Pour un renouveau de l’influence universitaire française

Pour retrouver son influence sur la scène internationale, la France doit attirer davantage d'étudiants étrangers. Il faut donc renforcer l'attractivité des universités et des diplômes...
Les classements sont devenus essentiels : ils sont devenus un outil d'influence à l'échelle mondiale, mais consacrent la plupart du temps les universités anglo-saxonnes comme étant les plus performantes...

La France est un pays très important dans le monde mais son influence semble décliner doucement depuis les années 1980. Loin de céder au fatalisme, nous pensons que nous pourrions utiliser nos universités pour augmenter notre influence internationale.  

 

Attirer les étudiants étrangers, un enjeu majeur du XXIe siècle

L'enseignement supérieur influe généralement sur les individus à un moment critique de leur vie, notamment intellectuellement et socialement (1). En effet, façonner la façon de penser et de voir le monde de futurs dirigeants étrangers et permettre de créer des réseaux politico-économiques qui seront le support de liens commerciaux fructueux et d'une influence politique durable est une évidente application de l'influence universitaire d'un pays.

Cela peut se résumer sous le terme de soft power, ce concept crée par le politologue américain Joseph Nye, qui signifie la capacité à influencer indirectement le comportement d'un autre acteur, ou la représentation qu'il se fait de ses propres intérêts, à travers des moyens non coercitifs - dont l'enseignement et la recherche. Pour un pays, attirer des étudiants étrangers ou exporter des institutions ou des diplômes - par l'enseignement à distance par exemple - hors de ses frontières est donc un enjeu majeur du XXIe siècle.


Soyons réaliste sur la position de la France à l'échelle planétaire

De plus, la production intellectuelle est à la croisée en France de ce qui constitue nos atouts dans un monde globalisé : notre langue, notre culture, notre place dans le système de sécurité international ou encore la puissance économique de l'hexagone. Cependant, une véritable influence universitaire française suppose de sortir de l'idée de rayonnement pour glisser vers le concept d'influence (2).

Cela nécessite de laisser de côté notre vision nostalgique du monde, dans laquelle notre position mondiale est idéalisée, notamment à travers l'aura de grandes figures telle que de Gaulle, afin de se rapprocher d'une vision pragmatique et réaliste des rapports de forces intellectuels et culturels à l'échelle de la planète. En effet, alors que les tendances globales évoluent, nos politiques universitaires doivent suivre.

 

Une attractivité limitée

Par exemple, la mobilité internationale des étudiants continue d'augmenter (et ce même pendant la crise mondiale de 2008-2009), tandis que les flux d'échanges se diversifient. Or la part d'attractivité française diminue dans cette compétition mondiale au profit de nouveaux acteurs émergeants. La nouvelle géographie de la globalisation de l'enseignement supérieur reflète ainsi les nouvelles tendances géopolitiques et géoéconomiques mondiales. Ainsi, l'attractivité française - réelle - reste encore trop limitée en termes de flux et concerne notamment les pays des "anciennes colonies" d'Afrique comme le Maroc ou le Sénégal.

Une relative diversification des flux entrants est cependant en cours (avec de plus en plus d'étudiants asiatiques) et tient au fait de nos nombreux facteurs d'attractivité de notre pays mais aussi à la très bonne qualité de ses formations et au le fait que les études soient quasiment gratuites.

 

Des politiques qui pèsent sur la circulation des compétences

La mise en place d'une politique française d'attraction d'étudiants étrangers depuis la fin des années 1990 avec la création de l'agence EduFrance en 1998, devenue depuis Campus France, ou des politiques nationales d'immigration spécifiques (des procédures de visa plus facile ou des bourses pour les meilleurs étudiants) fut aussi importante. D'ailleurs, beaucoup d'autres pays ont également des programmes de ce type, que ce soit Fulbright, le British Council, le bureau allemand d'échanges universitaires, les instituts Confucius, le programme européen Erasmus Mundus ou les projets de coopération et d'aide et développement (3).

Souvent présentés comme des éléments permettant d'augmenter la « reconnaissance mutuelle » des Etats, ces programmes permettent en fait, dans un monde de plus en plus interconnecté et interdépendant, de peser sur la circulation désormais globale des individus, des connaissances, des compétences et des valeurs.


La grande influence des classements mondiaux 

Une autre dimension de la globalisation de l'enseignement supérieur par laquelle l'influence d'un pays peut s'exercer, est l'exportation d'établissements. En effet, de nombreux Etats dans le monde, comme le Qatar, la Chine, Dubaï, la Malaisie ou encore Singapour cherchent à renforcer leurs capacités éducatives par l'importation d'établissements d'enseignement supérieur étrangers, souvent prestigieux et originaires de grands pays industrialisés.  A ce titre, la question des classements mondiaux est centrale.

