Carnet de bord décalé : le SAV de la reprise

Un regard oblique sur l'actualité économique et financière de la semaine. Chaque jour, un fait ou un chiffre saillant.

Vendredi 3 : Hibernatus

La chaleur estivale a eu enfin raison du bloc de glace dans lequel étaient congelés les grands sages de la Bourse de Paris. Après un an, le réveil est difficile et brutal. Depuis que Technip a pris la place d'Air France dans le sacro-saint CAC 40, le 21 septembre 2009, de l'eau a coulé sous les ponts. Quasi-faillite de la Grèce, problèmes d'endettement public sur le Vieux Continent, assombrissement des perspectives économiques, opération vérité avec les "stress tests" dans le secteur bancaire ... La liste des variables à intégrer est trop longue. Pourtant il faut agir, au risque d'être taxé de dilettantisme.

Les éminences grises du comité scientifique du CAC 40 ont tranché. La solution est toute trouvée : faire du neuf avec du vieux. Quitte à sacrifier un banquier autant que ce soit au profit ... d'un autre banquier et si possible français. Bien que généreusement pourvu durant la crise par des fonds publics hexagonaux, Dexia est un peu trop belge. C'est décidé : Natixis doit devenir l'emblème des miraculés de la crise financière. Au diable son ancien statut de "penny stock". Place à la renaissance. La banque a beau devoir la moitié de sa valeur boursière à l'effort de recapitalisation de son actionnariat, sa montée en grade est riche en symbole. Pourquoi faire original quand on peut faire simple...

Lundi 6 : plan de relance électorale

Aucun doute là dessus. Les élections de mi-mandat c'est début novembre et c'est mal barré. Il y a certes eu la réforme HISTORIQUE de la santé et celle non moins HISTORIQUE de la finance mais vu que l'électeur est amnésique, il va falloir faire des heures sup' pour trouver mieux. Et pourquoi pas un petit plan de relance maison mitonné aux oignons de 50 milliards de dollars ... ? Mais attention ! Un vrai truc. Pas comme celui de 800 milliards qui avait tout juste servi l'an dernier à soutenir l'économie. Non, là c'est du lourd avec des embauches à la clé. Rails, routes, aéroports ... Toutes les infrastructures un tant soit peu obsolètes que comptent les Etats-Unis, vont être reconstruites. Et il y en a ...

Ah Obama ! Au moins lui il sait aller chercher la croissance avec les dents. La relance par l'emploi, fallait y penser ... C'est un peu avouer que la dopamine injectée l'an dernier pour relancer la consommation n'a pas vraiment fonctionné. Qu'importe ! "Dans quelques jours, on balance 200 milliards de dollars supplémentaires de déductions fiscales sur les investissements des entreprises et le tour est joué", songe Obama. Cela étant, on ne sait pas encore comment les 50 milliards vont être financés vu la tête du déficit américain ... Mais pas sûr non plus que le plan voit le jour. Après tout, les promesses électorales ont la vie courte.

Mardi 7 : Bâle trap

Les investisseurs auront pour longtemps encore ce jour du 15 septembre 2008 ancré dans leur mémoire. La faillite de Lehman est gravée dans le marbre des places boursières mondiales. Le fait est marquant. Non seulement à cause du cataclysme financier provoqué par la crise mais aussi parce que rarement la cote de popularité des banques aura été aussi basse. Les établissements ont beau mettre leur capacité de résistance à l'épreuve des coups durs au nez et à la barbe du grand public, la méfiance règne. Quelques lignes du Wall Street Journal évoquant la possible nonchalance de certaines banques dans leur évaluation du risque souverain, suffisent à déclencher l'émeute. Qui plus est, les contraintes de solvabilité imposées par la réglementation de Bâle III pourraient, selon la presse, encore se durcir pour monter de 8 à 9% des fonds propres. Le trou dans les caisses menace de s'élargir. Les besoins de recapitalisation donnent le vertige : plusieurs centaines de milliards d'euros ! A Paris, les cours décrochent : -2,2% pour BNP, -3,8% pour Société Générale, -2,8% pour Crédit Agricole. L'appel aux dons est proche.

Mercredi 8 : douceur ibérique

Dans les salles de marché parisiennes, c'est la soupe à la grimace. A peine la journée commencée, les mauvais souvenirs de la veille ressurgissent : séance en berne, nouvelles inquiétudes autour de la sphère bancaire. Et pas une nouvelle à se mettre sous la dent ! Comme le ciel, les âmes sont grises. Heureusement, une éclaircie se profile sur la péninsule ibérique. A 11h30, le Portugal place avec succès près d'un milliard d'euros de dette via deux adjudications. La première porte sur une émission de 661 millions d'euros arrivant à échéance en 2013, la deuxième sur 378 millions d'euros recouvrables en 2021. Les deux offres sont sursouscrites jusqu'à 2,6 fois. Les esprits s'agitent. La confiance revient à mesure que la précarité financière des pays du sud de l'Europe s'estompe. Du moins en apparence. Mais c'est toujours cela de pris. Une grosse vague acheteuse se forme aux environs de 12h à la Bourse de Paris. Si bien qu'à peine une demi-heure plus tard, le CAC repasse dans le vert pour ensuite s'acheminer vers un plus haut de séance de 3686,91 points à 16h30. Soit plus de 70 points au-dessus de son plus bas matinal. On se laisserait presque aller à imaginer qu'il s'agit là de l'amorce d'un vrai retournement de tendance. Jusqu'au jour d'après...

Jeudi 9 : le SAV de la reprise.

"Service après vente de la reprise, bonjour ! Vous êtes en communication avec la hotline de la Fed, veuillez ne pas quitter ... Si vous voulez laisser un conseil à Ben pour relancer l'économie, tapez 1. Si vous souhaitez accéder aux dernières prévisions de croissance, tapez 2. Si vous voulez savoir quand est-ce que les taux vont remonter, ne tapez rien ... C'est à vous ... ". "2" (la voix de Bernanke) "Pour résumer mon Beige Book de l'été, l'immobilier ce n'est vraiment pas la joie. La conso, çaaaaaa pourrait être bien mais ... mais, en fait, ce n'est pas cela. Cela repart mais sur les biens de premières nécessités ... Pas croyable ! Dire qu'on a injecté 800 milliards dans les tuyaux l'an dernier ! Et que le privé est incapable de prendre le relais à nos mesures de soutien ! Pfff ... Sinon, le chômage ... bah le chômage, c'est comme l'immobilier ... Bref, comme je l'avais dit à Jackson Hole, la croissance est molle et cela me navre de répéter la même chose depuis un mois. Merci de ne pas réitérer votre appel avant 2011. Bye ... ". L'OCDE confirme, dans la foulée, que la reprise sera molle en Occident. Les marchés se rattachant au "tout sauf une rechute", ils se consolent avec peu. Et se laissent même aller à un sursaut d'euphorie avec de bonnes statistiques américaines. Le CAC s'adjuge jusqu'à 1,46% en séance. Cette fois, c'est reparti. En route pour les 7.000 points !

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