A Münster, l’université fait de la théologie

En Allemagne, les églises catholiques et protestantes constituent de véritables forces financières, dont une bonne partie est dirigée vers l'action sociale et la solidarité.
Près de 80% des Allemands se déclarent membres d'une église

Où mieux qu'à Mûnster, l'un des plus anciens évêchés d'Europe, fondé en 805 par un moine frison, Saint Ludger, envoyé par Charlemagne pour christianiser les Saxons, aborder la question de la religion en Allemagne ? Cette petite cité de Rhénanie-du-nord-Westphalie,  coule aujourd'hui des jours tranquille, à l'abri de la monumentale cathédrale Saint-Paul, fondée au XIIème siècle, reconstruite en 1952, car entièrement détruite, comme le reste de la ville, en 1945 (16 000 bombes explosives en février et mars l'ont rayée de la carte).  Mûnster a payé au prix fort les guerres de religion. C'est là que Jan Matthijs, un prêcheur anabaptiste, décida de créer la nouvelle Jérusalem Céleste en 1535 et que son apôtre Jean de Leyde se proclama « Roi de Sion ». Assiégée par les soldats de l'évêque, la ville du se rendre et tous les anabaptistes furent massacrés. Puis elle fut détruite lors de la Guerre de Trente Ans. Et c'est dans l'hôtel de ville de Munster (détruit pendant la guerre, l'édifice a été reconstruit entre 1950 et 1952, grâce à une souscription lancée au sein des commerçants et chefs d'entreprises locaux), dont la célèbre façade gothique datait du XIVème siècle, que se déroulèrent une partie des négociations qui ont abouti à la signature de la Paix de Westphalie en 1648, mettant fin à une guerre de religion qui avait dévasté une bonne partie du pays.  

L'une des plus prestigieuses universités du pays 

Münster est le siège de l'une des plus prestigieuses universités d'Allemagne, l'Université Frédéric Guillaume, fondée en 1780, baptisée aujourd'hui WWU pour Westfälische Wilhems-Universität, et qui fait parie du « cluster d'excellence » qui rassemble les meilleures universités du pays. Dirigée par une femme, le professeur Ursula Nelles, WWU compte 37 000 étudiants à qui l'on enseigne le droit, la philosophie, les mathématiques, la médecine, les sciences naturelles…et la religion avec une faculté de théologie catholique et une autre de théologie protestante. Elle abrite aussi une chaire de sociologie de la religion, où œuvre le professeur Detlef Pollack, qui travaille notamment sur les questions de diversité religieuse et d'intégration.

 Le rapport de l'Allemagne et de la religion est relativement mal apprécié en France. Ce que l'on évoque cependant souvent, c'est le poids de la culture protestante, qui expliquerait, en partie, ce goût pour l'austérité, la morale, la frugalité que l'on prête à l'Allemagne et qui ne serait pas pour rien dans la façon dont la chancelière Angela Merkel, fille de pasteur, aborde la gestion de la crise de l'euro.  Après tout, le président de la république fédérale, Joachim Glauck, est un ancien pasteur, ce qui est un indice supplémentaire conduisant à la même conclusion.

"Les valeurs du protestantisme ne peuvent servir à qualifier la société allemande" 

Tout cela fait sourire le professeur Pollack.  « Les valeurs traditionnelles du protestantisme ne peuvent plus servir à qualifier la société allemande d'aujourd'hui », dit-il. « Tout cela est loin. Il s'est produit une évolution importante ces dernières années. Les valeurs anciennes, comme un certain sens de la discipline, de l'ordre, que certains à l'étranger prêtent encore à l'Allemagne, ont disparu. Les Allemands d'aujourd'hui, quelque soit leur appartenance religieuse, veulent être optimistes, ouverts, honnêtes, déterminer leur vie par eux-mêmes, et surtout veulent s'amuser, avec un degré assez élevé de solidarité. »

 Comme on le sait, le financement des églises protestantes et catholiques est assuré par l'impôt. Elles bénéficient du droit de lever des impôts et délèguent aux Länder le soin de le percevoir. Tous les Allemands enregistrés auprès des deux églises paient cet impôt, qui représente entre 8 et 9% du total de l'impôt sur le revenu, ce qui assure des recettes de l'ordre de 4 à 5 milliards d'euros pour chacun des deux cultes. Cet argent sert à rémunérer les pasteurs et les prêtres mais aussi les musiciens, les chorales, l'administration et les travailleurs sociaux. Chacune des deux églises emploie environ 250 000 personnes, dont 13 000 prêtres et 25 000 pasteurs. Bien sur, ce système soulève des critiques, certains Allemands estimant que cette contribution obligatoire devraient être remplacées par des dons volontaires. Mais pour l'heure, il n'est pas question de réformes. Il faut souligner que les deux églises ont créé de puissantes organisations caritatives, Caritas pour les catholiques, Diakonie pour les protestants, en grande partie financées par les Länder, et qui mobilisent plusieurs centaines de milliers de collaborateurs. L'église allemande est donc une institution puissante, qui a fortement investi le champ social et de la solidarité.

Dans les Länder de l'Est, la pratique religieuse était une forme d'action politique 

Mais le paysage religieux est très différent entre l'ouest et l'est du pays.  A l'ouest, on compte aujourd'hui 40% de catholiques et 35% de protestants, avec une forte représentation des catholiques dans le sud de l'Allemagne et une tradition protestante plus ancrée dans les Länder du nord. Les études récentes montrent que 75% des habitants des Länder de l'ouest se déclarent « chrétiens », baptisent leurs enfants, même si une minorité seulement est considérée des chrétiens actifs. A l'est, la situation est toute différente. 70% des habitants ne sont enregistrés dans aucune église. Les protestants ne représentent que 20% de la population, et les catholiques 4%. Du temps de la RDA, être membre d'une église s'apparentait à une forme de combat politique. C'est pour « évangéliser » les Allemands de l'Est que le père de Angela Merkel, a quitté Hambourg pour s'installer dans une petite communauté du Brandebourg, avant de prendre des responsabilités plus importantes  au sein de l'église protestante de la RDA. Joachim Glauck, en tant que pasteur, fut l'un des leaders des manifestations contre le pouvoir communiste à Rostock. Aujourd'hui encore, les membres des deux églises chrétiennes représentants les Länder de l'est au Bundestag, sont surreprésentés, ce qui est le signe d'un militantisme politique actif (40% d'entre eux sont protestant, 20% sont catholiques).

 Si dans les années 50, les clivages entre catholiques et protestants étaient encore importants, il n'est est plus de même aujourd'hui. « Je pense qu'aujourd'hui, les membres des deux églises ne font pas très bien la différence entre eux », estime Detlef Pollack. « En Allemagne, l'église n'est pas considérée comme une force politique, mais comme un facteur d'intégration, un élément de paix et d'action sociale ».

 Les musulmans, qui représentent 5% de la population allemande, mais n'est pas organisée comme les deux églises chrétiennes. Son financement est assuré par des dons et seulement 20 ou 30% d'entre eux appartiennent à des organisations religieuses. L'Allemagne connaît elle aussi des problèmes d'intégration même si le port du foulard à l'école est autorisé. Un Voyage en Allemagne consacrera d'ailleurs un prochain article à l'Islam en Allemagne.  

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