Relativiser le poids des énergies renouvelables

Encore peu utilisées, les énergies renouvelables affichent un coût beaucoup plus élevé que les énergies fossiles. Mesurer le coût économique de la politique climatique est un enjeu majeur. par Frédéric Gonand, professeur associé à Paris Dauphine

 Par rapport aux énergies fossiles, les énergies renouvelables constituent un sujet à savoir relativiser, un sujet en bonne partie électrique (sans jeu de mot), un sujet de coût relatif, un sujet tout aussi capitalistique et un sujet justifié à (très ?) long terme.

Un sujet à savoir relativiser

Environ 85% de la consommation d'énergie dans le monde est d'origine fossile. Un peu plus de 10% est d'origine renouvelable, dont l'essentiel vient de la biomasse traditionnelle et, plus subsidiairement, de l'hydroélectricité. Au niveau mondial, l'éolien et le solaire représentent encore une part très minime de l'énergie consommée, et à peine quelques (petits) pourcentage des capitaux propres d'un major pétrolier.

Un sujet en bonne partie électrique.

Les énergies renouvelables constituent 19% de l'offre électrique mondiale (dont 16% pour la seule hydroélectricité) et, surtout, les taux de croissance sont extrêmement importants pour les « nouvelles » énergies renouvelables. La capacité mondiale de photovoltaïque en 2009 a augmenté de +50% et le chiffre est identique pour l'éolien. Cela justifie que les grands énergéticiens s'y intéressent et définissent une stratégie. Ce développement vigoureux du photovoltaïque et de l'éolien favorise une électrification du bouquet (mix) énergétique et soulève en conséquence des problèmes particuliers. Les producteurs d'électricité d'origine renouvelable sont des producteurs intermittents (en fonction du vent ou du soleil) qui sont prioritaires sur le marché de gros de l'électricité.

Leur activité pèse sur le prix de gros de l'électricité et sur la rentabilité des autres producteurs. Par ailleurs, leur développement nécessite d'importants renforcements des réseaux et bouleversent le business model des transporteurs et distributeurs d'électricité. Il peut aussi modifier les comportements de consommation, par exemple dans le secteur du transport avec le développement des véhicules hybrides. Il renforce les problèmes liés à la non-stockabilité de l'électricité (et son effet à la hausse sur la volatilité des prix de l'électricité).

Un sujet de coût relatif

Le coût de production de l'électricité d'origine renouvelable est souvent plus élevé que celui des producteurs utilisant des énergies non renouvelables. Sans évoquer le coût du nucléaire (non EPR, env. 50 euros/MWh), il est utile de rappeler que la production d'un MWh d'électricité coûte environ 80 euros pour une usine à gaz avec cycles combinés, environ 70 euros dans une centrale à charbon (à prix du carbone quasi-nul), environ 80-90 euros pour l'éolien onshore mais de l'ordre de 200 eurospour l'éolien offshore et 120 euros pour les installations photovoltaïques au sol.

A ces coûts de production il convient d'ajouter des surcoûts de réseaux liés à la connexion des sites éoliens et photovoltaïques - qui ont pu être évalués aux environs de +31US$/MWh pour l'éolien offshore et +43US$/MWh pour le photovoltaïque. Au sujet des coûts, il convient de mentionner ici l'existence d'une « malédiction de l'énergie » qui est un secteur où les progrès technologiques sont soit faibles, soit ne se répercutent pas dans les prix de détails (à la différence des télécoms). Cette remarque ne vaut pas pour le photovoltaïque où d'importants gains de productivité semblent actuellement observés dans le coût de production des modules notamment. De même, pour les biocarburants, le problème n'est plus technique, mais essentiellement de coût.

Un sujet (souvent) capitalistique

Les coûts d'investissement (fixes) représentent souvent 80% du coût moyen total de production, en moyenne, dans l'éolien et le photovoltaïque (installations au sol). En conséquence, le montage financier est souvent aussi différenciant pour le coût du projet que la technologie de production. Les énergies renouvelables constituent ainsi une industrie « lourde » au sens premier (1 éolienne = 100t de métal + une base bétonnée ; 1 tranche nucléaire = 300 éoliennes), souvent réservée aux big players industriels bénéficiant d'effets d'échelle - même si des acteurs financiers de taille plus petite peuvent s'y développer. Dans ce contexte, l'existence d'un risque industriel dans le secteur doit retenir l'attention (notamment pour l'éolien offshore) : il justifie une surprime de risque sur le coût des capitaux propres, dans un secteur où ils sont déjà chers, et en un temps où les prêts à long terme sont plus difficiles.

