Dans la « fabrique » allemande des ingénieurs (2) ... La riche diversité des instituts de recherche d'Aix-la-Chapelle

Les réseaux électriques intelligents, l'électro-mobilité, les process industriels laser, les textiles intelligents sont quelques uns des sujets sur lesquels les chercheurs et les étudiants de l'université d'Aix-la-Chapelle travaillent. La plupart de ces programmes de recherche sont menés en étroite collaboration avec l'industrie.
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 Petite visite guidée de quelques uns des Instituts de recherche de l?Université d?Aix-la-Chapelle, qui donne une idée de la nature des recherches conduites et des moyens mis en ?uvre.

Le centre de recherche E.ON en pointe sur les réseaux intelligents

Le Voyage en Allemagne a déjà abordé les enjeux du « tournant énergétique » (Energie Wende) et les effets du développement des énergies renouvelables sur la recherche et le développement de nouvelles technologies. Le E.ON Energy Research Center y consacre une bonne partie de ses travaux. Il s?agit d?un partenariat public/privé entre RWTH et le groupe industriel, opérationnel depuis 2007, aux termes duquel E.ON finance 50% des dépenses, soit 40 millions d?euros sur dix ans. Les deux tiers de cette somme sont affectés à la prise en charge de trois nouvelles chaires d?enseignement et le tiers restant va au financement de projets de recherche. Et les résultats de cette recherche n?est pas réservée à E.ON, mais profite à l?ensemble de la communauté scientifique allemande. L?institut est dirigé par le professeur Rik W. De Doncker, docteur en génie électrique de l?Université Catholique de Louvain en Belgique, ancien senior scientist au Centre de recherche et développement de General Electric à New York, qui a également enseigné à l?Université du Wisconsin. Il intègre RWTH en 1996 comme professeur et chef de l?Institut d?électronique de puissance avant de prendre la responsabilité du centre de recherche E.ON. Une bonne partie des recherches de ce centre est consacrée aux réseaux intelligents, un maillon essentiel du tournant énergétique puisqu?ils permettront l?injection de l?électricité produite par l?éolien et le solaire dans des réseaux plus efficaces, plus flexibles et faibles consommateurs de matériaux lourds. Il s?agit d?un programme de 60 millions d?euros sur dix ans, soutenu par l?Etat, baptisé « Flexible future electrical network » (FEN). L?enjeu est de diminuer l?utilisation de cuivre et d?acier pour le transport d?électricité. « En 2050, 90% de la production d?énergie primaire en Allemagne proviendra des énergies renouvelables, et c?est la raison pour laquelle nous devons mettre en ?uvre des réseaux plus flexibles, plus efficaces et moins couteux. Aujourd?hui, nous avons besoin de 17 000 tonnes de cuivre et d?acier pour produire 1 gigawatt d?électricité, et avec les technologies sur lesquelles nous travaillons notamment en matière d?électronique de puissance, nous pensons être en mesure de passer à 7 000 tonnes seulement, ce qui représenterait, compte tenu de la capacité installée en Europe et du cours des métaux, une économie globale de 21 000 milliards d?euros » explique Rik W. De Doncker, depuis son bureau du centre de recherche qui occupe deux immenses bâtiments du campus. Sa conviction est que les réseaux du futur comporteront un grand nombre de petites centrales électriques. Les bâtiments et les installations industrielles seront capables de produire leur propre électricité, de la stocker et en même temps de produire de la chaleur et du froid. Le bâtiment principal du centre de recherche fonctionne d?ailleurs selon ce principe et agit comme un immense système de stockage d?électricité, producteur de chaleur en hiver et d?air froid en été. « Environ 40% de l?énergie primaire est consommée dans les bâtiments et il y a donc d?énormes économies possible dans ce domaine » précise-t-il. Dans le domaine de l?électronique de puissance, Rik De Doncker échange avec l?Ecole nationale supérieure d?électrotechnique, d?électronique, d?informatique, d?hydraulique et des télécommunications (ENSEEIHT) de Toulouse.
Le centre de recherche E.ON travaille aussi sur l?électro-mobilité et est membre de la plate-forme nationale allemande sur l?E.Mobilité (Nationale Plattform Elektromobilität) créée en 2010 sous l?égide du ministère allemand des transports, de la construction et du développement urbain, et qui coordonne les efforts de l?industrie et de la recherche afin de faire de l?Allemagne le leader mondial de l?électro-mobilité en 2020, avec 1 million de véhicules électriques en circulation. Pour Rick De Doncker, une nouvelle approche de la conception des véhicules électriques est en cours, ne reposant plus sur l?installation d?un moteur unique de 75 kw comme aujourd?hui mais sur la mise en place de plusieurs petits moteurs électriques pour améliorer la flexibilité de fonctionnement du véhicule et permettre à son utilisateur d?acheter des tranches d?autonomie, en fonction de ses besoins. Sans que son directeur ne le dise ouvertement, on croit néanmoins comprendre que Renault est un « client » du centre de recherche E.ON sur l?électro-mobilité« « Ce qui est intéressant, c?est que dans ce domaine, les constructeurs automobiles vont perdre la maitrise de la conception des moteurs au profit d?entreprises comme Siemens, Bosch ou Valeo? » remarque Rick De Doncker.

