Et si on renonçait à se plaindre ?

En lâchant l'attente d'un pouvoir propre à rendre la prospérité à notre pays, les Français trouveraient le remède à leur état dépressif. A condition de sortir de leur posture de victime.
François Hollande lors d'un meeting à La Réunion.

"Il suffit que François Hollande prenne la parole pour voir les clients déprimés le lendemain matin. A chaque fois, c'est le même scénario", se plaint la boulangère parisienne. Au même moment, à Lyon, un chauffeur de taxi fait, s'adressant à son client, le même constat. Les Français encore dans l'illusion d'un miracle venu d'en haut ? Réponse de Boris Cyrulnik sur les oncdes d'Europe1 dimanche soir au micro de Patrick Roger : "Un peuple en crise a besoin d'un sauveur. Hollande pourrait faire l'affaire face à un peuple paisible mais pas face à une société en difficulté."

Et le neuropsychiatre de citer le philosophe Emmanuel Kant : "Malheur aux peuples qui ont besoin d'un héros, c'est qu'ils sont désespérés". Malheur ? "Ceux qui proclament pouvoir sauver les autres sont des candidats à la dictature", souligne Cyrulnik. Dans un monde où le sens fait défaut, et où on ne supporte plus de douter, on cherche à écouter ceux qui détiennent la vérité. Sans toutefois réaliser le danger où peut nous entraîner ce type d'attente.

Sauveteur ou persécuteur

En 1968, Stephen Karpman a démontré avec sa théorie du triangle dramatique comment une personne se mettant en position de victime entraîne l'autre à jouer un rôle complémentaire de sauveteur ou de persécuteur. Un jeu psychologique auquel les Français aiment particulièrement jouer, alternant la critique acerbe et la plainte colérique, et dont il faudra, pour en sortir, des politiques plus intéressés par les autres que par eux-mêmes et le simple exercice du pouvoir.

A moins d'un sursaut national, dans lequel les Français désireux de prendre leur responsabilité oseront s'interroger sur cette attente et remettre en cause un comportement infantile qui attend tout d'une figure paternelle. A ce titre, la dégringolade de François Hollande dans les sondages est peut-être propice à ce type de sursaut démocratique. "Avant les hommes politiques avaient le sens de l'histoire. Aujourd'hui ils ont la culture de la sociologie électorale et de la communication, déplore le philosophe Luc Ferry. Ce n'est pas suffisant pour faire sens."

La capacité à se représenter le monde de l'autre

Reste alors à palier un manque de culture par un sens de l'empathie plus développé. Valable aussi bien du côté des politiques que des citoyens. Car qu'est-ce que l'empathie si ce n'est la capacité à se représenter le monde de l'autre, et donc à le comprendre, à développer la tolérance et l'intelligence collective ? Une urgence si l'on désire échapper au "je" triomphal qui s'impose dans les relations les plus banales comme à la tête de l'État. Le "moi président" n'a évidemment pas su, ni pu, créer un programme valable. Car il évacue la préoccupation de l'autre au profit d'un narcissisme tout puissant.

Or, en générant la préoccupation de l'autre, en lui donnant le droit de nous émouvoir, l'empathie mobilise des comportements d'entraide. Et évite d'enfermer les individus dans des catégories normatives dont on raffole aujourd'hui. Si la capacité d'empathie est aujourd'hui inhibée, c'est qu'elle révèle notre peur de se trouver débordé et manipulé par les émotions d'autrui. Le narcissisme de nos gouvernants est pourtant supérieurement manipulateur émotionnellement. Ils utilisent en outre la compréhension qu'ils ont d'autrui pour mieux imposer leur point de vue. En lâchant la croyance et l'attente d'un pouvoir pyramidal, l'empathie nous permettrait de nous civiliser. C'est un pas vers la démocratie et une forme d'égalitarisme.