Un sujet justifié à (très?) long terme

Le coût d'extraction, donc les prix des énergies non renouvelables, a théoriquement tendance à augmenter à long terme (ce qui est particulièrement valable, semble-t-il, pour le pétrole sur longue période). De surcroît, l'utilisation des énergies fossiles génèrent des implications environnementales défavorables. En comparaison, les sources renouvelables sont non carbonées et surtout abondantes : la demande mondiale d'énergie serait satisfaite si on pouvait couvrir 0,3% de la surface de la planète de panneaux photovoltaïques et si on pouvait stocker l'énergie ainsi produite.

D'un point de vue strictement économique, le problème n'est donc pas tant celui de la justification de la transition énergétique que celui de la vitesse optimale de la transition. À un moment dans le futur, il faudra nécessairement basculer d'infrastructures d'énergie et vu des coûts d'infrastructures associés, la bascule devra être convenablement anticipée. Si la bascule est mise en œuvre trop tard, les économies surpaieront les énergies fossiles alors que les énergies renouvelables seraient devenues moins chères.

Mais si la transition intervient trop tôt ou trop vite, alors les économies vont surpayer les énergies renouvelables alors que les énergies fossiles resteraient relativement compétitives. Dans ce contexte, il faut être capable de mesurer le coût économique de la politique climatique. Il est sans aucun doute important, ce qui ne constitue pas un obstacle a priori à la préférence climatique et sa mise en œuvre, mais mériterait d'être plus souvent souligné.

 

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Commentaires 31
à écrit le 30/04/2016 à 15:06
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Les objectifs définis dans les politiques climatiques semblent être des chiffres trop « ronds » pour être fondés sur des évaluations scientifiques étayées par de solides modèles. Par exemple, la règle « des 3x20 » semble plus un leitmotiv de communic...

à écrit le 01/07/2014 à 13:26
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Incroyable ! Dès qu'on parle d'énergie renouvelable, hop, c'est le solaire et l'éolien systématiquement qui ressortent ! Quid du reste (notamment du biogaz obtenu par méthanisation) ?

à écrit le 01/07/2014 à 9:57
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NOUS SOMMES CONDANNEE A REUSSIR NOTRE MUTATION ENNERGETIQUE ? ALORS N ATENDONS PAS ?NE PERDONS PAS DE TEMP? NOTRE A VENIR ET INDEPENDANCE EN DEPEND???

à écrit le 01/07/2014 à 8:31
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Le schéma raisonnable consiste d'abord utiliser mieux les kwh produits (isolation, smart grids...), ensuite à développer à fond le renouvelable AVEC DE LA MAIN D'OEUVRE FRANCAISE car si ça coûte ça revient aussi en salaire...et enfin à sécuriser le ...

à écrit le 30/06/2014 à 23:52
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On peut faire tous les calculs du monde, même des faux apparemment, le Monde manquera d'énergie plus rapidement que ce qu'il est commun d'admettre. La démographie, la débauche des transports, l'utilisation inconsidérée des énergies fossiles et surtou...

à écrit le 30/06/2014 à 23:36
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On ne démantèlera jamais la cinquantaine de centrales nucléaires de France, beaucoup...beaucoup trop cher et dangereux. On fera comme à Tchernobyl, après déchargement du combustible et de ce qui est facilement démontable et non/ ou peu irradié, on f...

à écrit le 30/06/2014 à 23:16
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un très bon article qui relativise les énergies renouvelables qui peuvent être perçues comme trop avant gardistes pour être rentable pour le consommateur ou producteur , d'ici 15 ans qui peut dire qu'une nouvelle source d'énergie serait encore plus r...

à écrit le 30/06/2014 à 22:52
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Les seuls à faire croire aux français que la mise en place d'énergie renouvelable se fera sans hausse des prix. Les écolos sont les pires escrocs de la 5ème République, bien loin devant les magouilles de l'UMP.

le 01/07/2014 à 8:24
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Le prix de l'énergie va de toute façon augmenter quelque soit son origine

le 01/07/2014 à 12:55
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Suivant que vous habitez a Nice ou a Dunkerque, vous pouvez deja installer des panneaux solaires PV, auto-consommer et amortir en 10 ans, d'ici 3 ans a Dunkerque, hausse ineluctable du prix de l'electricite oblige. Alors, ou sont les escrocs ? Enlev...

le 02/07/2014 à 1:03
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J'ai du mal à saisir l'intérêt de la comparaison dans la mesure où le président qui a lancé les grands chantiers éoliens offshore de notre pays s'appelle monsieur Nicolas Sarkozy.

à écrit le 30/06/2014 à 22:31
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300 éoliennes pour une tranche nucléaire ; ce chiffre est de la pure désinformation ! En puissance, il n’est pas faux puisque que pour une tranche de 900MW, l’équivalent sera bien de 300 éoliennes de 3MW et 450 de 2MW mais en énergie produite, on e...

le 30/06/2014 à 23:18
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euh n'oubliez pas que au delà de vents de 80 kmh , les éoliennes sont mises en sécurité , elles ne tournent plus , donc ne produisent rien ,pire encore si une violente tempête catastrophique les couchent au sol ou pour celles marines , être emportées...

le 01/07/2014 à 12:57
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A faux, faux et demi. Nos vieilles petoire nucleaires ont plutot tendance a fleurter avec les 70% de disponibilite, et sont intermittentes aussi avec la consommation, c'est la raison pour laquelle nous avons besoin de centrales de pompage turbinage ...

