Une loi « micron », très en deçà des enjeux français

La loi Macron sur l'activité et l'égalité des chances économiques présentée ce mercredi fait déjà beaucoup de bruit. Beaucoup de bruit pour rien ? Pour pas grand chose, hélas, quand on fait l'inventaire de ce qu'il y aurait à faire pour vraiment libérer l'économie !

Le projet de loi Macron n'est pas encore arrivé au Parlement qu'il suscite depuis plusieurs semaines bien des débats et des réactions. Ce qui est bon signe, tant les corporatismes sont aiguisés dans notre pays, et tant les secouer est nécessaire. Pour autant, à y regarder de près, les mesures envisagées restent très limitées ou cosmétiques. Rien qui soit de nature transformative à l'horizon.

Sur les professions réglementées, pour commencer, la France aurait au contraire besoin d'un grand soir. Bien des encadrements sont injustifiés et brident l'activité, soit des professions concernées, soit d'acteurs qui devraient justement pouvoir leur faire concurrence. Et ainsi réduire les rentes existantes et redonner du pouvoir d'achat au consommateur.

Inventaire des rentes intouchables

Quelle justification, en 2014, à devoir acheter des médicaments sans ordonnance en pharmacie, là où ils sont accessibles en supermarché dans de nombreux pays ? Pourquoi encadrer l'implantation de pharmacies ? A quel titre doit-on obligatoirement passer chez un notaire pour établir un acte authentique, ce que font aussi bien des avocats dans beaucoup de pays? Et pourquoi, hors de la collecte des taxes, les tarifs de ces prestations ne sont-ils pas libres et négociables ? Qu'est-ce qui justifie le monopole des auto-écoles alors que l'apprentissage accompagné existe dans bien des pays où il n'y a pas plus d'accidents qu'en France ? Pour quelle raison conserver des tribunaux de prud'hommes alors qu'ils sont les moins efficaces de tous, et que l'élection de leur conseiller intéressait tellement peu qu'il a fallu se résoudre à supprimer ce scrutin ? Pourquoi y a-t-il encore un monopole des avocats au conseil ? Faut-il vraiment une carte professionnelle et / ou des diplômes spécifiques pour être agent immobilier, conseiller en investissement financier, courtier en assurances ou coiffeur ? Pourquoi ne pas laisser la réputation et le savoir-faire de chacun à l'appréciation des clients dans ces professions ? Les tribunaux de commerce et leurs greffiers ont-ils une raison d'être au XXIème siècle, alors que le système judiciaire ordinaire pourrait très bien les remplacer ? Que penser des chambres de commerce et d'industrie, qui interviennent le plus souvent dans des domaines qui pourraient être complètement du ressort du marché ? Est-il indispensable d'avoir un système de licence et un numerus clausus pour les taxis, alors que la concurrence devrait conduire à faire se rencontrer au mieux offre et demande ? Là aussi, qu'est-ce qui justifie de réglementer les tarifs de ces services ?

On pourrait continuer longtemps cet inventaire des dispositifs qui entravent l'économie française, avec leurs ordres professionnels - souvent hérités de Vichy ! -, leurs codes et leurs paquets de textes législatifs et réglementaires qui sont autant de barrières à l'entrée dans une activité ou d'obstacles à son fonctionnement concurrentiel. Sur tous ces sujets, la loi Macron ne laisse envisager au mieux que des micro-ajustements, et le plus souvent rien du tout.

La réforme du marché du travail en retard d'une guerre

S'agissant du travail le dimanche, on a également l'impression d'être en retard d'au moins une guerre. Il est donc question de passer au mieux à 12 jours d'ouverture hors « zones touristiques internationales »... Alors que là aussi, nombre de nos voisins ont totalement libéralisé le travail dominical et en soirée. D'autant que si l'on maintient un encadrement en matière de droit du travail de la même nature qu'aujourd'hui (volontariat et majoration de la rémunération), il est assez incompréhensible de continuer à empêcher l'ouverture des volontaires.

