Social et solidaire pour un mois ou pour toujours ?

Le mois de novembre est devenu celui de "l’économie sociale et solidaire". Une économie qui témoigne d’un réel changement sociétal. Les citoyens en ont décidé ainsi, forts d’une nouvelle conscience pour une alternative responsable et mature.
Socialter, preuve d'un monde qui change. | Capture Socialter.fr

 C'est le mois de l'économie social et solidaire. La France a ainsi des sujets en vogue dont les médias s'emparent au gré du calendrier. Un mois pour parler du sujet, en faire le tour et s'en aller ?

A l'heure où nous traversons une profonde mutation de notre rapport à l'économie, consacrer un mois, un seul, à s'intéresser aux changements de paradigme économique paraît peu, si peu. Encore et toujours le court terme, le culte du résultat et des solutions en tous genres, chers à l'économie libérale.

Des bouleversements faits pour durer

 Tous les bouleversements auxquels nous assistons s'inscrivent pourtant sur le long terme. Une nouvelle société et de nouveaux acteurs sont déjà en marche. Ils innovent pour apporter des réponses réelles aux besoins sociaux les plus urgents et réconcilier l'économie avec le progrès social. Pour preuve, un nouveau magazine naît ce mois-ci pour rendre compte de la fabrique de ce nouveau monde. Nous ne sommes jamais trop à nous faire l'écho du mouvement. Socialter déjà en kiosque veut "inspirer et mobiliser ceux qui souhaitent construire une économie plus juste, collaborative et durable".

Son premier numéro s'ouvre sur la finance solidaire, en contrepoint de celle dont nous avons pâtit ces dernières années, et nous fait découvrir les acteurs qui utilisent la finance comme instrument au service de la créativité et du progrès social, et non plus comme une fin en soi. Mais le plus innovant est de voir un organe de presse se lancer avec le financement de ses futurs lecteurs. 200 mécènes lecteurs-fondateurs ont apporté leur contribution au travers du crowdfunding, une plate-forme de financement participatif KissKissBankBank.

Samuel, lecteur et fondateur, résume :

"Tous sont animés par le besoin urgent de donner à connaître et à comprendre les alternatives économiques qui existent, pour les diffuser, pour inspirer de nouveaux projets, pour aider à conceptualiser un développement alternatif."

Assez de la voix des maîtres. Assez des discours convenus et rabachés par les politiques et intellectuels de tous bords qui inlassablement remettent sur le métier les mêmes pratiques dont on sait combien désormais elle ne mènent nulle part.

Les nouvelles technologies abolissent les hiérarchies 

La naissance de Socialter illustre à lui tout seul le mouvement citoyen qui se dessine peu à peu en marge des allées de pouvoir. Pour la première fois de notre histoire contemporaine nous assistons à un phénomène inédit : le monde collaboratif est en marche, celui né du 2.0. Les nouvelles technologies n'ont pas donné raison aux Cassandre qui n'y voient que du virtuel. Elles facilitent et renouvellent notre approche du partage. Elles ont aboli les hiérarchies , raboté les pyramides.

Il est possible d'être en lien plus facilement et malgré les distances, de faire valoir ses idées, ses projets, de s'exprimer et d'être entendus. L'économie collaborative remet du sens dans l'économie.

Vincent Ricordeau, l'un des fondateurs de KissKissBankBank, parle de "retour sur investissement émotionnel" et confie à Socialter : 

"La crise est un accélérateur car les gens se rendent bien compte que le système ne tourne pas rond. On vit dans une société basée sur l'argent comme valeur alors qu'il devrait juste être un outil. On vit sur des modes d'organisations individualistes dans un monde cupide. Du coup l'humanité raisonne instinctivement et revient à des valeurs d'empathie, de partage et de solidarité. Le crowdfunding n'invente pas de nouvelles valeurs, il ne fait que révéler celles qui étaient camouflées. »

 

De mercenaires à solidaires

Nouvelle économie disait-on il y vingt ans, là il s'agit de nouvelle société, où l'accès et l'usage priment sur la propriété, où le sens se vit et se donne mais ne s'achète pas, où les consciences s'élargissent et fonctionnent en réseau. De concurrents on devient partenaires. De mercenaires, on devient solidaires. Plus une mutation qu'une révolution. Ici les têtes ne tombent pas mais s'additionnent, se relient.

"Si nous devions résumer en un mot le sens de ce que vit notre époque, nous dirions qu'elle réinvente une nouvelle reliance, un nouveau religere, sans pour autant faire religion", écrit Christine Marsan, psychosociologue, maïeuticienne des organisations dans son dernier ouvrage "Entrer dans un monde de coopération, une néo-RenaiSens" chez Chronique Sociale. Un essai qui rend la mutation que nous vivons mieux compréhensible.

