L'étrange comptabilité des sociétés chinoises fait scandale à Wall Street

Des dizaines de sociétés chinoises cotées à Wall Street et Toronto sont soupçonnées d'avoir publié des résultats frauduleux. Sino-Forest, la plus célèbre d'entre elles, est en pleine tourmente. Le scénario est souvent le même. Explications.
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Les efforts de Carson Block ont fini par payer. Depuis des mois, le patron du hedge fund Muddy Waters, basé à Hong Kong, dénonce dans des rapports incendiaires de graves irrégularités dans les comptes d'entreprises chinoises cotées en Amérique du Nord. Dans le collimateur de l'investisseur, habitué à parier sur la chute du cours des sociétés visées, ont notamment figuré China Media Express et Rino International.

Si ces cas sont loin d'être isolés, le scénario est généralement le même : un fonds spéculatif émet de sérieux doutes sur une entreprise chinoise cotée aux Etats-Unis ou au Canada, son cours de Bourse s'effondre, puis son auditeur prend ses distances.

Une vingtaine de sociétés retirées de la cote

Au cours des derniers mois, des dizaines de sociétés chinoises ont défrayé la chronique (China Electric, Duoyan...). D'après l'agence Reuters, trente ont vu leur cabinet d'audit démissionner et une vingtaine ont dû suspendre leur cotation sur des Bourses américaines. Dernier développement : lundi soir, l'éditeur de logiciels Longtop Financial Technologies a averti que le gendarme des marchés financiers américain (SEC) pourrait le poursuivre en justice, en raison de ses pratiques comptables. 

Disciples chinois de Bernard Madoff

Mais c'est le cas de Sino-Forest qui fait le plus de bruit. Le 2 juin dernier, Muddy Waters publie un rapport révélant, documents à l'appui, que le groupe a exagéré la taille de ses revenus et de ses actifs forestiers. Le « short seller » Carson Block n'hésite alors pas à comparer les pratiques de la direction à celles de Bernard Madoff ! Celle-ci se défend, en vain...

Chute abyssale à Wall Street et Toronto

L'action de Sino-Forest s'effondre ensuite de 67% à Toronto, jusqu'à ce que l'OSC (« Ontario Securities Commission »), la plus importante autorité canadienne de marché, en décide la suspension jeudi dernier. A Wall Street, où Sino-Forest est coté sur le marché de gré à gré (« over the counter »), le titre lâche 72% à 1,38 dollar vendredi dernier.

Une "démission volontaire"

L'affaire ne s'arrête pas là. Dimanche, Allen Chan, le PDG du groupe, annonce qu'il abandonne ses fonctions. Une « démission volontaire » selon le communiqué de Sino-Forest, bien que l'OSC avait demandé son départ et l'ouverture d'une enquête à la veille du week-end. Et ce lundi, Moody's a annoncé une forte dégradation de la notation du groupe (de B à CCC-), emboîtant le pas de Standard & Poor's qui se refuse désormais à le noter.

Des fusions "inversées" et controversées

Selon les médias américains, plusieurs sociétés chinoises cherchent à sortir de la cote et à se vendre à des spécialistes du capital investissement (voir la vidéo de la chaîne CNBC). Un exercice périlleux tant la réputation de certaines est ternie. Les opérateurs se méfient surtout des valeurs dans le secteur des ressources extractives (mines, forêts...) et celles ayant fait l'objet d'une « fusion inversée », technique qui permet d'avoir accès aux marchés boursiers américains, en rachetant une société cotée aux Etats-Unis. D'après la SEC qui engage les investisseurs à la plus grande vigilance, entre janvier 2007 et mars 2010, 159 sociétés chinoises ont réalisé une « reverse merger ».

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