Le classement de Shanghai, celui du Times Higher Education ou le QS World University Rankings sont les principaux points de repère pour les universités et les Etats à travers le monde. Critiquables, ces classements sont néanmoins devenus essentiels et ont une portée normative et performative. Ils ont émergé comme un outil d'une immense influence et consacrent la plupart du temps les universités anglo-saxonnes comme étant les plus performantes. A ce titre, eux-mêmes influencent durablement les institutions, les Etats et les étudiants du monde entier, notamment en forçant les établissements et les systèmes éducatifs à améliorer leurs performances afin d'atteindre ce que semble être des « normes mondiales ».

 

Déficit de savoir-faire

Mis à mal par la montée en puissance des classements mondiaux, voire la mise en place du marché global de l'enseignement supérieur, la France devrait néanmoins continuer à assurer son influence internationale. Pour cela elle doit pouvoir attirer les meilleurs étudiants étrangers sur son sol mais aussi exporter son système éducatif à la manière de ce que font les établissements et les gouvernements des grands pays anglophones (tels que l'Australie, la Nouvelle-Zélande, l'Angleterre, les Etats-Unis et de plus en plus le Canada). La Sorbonne a commencé à le faire avec l'implantation de Paris IV à Abu-Dhabi.

Cet exemple pourrait s'inscrire dans une stratégie plus large incluant attractivité d'étudiants, exportations de diplômes (à travers les formations à distance) et d'établissements (notamment avec des campus délocalisés) mais aussi augmentation de la visibilité internationale de nos établissements (avec des performances en hausse dans les classements mondiaux). Ceci nécessite des réformes assez importantes, mais comme le dit Michel Foucher :

« Si nous maîtrisons les savoir-faire, en revanche, il est clair que nous avons un déficit en matière de faire-savoir (…) Bien que présente et influente, la France a bel et bien un problème d'image et de perception au regard de ses interlocuteurs » (4).

Attirer des étudiants étrangers, augmenter notre visibilité dans les classements mondiaux et exporter nos établissements d'enseignement supérieur et nos diplômes est certainement un des moyens d'y palier et de renouveler l'influence française dans le monde.

 

 

(1) John Kirkland, "No moral dilemma about soft diplomacy", in University World News, 14 février 2014.

(2) Voir notamment l'interview de Michel Foucher par Jean-François Fiorina dans « Géopolitique de l'influence », in Comprendre Les Enjeux Stratégiques, n°32, février 2014.

(3) Jane Knight, "The limits of soft power in higher education", in University World News, 31 janvier 2014.

(4) Cité dans : dans « Géopolitique de l'influence », Comprendre Les Enjeux Stratégiques, n°32, février 2014.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 29
à écrit le 16/03/2014 à 14:30
Signaler
Le gouvernement dépense 6000 millions par an en crédit impôt recherche pour un résultat nul, avec une baisse des dépenses de recherche dans les entreprises malgré tout cet argent, et refuse de verser 10 millions pour sauver l'université de Versaille...

à écrit le 16/03/2014 à 9:45
Signaler
Une de mes élèves, brillante, voulait à tout prix faire ses études en France. Refus, le bac international n'est pas reconnu. Elle part en Allemagne, avec le choix entre Berlin et Munich.

à écrit le 13/03/2014 à 17:29
Signaler
La France est le 3eme pays en nombre d'étudiants étrangers, derrière les USA et la GB. Au vu du budget et, parfois, de l'état des universités françaises, c'est déjà en soi un excellent résultat.

à écrit le 13/03/2014 à 17:29
Signaler
La France est le 3eme pays en nombre d'étudiants étrangers, derrière les USA et la GB. Au vu du budget et, parfois, de l'état des universités françaises, c'est déjà en soi un excellent résultat.

à écrit le 13/03/2014 à 17:29
Signaler
La France est le 3eme pays en nombre d'étudiants étrangers, derrière les USA et la GB. Au vu du budget et, parfois, de l'état des universités françaises, c'est déjà en soi un excellent résultat.

à écrit le 13/03/2014 à 17:29
Signaler
La France est le 3eme pays en nombre d'étudiants étrangers, derrière les USA et la GB. Au vu du budget et, parfois, de l'état des universités françaises, c'est déjà en soi un excellent résultat.

à écrit le 11/03/2014 à 17:42
Signaler
Tant qu'on aura pas d'universite cpable de rivaliser avec Oxford (+50 prix nobels ,+ des dizaines de chefs d'etats) nous resterons qu'une destination pour les chinois exclu des universites anglo-saxones (voir sur youtube "Mystérieux rapport sur les é...

à écrit le 11/03/2014 à 15:55
Signaler
Ce texte pose de bonnes questions... et il y a déjà de bonnes réponses en cours d'élaboration. Par exemples des revues en ligne bilingues comme la ParisTech Review (http://www.paristechreview.com/), qui aura bientôt une édition chinoise, ou anglophon...

à écrit le 11/03/2014 à 3:29
Signaler
Tant que le monde enseignant, qui n'est pas le seul à avoir des compétences, même en matière de pédagogie, ne s'ouvrira pas à la société civile, abandonnez tout espoir de haut de classement. Aucune université française n'a de réseau mondial, et ce n'...

le 16/03/2014 à 14:17
Signaler
Vous semblez ignorer totalement la réalité. Les universitaires sont des chercheurs qui collaborent avec d'autres universitaires du monde entier, du moins en sciences. Ne condé pas professeur universitaire et donc chercheur avec les intervenants des ...