 

La force de résilience de l'humain

Loin d'entretenir la morosité et le pessimisme, Christine Marsan s'attache à montrer nos formidables forces de résilience et encourage chacun à mobiliser ses ressources pour les mettre au service de cette métamorphose. Les découvertes actuelles sur la bonté humaine nous font assister à une captivante confluence de traditions millénaires et de modernité scientifique. Ainsi la vision de l'être humain qui ressort clairement de ces recherches est en plein accord avec la notion africaine d' "ubuntu", que Nelson Mandela définissait comme :

"le sentiment profond que nous ne sommes humains qu'à travers l'humanité des autres, que s'il nous est donné d'accomplir quelque chose en ce monde, le mérite en reviendra à pars égales au travail et à l'efficacité d'autrui".


Ce qui pour Jacques Lecomte, auteur de « La bonté humaine » chez Odile Jacob, revient à définir le goût pour la violence et l'égoïsme dans notre société contemporaine par défaut  :

« comme une réponse à un manque existentiel, une motivation parasitée qui se manifeste lorsque des aspirations essentielles de l'être humain ne sont pas - ou ne semblent pas- suffisamment satisfaites. Et surtout lorsque les individus ne sont pas sécurisés affectivement ».

 

La rapidité  des échanges accélère les transformations individuelles

Si le moment n'est donc pas encore venu de changer totalement nos lunettes, loin s'en faut, Jacques Leconte explique : 

 

"Il est fort possible que la diffusion des connaissances actuelles sur la bonté humaine provoque dans un premier temps une vision confuse. Une part des découvertes datant des années 2000, cette connaissance est encore bien jeune face à des millénaires de théories sur l'homme égoïste et violent. La neurobiologie ne conduit pas à penser que nous sommes déterminés à faire le bien. Prédestinés : non. Mais prédisposés : oui".

 

Distinction subtile mais ô combien essentielle. Qui peut mener selon lui à faciliter les situations susceptibles de faire émerger le meilleur de chacun, tout en étant lucide sur le fait qu'aucune société ne peut transformer radicalement les individus. Certes. Mais, la rapidité des échanges d'information, comme le partage des connaissances, accélère les transformations individuelles et collectives. "Voyez-vous Robineau dans la vie, il n'y a pas de solutions. Il y a des forces en marche : il faut les créer et les solutions suivent", écrit Antoine de Saint-Exupéry dans Vol de nuit. Les forces sont bel et bien en marche. Les solutions commencent à émerger.

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Commentaires 10
à écrit le 05/11/2013 à 20:29
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Je bosse dans une grosse mutuelle de fonctionnaires, les salariés y subissent bas salaires, humiliations, pressions, alors les beaux discours sur l'humanisme, la solidarité, c'est pour les adhérents, les salariés eux peuvent crever pour la bonne caus...

à écrit le 05/11/2013 à 17:25
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A lire le peu de tolérance souvent dans les commentaires et réactions , je me demande si l'auteur du blog (Sophie Peters) peut durablement maintenir l'optimisme de ses convictions... A titre personnel, ses articles me font du bien, les commentaires ...

à écrit le 05/11/2013 à 17:15
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A lire le peu de tolérance souvent dans les commentaires et réactions , je me demande si l'auteur du blog (Sophie Peters) peut durablement maintenir l'optimisme de ses convictions... A titre personnel, ses articles me font du bien, les commentaires ...

à écrit le 05/11/2013 à 13:20
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Encore bien des commentaires négatifs... Français, vous m'exaspérez! Incapables de voir les côtés positifs de chaque chose, et centrés uniquement sur vos petites personnes... Pour les catho, juste un petit rappel: il est bien écrit quelques part dan...

le 05/11/2013 à 14:11
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"Quelle source de bonheur et de bien être!"... Ah ? On vous l'a raconté j'imagine...

à écrit le 05/11/2013 à 12:40
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Le plus gros challenge de l'Economie Sociale et Solidaire: convaincre les lobbyistes du Medef et de la FNSEA qu'il y a un autre modèle d'économie plus durable et plus respectueuses des salariés...

à écrit le 04/11/2013 à 15:45
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Tous ces gens qui n ont eu de cesse de moquer la morale ( trop bourgeoise à leurs yeux ) et la religion ( trop catholique ) essaient de recréer une espèce d ersatz laico social . Ils oublient que derrière la solidaitié , il y a d abord le gout de vi...

le 04/11/2013 à 16:28
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En effet votre morale paternaliste et religieuse et son support le capital sont sur le déclin, et ce n est pas avec du conservatisme que vous aller recréer du lien social alors que c'est le système qui divise et crée des inégalités toujours plus gr...

le 05/11/2013 à 11:30
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Un bon gros pavé de novlangue ecolosocialiste. Le conservatisme chrétien is still alive, n'en déplaise à nos ringards de laïcards

le 13/11/2013 à 15:02
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A chacun sa vision : Mon choix en faveur d un mode de vie soutenable socialement et écologiquement sur le long terme signifie que je préfère travailler à la pérennité des conditions de la vie plutôt qu à celle des affaires rentables. Si la laïcité n...

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