à écrit le 30/06/2014 à 19:22
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le prix du nucléaire "ancien" est de 59 euros/MWH et que ce cout va passer à 62 avec les rénovations demandées pour allonger leur durée de vie. l'EPR produira à plus de 90 euros du MWH (112 pour l'EPR prévu en Angleterre). On ne peut pas comparer...

le 30/06/2014 à 21:17
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... je ne connais pas UN SEUL écolo qui accepterait 300 éoliennes près de chez lui !!

le 30/06/2014 à 22:05
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Pas faux. Moi même j'habite à environ 1 km de 12 éoliennes et connais bien le brut qu'elle font surtout la nuit.

le 30/06/2014 à 22:09
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300x5mw = 1500mW .... A priori 1/4 du temps sauf certainement pour eolien offshore ? EPR = 1650 mW. 24/24h Il faut comparer ce qui est comparable ! Mais bien sur pb des déchets évoqués est lui une réalité terriblement vrai

à écrit le 30/06/2014 à 18:41
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Visiblement, vous partez du principe qu'avec des changements de prix relatifs et des investissements monétaires, l'humanité (bientôt 9 milliards) changera de mode d'énergie sans problème réel... Je me demande d'où vient votre assurance.

à écrit le 30/06/2014 à 18:13
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Ce type d'étude est toujours trop générale, on n'avance pas ! et les chiffres sont chaque fois très discutables surtout en détaillant chaque pays/région/technique au plan mondial. On ne peut pas parler de chiffres dans le monde et de prix des énergie...

à écrit le 30/06/2014 à 17:14
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Les barrages c'est bien du renouvelable et il est à 25, 30 euro le MW/h.

à écrit le 30/06/2014 à 16:22
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Utopie : j'aimerais voir un système qui responsabilise l'individu à travers la taxe sur les énergies renouvelables que nous payons dans notre facture EDF. Vous voulez aider le photovoltaïque ; votre taxe est multipliée par 3. Vous ne voulez que de ...

le 30/06/2014 à 18:23
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Ne pas oublier : vous voulez porter le nucléaire de 3e génération à 60 ans et vous acceptez les risques d'un accident majeur statistiquement dans le monde tous les 21 ans et vous assumez les risques et tous les frais avec une facture x 15 au moins ! ...

à écrit le 30/06/2014 à 15:21
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mais, les Français n'en veulent pas car elles défigurent le paysage.

le 30/06/2014 à 15:55
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pour les paysages, ne devrions-nous pas détruire les barrages, les centrales nucléaires, les centrales thermiques , les pilones électriques et réutiliser des bougies ???? RAS LE BOL DE CES EXTREMISTES DE l'AUTHENTICITE DES PAYSAGES QUI NE SONT SOUVEN...

le 30/06/2014 à 16:25
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J'habite à quelques Km de Gravelines dans le Nord. C'est marrant , je ne vois qu'une forêt de pylônes à très haute tension qui partent vers l'Est et la région Parisienne...

à écrit le 30/06/2014 à 14:40
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Dans le coût de l'énergie nucléaire, il est toujours oublié celui du démantèlement, de la gestion des déchets et d'un probable accident nucléaire (assurances, ...). Car il faudra bine les payer. D’où par exemple la volonté d'augmenter à tout prix l'a...

le 30/06/2014 à 15:02
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C'est faux, le coût du démantèlement est provisionné, c'est une obligation légale. Ce coût prévisionnel est revu à la hausse chaque année. Même si on peut raisonnablement penser qu'il ne sera pas suffisant, on ne peut pas nier qu'il existe et ce, à h...

le 30/06/2014 à 15:23
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C'est archi-faux Krisscore... Le cout du stockage des déchets sur des centaines de milliers d'années n'est absolument pas inclus dans le cout de production de cette énergie. D'ailleurs, nous sommes totalement incapable d’estimer ce dit cout, puisque ...

le 30/06/2014 à 16:19
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çà fait 50 ans que les gars d' edf s' echine la couenne à faire disparaitre une toute petite centrale expérimentale en Bretagne.. 50 ans ! le coeur est toujours en place, ils ne savent comment faire.. cela à bruler déjà au moins 3 fois le prix de la ...

le 30/06/2014 à 20:50
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Provisions nettement sous estimées d'après la cour des comptes qui demande a EDF de revoir sa copie et d'augmenter ses réserves. EDF en cessation de paiement dans 20 ans ou alors augmentation de cette belle taxe exclusive pour elle pour soit disant p...

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