Histoire d'une collection d'entreprise : entretien avec Laurent Fiévet (Bel)

[Art Media Agency] Les fabricants de produits laitiers Bel a ouvert en 2010 son laboratoire artistique, qui organise des expositions avec les œuvres qu'elle acquiert. Entretien avec l'héritier de Léon Bel, initiateur du projet.
Les inventeurs du Babybel explorent l'enfance à travers l'art contemporain. | Wikimédia Creative Commons

Né en 1969, Laurent Fiévet est à la fois enseignant, commissaire d'exposition, collectionneur et artiste. Il est aussi l'un des héritiers de Léon Bel, industriel du début du XXe siècle et fondateur des fromageries Bel à qui l'on doit notamment La vache qui rit. Art Media Agency a rencontré le petit fils de la famille qui a fait entrer depuis quelques années le groupe Bel dans une dimension artistique avec le laboratoire Lab'Bel.

Quelles sont les origines du projet Lab'Bel ?
Le groupe Bel a souhaité constituer une collection, puis nous avons mis en place un projet plus complexe qui se divise en deux temps entre exposition et collection. On a donc restreint la partie purement financière et le volet investissement dans l'art pour voir agrandir la partie mécénat et soutien plus général à l'art contemporain. Ce soutien se caractérise à la fois par l'organisation d'expositions et d'événements artistiques et par la constitution d'une collection. Le premier projet a vu le jour au printemps 2010.

Aujourd'hui Lab'Bel est une équipe avant tout : je ne suis pas seul à la tête de cette belle aventure. Je travaille en binôme avec Silvia Guerra. Voilà quatre ans que nous portons le projet !

Quel a été le premier événement organisé par Lab'Bel ? 
L'exposition inaugurale a eu lieu dans le Jura qui est le berceau du groupe Bel. Intitulée « Rewind », l'exposition a eu lieu à La Maison de La vache qui rit au printemps 2010. Elle abordait la question du retour vers l'enfance que peuvent opérer certaines pratiques artistiques contemporaines.

Comment construisez-vous la collection du Lab'Bel ? 
Le fil rouge de notre collection est d'aller chercher des œuvres très contemporaines, toutes postérieures aux années 2000. Par ailleurs, la collection est aussi guidée par des choix thématiques qui traversent l'ensemble de nos actions. Ils sont au nombre de trois : humour, impertinence et décalage. Notre choix n'est pas arrêté par d'autres critères fixes. Nous avons certes beaucoup d'œuvres d'artistes européens, dont une grande majorité d'artistes anglais, mais c'est un hasard. Notre collection n'est pas arrêtée géographiquement à l'Europe. En ce qui concerne les médiums, on peut sans doute déplorer l'absence de peinture, mais encore une fois ce n'est pas une volonté.

En ce qui concerne la décision finale d'achat, c'est généralement une décision collégiale qui est prise en accord avec Silvia Guerra et bien souvent avec l'avis d'une cellule stratégique propre à Lab'Bel composée de quelques professionnels de l'art contemporain.

Quel est le budget annuel d'acquisition ? 
Nous disposons d'un budget annuel variant entre 70.000 et 90.000 euros par an.

Quel est le rythme d'acquisition du Lab'Bel ? 
Nous essayons d'acheter plusieurs pièces par an, notamment parce que nous démarrons la collection. Là encore il n'y a pas de numerus clausus, cela varie en fonction des années, des pièces acquises et évidemment du budget.

Sur quel artiste vous penchez-vous en ce moment ? 
Par exemple, Haroon Mirza est un artiste qui nous a intéressés dans un premier temps pour la collection, et avec qui nous avons eu l'opportunité de construire l'exposition « The Light Hours » à la Villa Savoye. J'espère pouvoir l'intégrer un jour à la collection, mais il ne va pas falloir trop attendre, car ses prix sont déjà assez hauts !

Comment avez-vous construit cette exposition dans ce haut lieu de l'architecture avec Haroon Mirza ? 
Cette exposition est la suite du premier rendez-vous au Pavillon Mies Van Der Rohe à Barcelone avec l'artiste Stefan Brüggemann. Nous construisons un cycle d'expositions autour des œuvres phares de l'architecture moderniste dans lesquelles un artiste est invité à mettre en perspective l'un des manifestes architecturaux du XXe siècle.

Nous avons trouvé dans un premier temps le lieu exceptionnel qu'est la Villa Savoye construite par Le Corbusier entre 1928 et 1931 dans les Yvelines. Puis on a réfléchi à la nature de l'intervention que l'on souhaitait par rapport à la première exposition en Espagne. Nous avons eu plusieurs envies et notre choix s'est resserré sur Haroon Mirza.

Nous avons engagé avec Silvia Guerra une série d'entretiens pour sensibiliser l'artiste sur le travail du Corbusier, un véritable dialogue s'est installé entre Silvia et l'artiste. Nous avons fait comprendre à Harroon Mirza que c'était l'occasion pour lui d'expérimenter au maximum et de pousser son travail plus loin que ce qu'il a l'habitude de faire en galerie ou autres.

Qui a produit financièrement l'exposition ?
Lab'Bel a entièrement financé le projet. Mais ce dernier n'aurait pas été possible sans l'aide de la Villa Savoye.

Pourquoi Haroon Mirza a-t-il voulu penser son projet artistique sans jamais voir le lieu ? 
Il y a une position un peu politique derrière : celle de mettre en avant le son à travers son travail. Pour lui il y a un conflit qui s'instaure entre le son et l'image. Il a souhaité dans son projet mettre vraiment le son en avant et ainsi construire son projet à l'aveugle sans jamais voir la villa. Par ailleurs, comme tout artiste, il avait connaissance du projet du Corbusier et il souhaitait s'appuyer sur ses souvenirs pour construire son œuvre.

Il a tenu cette position-là pendant chacune de ses visites !

Quels sont les prochains rendez-vous Lab'Bel ? 
C'est une exposition qui aura lieu fin septembre à La Maison de La vache qui rit qui va s'appeler « Histoires sans sorcière ». C'est un travail autour des contes de fées qui vient contextualiser ces histoires. L'exposition collective est évolutive en ce sens qu'elle se déroule sur six mois avec des interventions plus ponctuelles.

Pour le reste, je n'ai pas encore de confirmation officielle pour vous en parler.

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