. L'intérêt de Weibo, Twitter et Facebook est donc que le plus grand nombre d'informations possibles sur leurs utilisateurs soient accessibles et monétisées. L'approche de WeChat est très différente puisqu'il s'agit d'un réseau fermé, dont le numéro de téléphone est la clé d'accès (et non une adresse IP) et qui générera des revenus par l'ajout de services supplémentaires payants, comme les jeux en ligne. Le développement fulgurant de WeChat semble montrer que ce modèle pourrait bien être celui de l'avenir…  

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