Le bonheur fait partie des pages blanches de l'histoire

Le prospectiviste Jeremy Rifkin, dans son essai « Civilisation de l'empathie. Une nouvelle conscience pour un monde en crise », a montré combien nos états de conscience étaient encore trop agencés aux ères précédentes de l'histoire. La crise de notre système politique exige plus que jamais de notre part une réflexion critique sur nos ambigüités, sur notre admiration envers les élites sorties des grandes écoles et des grands corps de l'Etat, sur notre déprime à attendre d'en haut la solution de tous nos problèmes.

"On rêve d'une sobriété et d'une simplicité conviviales telles qu'entrevues dans la série Borgen. Tout reste à faire pour assurer l'éthique d'une République vraiment citoyenne. Celle-ci exigerait d'imposer un nouveau style de relations humaines sous les dorures des palais de la république qui ne soit plus le lieu des privilèges et des petites et grandes sinécures", écrit en substance l'historienne Suzanne Citron dans Libération. Du reste, G.W.F. Hegel n'a-t-il pas écrit que le bonheur faisait partie des pages blanches de l'histoire ? Celles où règne l'harmonie entre les êtres... Aux Français de sortir de leur dépression structurelle dans laquelle ils s'enferment à loisirs en exerçant avec courage leur liberté de citoyen.

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Commentaires 33
à écrit le 01/02/2017 à 14:38
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"un nouveau style de relations humaines sous les dorures des palais de la république qui ne soit plus le lieu des privilèges et des petites et grandes sinécures" -> c'est pas gagné, une vraie UTOPIE

à écrit le 15/10/2014 à 10:35
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...la photo une affiche de theatre ! ; pour son role dans les gueux & manants .

à écrit le 08/10/2014 à 22:56
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Messieurs les journalistes au lieu de supporter l'état, faites le constat que l'état oppresse la France par les impôts et taxes de plus en plus mal utilisé (cf le Grand Paris qui va encore les augmenter !!), que l'état a paralysé l'économie française...

le 09/10/2014 à 23:48
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@ françois K Excellent résumé !

à écrit le 05/10/2014 à 23:14
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Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres... L'hiver arrive et son cortège de misères petites et grandes mal calmées par l'alcool et les promesses de nos élus. Les Français comprennent peu à peu ce qui les attend. Pas de quoi faire la fête...

à écrit le 05/10/2014 à 23:02
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Qu'ils nous laissent nos sous, souvent durement gagnés, au lieu de nous les piquer en se servant largement au passage. Oui, nous sommes capables de nous en sortir si l'on nous laisse les mains libres, mais c'est le problème de la république : on vou...

à écrit le 04/10/2014 à 20:47
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Les " porteurs d'eau " du système ... C' est tout à fait ça ... et ce type de sermons ou de fable on s' en fiche totalement ... Juste bon pour le lycée ... et encore.

à écrit le 04/10/2014 à 20:46
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Les " porteurs d'eau " du système ... C' est tout à fait ça ... et ce type de sermons ou de fable on s' en fiche totalement ... Juste bon pour le lycée ... et encore.

à écrit le 03/10/2014 à 15:16
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c'est ce besoin d'incarnation (Hollande, Sarkozy, mais avant eux De Gaulle, Napoléon, Saint-Louis, Jeanne d'Arc, Guillaume, Clovis, Charlemagne, Vercingétorix etc...). Et toujours cette figure du héros de la Nation, pratiquement que des militaires d'...

le 04/10/2014 à 20:53
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Ces époques ne sont pas comparables; Clovis, Saint Louis, Jeanne d' Arc ( ... ) et ... Sarkozy, hollande ... C' est une plaisanterie ?

à écrit le 03/10/2014 à 12:12
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Les élites ne sont pas là ou vous nous les situez, j'y vois plutôt une kyrielle d'opportunistes, de profiteurs et d'imposteurs, qui, bien sur ne sont pas "déprimés" !!! Quand aux Français que vous décrivez comme un peuple de quasiment arriérés, qui p...