Pour ce qui concerne le droit du travail, il est particulièrement décevant que cette loi ne contienne finalement rien sur les 35 heures. Or, si elle voulait vraiment mériter son appellation de loi « activité et croissance », elle aurait dû s'attaquer aux grands verrous de notre économie, dont la législation sur le temps de travail. Un programme autrement plus consistant que le droit d'installation des notaires ou le transport en autocar. Et pas insurmontable pour autant. Ne rien changer aux dispositions existantes mais permettre d'y déroger par entreprise en fixant le temps de travail habituel et donc le déclenchement du temps de travail supplémentaire à d'autres niveaux, serait une manière douce d'en finir progressivement avec l'uniformité des 35 heures. Ainsi qu'une occasion de faire diminuer peu à peu le montant des allégements de charges sur les bas salaires grâce à l'augmentation des rémunérations mensuelles, y compris si le Smic reste la référence horaire, en aménageant la formule de calcul de ces allégements.

Beaucoup d'autres sujets du droit du travail auraient pu être abordés, à commencer par l'encadrement du licenciement (bien au-delà du seul sujet traité, l'ordre des licenciements économiques), les seuils sociaux, la représentation des salariés... Rien de la sorte dans ce projet de loi « micron. »

Provocation sur l'épargne salariale

Quant à l'évolution de l'épargne salariale, c'est presque une provocation : le gouvernement reconnaît de fait que le forfait social, qui n'existait pas il y a seulement six ans et qui depuis son instauration a vu son taux décupler au sens propre, ne la favorise pas... D'où sa proposition d'abaisser ce forfait social là où la participation n'est pas obligatoire, sous les 50 salariés ! Alors qu'il faudrait évidemment réduire massivement ce prélèvement pour tous, la situation d'exonération de cotisations qui prévalait avant 2008 ayant pour contrepartie l'aléa et le blocage des montants pour au moins cinq ans dans le cas de la participation et des PEE.

Au final, la loi Macron ne va certes pas dans le mauvais sens. Mais elle y va à si petits pas, et pour une si forte dépense d'énergie collective autour des lobbies mobilisés, qu'on peut s'interroger sur les bénéfices réels de cette opération. Car les lobbies ne doivent être pris de front que pour de bon, et si possible en une seule fois, quand les enjeux le justifient vraiment. Sauf à les « victimiser » et à empêcher toute autre réforme pour longtemps.

Parce qu'il est d'abord conçu comme un numéro de politique, à savoir un geste dans le sens de la réforme donné à Bruxelles tout en restant dans les limites de ce qui est tolérable pour le groupe socialiste, ce projet de loi risque de mécontenter ou décevoir tout le monde.

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Commentaires 25
à écrit le 29/01/2015 à 12:55
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L'art de brasser de l'air pour rien et l'auteur ferait mieux de se cantonner aux romans.

à écrit le 29/01/2015 à 10:10
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entièrement d'accord avec Mr Jean-Charles SIMON.Notamment sur les lobbies des professions réglementées: tartuferie et poudre aux yeux dans les rapports au Ministère , rédigés par des personnes incompétentes ou de mèche avec les professions concernées...

à écrit le 29/01/2015 à 8:55
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Tout à fait d'accord...lorsqu'on pense que 4500 pharmaciens sont inscrits à Pôle Emploi et qu'une grosse partie ne font que des mi-temps non choisis....quel gâchis !!..et tout cela pour favoriser la rente et le patrimoine d'une minorité !!!!

à écrit le 03/01/2015 à 19:59
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Cela dit, critiquer, dénigrer, s'opposer, c'est facile, surtout quand on n'a aucune responsabilité !!! Et que l'on n'en aura jamais....ces intellectuels qui savent tout sur tout ,et qui jargonnent des " faut qu'on" et des "ya qu'à " sans jamais être ...

à écrit le 31/12/2014 à 15:03
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Pourquoi Chirac et Sarkozy n'ont pas fait toutes ces réformes dont la France a besoin ? Bravo Hollande, bravo Valls, bravo Macron, continuez les réformes plus rapidement SVP !

le 02/01/2015 à 9:32
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@ dilemblue, Et la reforme des retraite juppe, balladur et Fillon? Ils ont fait quoi la gauche pour rendre viable le financement des retraites? Alors je vous accorde que ces reformes aurait pu etre fait en une fois mais a cote la gauche n'a RIEN fait...