à écrit le 11/03/2014 à 2:43
Signaler
Beaucoup de choses intéressantes, un seul regret à propos du "soft power" est que vous ne l'opposiez pas au "Return On Investment" (ROI) qui est de plus en plus prégnant tant chez les acteurs économiques que parmi les actants de l'enseignement supéri...

à écrit le 11/03/2014 à 2:22
Signaler
Vous écrivez : "Les classements sont devenus essentiels : ils sont devenus un outil d'influence à l'échelle mondiale, mais consacrent la plupart du temps les universités anglo-saxonnes comme étant les plus performantes..." => Les classements ont TOUJ...

à écrit le 11/03/2014 à 2:09
Signaler
L'expérience étant la seule voie d'accès à la connaissance, voyez dans quelle mesure nous pouvons progresser...

à écrit le 11/03/2014 à 1:47
Signaler
J'avais fait un long texte sur les aberrations françaises qui ont contribué à défranciser non seulement le pays, mais aussi l'Europe, que les anglo-saxons ne sont pas des modèles mais des tares...Mais bref, comme la page a été rafraîchie, mon courrou...

le 11/03/2014 à 2:07
Signaler
N'importe quoi ! Les astronomes utilisent le grec depuis longtemps, les biologistes utilisent le latin aurant que les médecins, les personnels navigants communiquent en anglais, et vous causez toujours français que je sache ! Je zappe sur le reste te...

à écrit le 11/03/2014 à 1:20
Signaler
Par delà la connaissance des langues (en particulier l'anglais), nos univsersitaires doivent aussi s'imprégner des cultures qui les accompagnent... Cela éviterait bien des écueils dans nombre de mémoires... Et en plus de ces deux efforts conjoints, i...

à écrit le 10/03/2014 à 20:09
Signaler
Je rectifie mon précédent message. Message légèrement désabusé parce qu'il est difficile de supporter l'état de l'Université Française quand on en a fait partie dans le passé. La première chose à faire , à mon humble avis , pour redresser l'Universi...

le 11/03/2014 à 1:10
Signaler
Je partage : 80 à 90% de la littérature scientifique et académique est anglo-américaine et anglo-saxonne, et cela touche toutes les disciplines... Ceci étant, il est difficile d'imposer le "fluent" à des universitaires qui découvrent réellement l'imp...

le 11/03/2014 à 22:23
Signaler
Je crois que vous pointez là un problème de notre système éducatif : "Ceci étant, il est difficile d'imposer le "fluent" à des universitaires qui découvrent réellement l'importance des autres langues pratiquement qu'au stade de la recherche". Ce ...

le 14/03/2014 à 17:32
Signaler
J'ai un ami prof d'anglais et chercheur à l'université de Lettres de ma ville qui s'est vu refuser de présenter l'avancement de ses recherches en anglais face à ses pairs (tous profs d'anglais), sous prétexte que l'on était en France ! C'est anecdoti...

le 16/03/2014 à 14:09
Signaler
Quand je pense que l'on me reproche officiellement de ne pas avoir une approche franco-française dans mes travaux de recherches, je me dis que si l'Université française survit à 2020, elle est quand même mal barrée ... Et je ne parle même pas de ...

à écrit le 10/03/2014 à 16:59
Signaler
Bonjour, je cite : "Ainsi, l'attractivité française - réelle - reste encore trop limitée en termes de flux et concerne notamment les pays des "anciennes colonies" d'Afrique comme le Maroc ou le Sénégal." Ca fait partie du mantra des apparatchik...

le 11/03/2014 à 1:33
Signaler
@Vincent : " C'est du mépris pour les provenances traditionnelles des étudiants en France, alors que ce sont eux qui permettent à la France d'être le troisième pays du monde en termes d'étudiants étrangers." => Les étudiants du maghreb et des "ancien...

le 11/03/2014 à 1:44
Signaler
Enfin quelqu'un d'intelligent qui comprend que si un peuple comme la France délaisse sa langue et sa création en langue française, il ne mérite pas d'exister.

à écrit le 10/03/2014 à 13:32
Signaler
La France existe encore ??? J'hallucine...!!!

à écrit le 10/03/2014 à 12:07
Signaler
La France existe t'elle toujours? N'est elle pas noyer dans le magma européen? Anglicisme US n'est il pas promis d'utilisation?

le 10/03/2014 à 15:25
Signaler
je ne sais pas si la France existe encore mais sa langue n'en a plus pour longtemps si l'on suit l'exemple de votre commentaire...

le 10/03/2014 à 16:10
Signaler
Félicitation..! Vous avez compris, tout de suite, ce que je voulais dire!

le 11/03/2014 à 1:36
Signaler
"je ne sais pas si la France existe encore mais sa langue n'en a plus pour longtemps" => idée reçue et infirmée par les linguistes qui expliquent que la langue anglaise importe plus de mot français que le français n'importe de mots anglais... Affaire...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.