à écrit le 03/10/2014 à 10:43
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C'est celui qui le dit qui y est ... Il y a des moutons et il y a aussi des bœufs bien gras et bien balourds ... A choisir je préfère le mouton; c'est tout de même plus classe ou plus noble contrairement au bœuf bien docile qui campe toujours sur s...

à écrit le 03/10/2014 à 0:18
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Bêêêêêêê ! Tous des moutons égarés autant que vous êtes. Espérons au moins que cela vous détend un peu de pleurer comme ça sur votre nombril. Allez hop un peu de dignité ! On se ressaisit ! On se retrousse les manches et on y va !

le 03/10/2014 à 10:50
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Il y a aussi les porteurs d' eau du système.. Ceux qui se " retroussent les manches " dès que l'ordre leur en a été donné ...

à écrit le 02/10/2014 à 21:40
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L. Ferry ... le philosophe ou ... le " professeur " de philosophie ou ... l' ancien ministre ? Ils se prennent pour quoi en vérité tous ces gens ? Donneurs de leçons - pseudo philosophes affiliés au système ... " porteurs d'eau " bourgeois à la s...

à écrit le 02/10/2014 à 13:17
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et si je me remettais aux commandes de ma vie ?

à écrit le 02/10/2014 à 11:30
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c'est ça ; soufrfrir, crever, MAIS SURTOUT " NE PAS SE PLAINDRE !!! ce serait très mal vu!

le 02/10/2014 à 19:21
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Bien dit !

à écrit le 02/10/2014 à 7:24
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Ben oui, en France c'est comme ça: le verre est toujours à moitié vide, les trains arrivent toujours en retard, etc ... La France = championne du monde des râleurs et râleuses. Sur ce, bonne journée!

le 02/10/2014 à 11:32
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ça va mieux? vous vous êtes HEU-REUX !! tant mieux! bien sûr, les Français n'ont aucune raison de se plaindre.....bonne journée à vous aussi !

le 02/10/2014 à 19:20
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Alice au Pays des Merveilles c' est ça ?

à écrit le 02/10/2014 à 0:10
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tout va bien, je vais bien, aahhh iihhh

le 02/10/2014 à 0:17
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Oui, Alice au pays des Merveilles ... C' est pathétique ...

le 02/10/2014 à 11:33
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les BISOUNOURS sont de retour

à écrit le 01/10/2014 à 23:24
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La leçon faite par les plus riches ou les plus conservateurs ... Les éternels satisfaits de ce qui est ... Les porteurs d'eau du système ... On a envie de dire : no comment ...

à écrit le 01/10/2014 à 22:26
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Nous sommes surement très, très nombreux, à ne plus pouvoir les "gober", c'est physique, psychologique! OUSTE ! du balai !

à écrit le 01/10/2014 à 22:02
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On a compris ... Tous les problèmes, les maux, du peuple français résultent avant tout et principalement d' un manque d' adaptation culturelle, structurelle, intellectuel ( ... ) conséquence d' un comportement infantile alternant colère, état dép...

le 01/10/2014 à 22:24
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" ne peut se plaindre, celui qui n'en a pas les raisons".....et ceux, des "petits salons aux ors de l'Elysée, n'ont PAS DE QUOI SE PLAINDRE !! belle vie, excellente bouffe, excellents crus, belles voitures et chauffeurs, excellents comptes en banque ...

le 03/10/2014 à 11:03
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Tout à fait; c'est la cour du roi et de ses ministres et toute l'intendance qui suit ...

à écrit le 01/10/2014 à 19:12
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Un peuple n'a qu' un seul ennemi c'est son gouvernement ... Saint Just

le 02/10/2014 à 23:59
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le passé juge le présent, nous reste t il un peu d'avenir ? c'est à nous d'en décider

le 03/10/2014 à 11:26
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Oui et pas à eux ...

à écrit le 01/10/2014 à 14:24
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et si on lui demandait de s'en aller !

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