à écrit le 31/12/2014 à 14:58
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M. le donneur de leçon présenté vous au élections sinon vous n'avez pas tout bon, pourquoi croyez vous que la droite n'a pas osé faire ce que vous proposez !

à écrit le 18/12/2014 à 11:51
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il ont trop la trouille de s'attaquer aux VRAIS réformes!

à écrit le 12/12/2014 à 12:06
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Innover c'est bien et nécessaire ; MAIS à voir la tournure de cette loi ? une fois de plus il restera le souvenir d'un Ministre et de la '' LOI MACRON '' qui aura créé combien d'emplois et combien d'argent dans l'amélioration des comptes de l'état ...

à écrit le 11/12/2014 à 11:32
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Micronéconomique, c'est trop peu face à un Macroéconomique totalement débridé sur les foirails. Exact, mais passer d'un extrême à l'autre n'est pas "l'efficiency"à rechercher ; surtout quand on mécanise le consommateur et digitalise son cerveau, anni...

à écrit le 11/12/2014 à 9:41
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Et pourquoi pas libéraliser les salaires, le temps de travail et aussi et supprimer le SMIC par la même occasion, on " libéralise" dans un sens, tout en bloquant encore plus dans un autre (contrat de 24h00 minimum par semaine etc...), il ne faut pas ...

le 12/12/2014 à 11:54
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N'importe quoi, en vous lisant on comprend mieux pourquoi la France est dans cet etat.

à écrit le 11/12/2014 à 9:04
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Vu que ce monsieur est un ex RPR, pas etonnant qu on ai droit a laius sur les 35 h respeonsable de tout ce qui va mal en france. Sinon ils pensent quoi ses copains de l UMP de la suppression des monopoles des taxis, pharmaciens et notaires ? que des ...

à écrit le 11/12/2014 à 9:04
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Et les auto-écoles? Et les 35 heures? Et la fiscalité? Marre des symboles et des politiques de communication.

à écrit le 11/12/2014 à 4:21
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Pour une fois qu'une loi avance courageusement pour moderniser - même un peu la France (mais excusez du peu parcs que c'est plus que Chirac et Sarko réunis en 10 ans d'incurie)- on va la rétorquer au prétexte que too small too late? Non, c'est v...

à écrit le 11/12/2014 à 0:17
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C'est ce monsieur qui se prétend économiste????? Car au vu de son cv il est plutôt Lobbyste pour le medef! extrait de sa présentation son blog sur la tribune: "Il a été trader puis directeur des études du RPR à la fin des années 90, avant d’occu...

à écrit le 10/12/2014 à 23:58
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Rien à attendre d'un jeune homme de 37 ans dont la carrière bien courte à consisté à survoler des dossiers et n'a rien d'un économiste ou manageur.

à écrit le 10/12/2014 à 23:45
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la dialectique du monde des économistes est de qualité, mais avec, souvent, une absence (cruelle pour les victimes des décideurs qui les écoutent) de démonstrations attenantes incontestables. Ce sont des apprentis sorcier qui distillent leurs formu...

à écrit le 10/12/2014 à 19:03
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Effectivement cette loi est très en deçà des enjeux pour notre pays. Quant aux professions dites "règlementées" il est piquant de voir l'état vouloir déréguler ce qu'il a lui même institué ! Cette loi est une manoeuvre de diversion en direction de Br...

à écrit le 10/12/2014 à 18:18
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Ce sont ces éternelles postures de gouvernants lâches et incapables au service d'eux-mêmes. Seule mesure radicale: la suppression du statut de fonctionnaire de gré ou de force, quitte à faire sauter cette république pourrie. Ça demande conviction, co...

à écrit le 10/12/2014 à 17:08
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Alors, on ne fait rien ? Comme d'habitude ?

à écrit le 10/12/2014 à 17:02
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C'est celle qui contraint le gouvernement à diminuer progressivement son budget sans manipulations et qui diminue aussi les subventions qui ne servent à rien

à écrit le 10/12/2014 à 16:55
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Un économiste qui écrit dans le journal, ça se doit de susciter la polémique, par la provocation. Voila qui est fait. Sinon ?

le 11/12/2014 à 8:42
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il faut tout d abord supprimer une injustice de base ....LES REGIMES ..SPECIAUX ......

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