L?Institut Fraunhofer pousse les feux sur les technologies laser

A quelques centaines de mètres du Centre E.ON, se trouvent les laboratoires que l?Institut Fraunhofer a installés sur le campus de l?Université. Le Voyage en Allemagne a déjà évoqué le rôle de cet institut dans la recherche appliquée en Allemagne avec une soixantaine de laboratoires dans tout le pays et une trentaine à l?étranger, qui emploient 22 000 chercheurs et techniciens et a réalisé un chiffre d?affaires de 1,9 milliard d?euros en 2012. Nous y reviendrons d?ailleurs en détail lors d?une prochaine étape du Voyage, au siège de Fraunhofer à Munich. Au sein de RWTH, Fraunhofer a choisi son terrain de recherche, celui des lasers industriels, un marché que le spécialiste du sujet, Ingomar Kelbassa, chiffre à près de 8 milliards d?euros par an, avec des applications dans l?électronique, l?aéronautique, la métallurgie, les nanotechnologies. Le marché des systèmes industriels à base de laser croit d?ailleurs beaucoup plus vite que celui des machines-outils traditionnelles. Dans l?immense bâtiment industriel qui jouxte les bureaux du Fraunhofer Institut für lasertechnik (ILT), des dizaines de machines laser sont en batterie, et travaillent sur des applications très sophistiquées dans le domaine de l?optique, des technologies médicales, de l?instrumentation et des mesures industrielles mais aussi de la fabrication de pièces complexes pour l?aéronautique. « Nous travaillons avec des entreprises comme Bosch, Siemens, BMW, Rolls Royce et nous avons réussi des percées spectaculaires dans les technologies laser », explique Ingomar Kelbassa, « et si vous n?en entendez pas parler, c?est que nous réservons tout cela à nos clients » conclut-il?

L?Institut pour les techniques textiles invente le béton léger

A cinq minutes en voiture, dans un bâtiment à l?architecture audacieuse, se dresse le domaine de Dieter Veit, directeur de l?Institut pour les techniques textiles (ITA-Institut für Textiltechnik), créée par RWTH qui emploie 80 chercheurs (et entre 150 à 200 étudiants à temps partiel), travaillant sur des programmes financés par des entreprises et dont les salaires ne sont pas à la charge de l?université. « 95% de nos travaux sont liés à des applications industrielles », précise Dieter Veit. ITA est équipé de machines dernier cri afin mettre au point de nouveaux polymères, de les transformer en fil et en structures textiles aux propriétés les plus diverses. On y travaille sur de nouveaux types d?implants chirurgicaux, de ligaments artificiels. On y met au point des textiles capables de renforcer la céramique, le métal (et notamment des pièces d?aéronautique ou les pales des éoliennes), le plastique, on conçoit des textiles « intelligents » Mais l?Institut consacre aussi une part de ses travaux à la conception ou à l?amélioration des machines textiles, pour améliorer les process de fabrication, diminuer les consommations de matière et d?énergie. La bionique qui consiste à imiter artificiellement des structures trouvées dans la nature, est aussi un champ de recherche et d?applications important. L?une des grandes fiertés de Dieter Veit est le programme de recherche mené en collaboration avec l?Université technique de Dresde, portant sur le renforcement du béton par un textile spécial, mis au point à l?Institut et qui permet d?alléger de 80% le poids du béton, traditionnellement renforcé par du « rond à béton » en acier. La « salle des machines » de l?ITA a d?ailleurs été construite avec ce béton spécial. « C?est le plus grand et le seul bâtiment de ce type en Allemagne, et beaucoup d?architectes viennent l?étudier » s?enorgueillit Dieter Veit, un enfant de la maison puisqu?il qui a fait toutes ses études à la RWTH?

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Commentaires 8
à écrit le 27/05/2013 à 14:26
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il ne faut pas s'inquiéter, nous aussi nous avons des centres de recherches hyper dynamiques, par exemple dans l'ouest, Rennes, Angers, maintenant le Mans flirtent avec le niveau internationnal,(encore un article sur le maine libre ce matin concernan...

à écrit le 22/05/2013 à 4:19
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Qui se rappelle que le quasi fondateur du socialisme, Saint-Simon, avançait qu'il fallait mettre "le paquet" vers les sciences et l'ingénierie, et que de nos jours, les derniers défenseurs des ingénieurs et des grands travaux d'infrastructure ce sont...

à écrit le 14/05/2013 à 13:32
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Malheureusement pour les alllemands, toutes ces belles intentions ne se traduisent pas dans la réalité et d'ailleurs sont déjà souvent dépassées technologiquement. Le pays dont la population est d'un tiers plus importante que la notre, dont les contr...

le 14/05/2013 à 16:51
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n importe quoi. siemens VDO a ete rachete il y a environ 3 ans par continental et n a pas fait faillite. Lire que les entreprise allemande ne font plus partie des grands est a se pisser de rire. Jamais entendu parler de SAP, BMW, Daimler, VW, Bayer, ...

le 15/05/2013 à 12:18
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Les mittelstand ne sont pas faits pour emerger et devenir de grosses entreprises, en revanche elles sont solides, perennes et fournissent des emplois. Les allemands ont toujours ete de grands ingenieurs et le restent, ils sont tres admires par les j...

à écrit le 14/05/2013 à 13:27
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Et pendant ce temps-là, la France invertit dans les emplois d'avenir : "Employés d?entretien, assistantes maternelles, cantonniers"...

le 14/05/2013 à 15:13
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Aide à domicile pour les vieux...

le 14/05/2013 à 16:11
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Ne tombons pas dans le French bashing. Nous avons aussi en France des bons centres de recherche.Nos écoles d'ingénieurs et nos ingénieurs se comparent sans rougir à ceux d'Allemagne.

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