En 2013, les entreprises comptent chouchouter leurs salariés, pas leurs actionnaires

Masse salariale et investissements en hausse, dividendes et stock options en berne : l'année s'annonce atypique pour les sociétés du SBF 120. L'heure est à la prudence et aux réserves financières, selon l'étude annuelle sur le partage de la valeur publiée aujourd'hui par Havas WW Paris.
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Les débats politiques de ces derniers mois sur la montée du chômage et les rémunérations trop fortes accordées aux actionnaires et aux dirigeants ont apparemment fait mouche dans les entreprises, si on en croit l'étude publiée ce jeudi par Havas WW Paris. Menée à partir des publications des trois premiers trimestres 2012 des sociétés cotées du SBF 120, cette étude révèle un bouleversement des intentions de ces entreprises en matière de partage de la valeur.
Le contexte, tout d'abord, est à une grande prudence. Pour 2012, les groupes du CAC 40 anticipent une hausse moyenne de 3% de leurs cash-flows et des résultats annuels en progression de 5%, mais il en va tout autrement pour les sociétés de taille plus modeste (le Next 80), qui visent, elles, des cash-flows en repli de 2% et des résultats en chute de 25% à 40%. Avec des disparités très fortes selon les secteurs et l'exposition à l'international.

Epargne de précaution

Face à cette situation, le premier réflexe est de constituer des réserves de liquidité. A la fin 2012, les sociétés du SBF 120 avaient en réserve 20% de leurs cash-flows, cette part atteignant même 35% pour les groupes du CAC 40 et 37% pour les entreprises industrielles. « La crise n'est plus considérée comme une parenthèse, analyse Stéphane Fouks, président exécutif de Havas Worldwide. C'est un état appelé à durer. Les entreprises mettent des noisettes de côté pour les jours difficiles ». Un comportement qui tranche avec celui observé en Allemagne, où les groupes du DAX n'ont mis en réserve que 8% de leurs cash-flows, mais aussi en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis où les entreprises ont préféré la croissance externe. Conséquence de cette durée prévisible de la crise, « le désendettement n'est plus la priorité car on peut donner du temps au temps », poursuit Stéphane Fouks. D'autant que la pression des agences de notation a beaucoup perdu de sa vigueur. « Lafarge, meilleure performance boursière du CAC en 2012, n'avait-il pas été dégradé au rang de quasi junk bond au début de l'année ? », s'amuse Stéphane Fouks.

Priorité à l'emploi et aux salaires

Outre cette épargne de précaution, les entreprises françaises vont consacrer la richesse créée à la masse salariale. « C'est l'item qui croît le plus vite », observe Bénédicte Hautefort, partner de l'agence Havas ww ParisLes. Les groupes du CAC 40 se montrent, sur ce point, moins généreux (avec une hausse de 1%) que les entreprises du Next 80 (+5% de progression de la masse salariale). Reste que cette préservation simultanée des emplois (même si la centaine de plans sociaux annoncés ces derniers mois devrait toucher 60.000 personnes environ) et des salaires constitue une autre exception française, souligne l'étude. « En 2007-2008, l'Allemagne avait préservé les emplois en échange de baisses de salaires allant jusqu'à 20% », avant de relever ensuite ces derniers. Quant aux Etats-Unis, ils ont sacrifié l'emploi en 2008-2009 au profit des salariés en place, puis recréé des postes une fois passé le plus dur de la crise.
L'autre poste qui devrait être privilégié par les entreprises en 2013 sera l'investissement de production, attendu en hausse de 3% en moyenne, quelle que soit la taille de l'entreprise ou son secteur d'activité. Les discours alarmistes sur la perte de compétitivité française ont peut-être été entendus. Au final, l'effort sera toutefois proportionnellement moins lourd pour les groupes du CAC 40 (50 milliards d'euros d'investissement pour un cash flow total estimé à 207 milliards) que pour les entreprises du Next 80 (46 milliards pour un cash flow de 54 milliards).

Actionnaires et patrons au pain sec

Les sacrifiés de 2013, en revanche, devraient être les actionnaires, dont les rémunérations sont attendues en baisse de 11%. 12 entreprises du SBF 120 ont annoncé une baisse de leurs dividendes, et 4 autres (Crédit Agricole, PSA, Société Générale et Pages Jaunes) ont opté pour leur suppression pure et simple. Les rachats d'actions, eux, ont quasiment disparu. Là encore, les entreprises françaises se démarquent de leurs rivale étrangères, puisque « en Allemagne, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, les dividendes ont augmenté en 2012 au même rythme que les cash-flows ».
Quant aux dirigeants, leurs rémunérations au titre de 2012 ne sont pas encore connues. Mais le bilan de celles versées au titre de 2011 se révèle contrasté suivant la taille des entreprises. Dans les groupes du CAC 40, leurs rémunérations ont progressé, de 3% en moyenne. Mais dans les entreprises du Next 80, elles ont reculé de 17%. A noter toutefois que la part fixe de ces rémunérations a continué de croître, tandis que les plans de distribution de stock options ou d'actions gratuites ont été revus à la baisse. « En 2013, la rémunération des dirigeants pourrait être profondément modifiée », estime l'étude. « Les mesures fiscales récemment adoptées conduisent à davantage de rémunération fixe et à moins de variable, analyse Stéphane Fouks. Les excès de quelques dirigeants ont fini par tuer un système de stock options qui était un bon outil ».

Pédagogie

Au final, estiment les auteurs de l'étude, les entreprises françaises s'orientent pour 2013 vers un comportement atypique qui pose un certain nombre de questions. « Elles vont devoir faire ?uvre de pédagogie pour expliquer aux investisseurs étrangers, qui détiennent 40% du capital du SBF 120, l'exception française consistant à de doter d'une marge financière conséquente et à préserver, en période difficile, en priorité l'emploi et l'investissement », souligne Bénédicte Hautefort. « Les patrons d'entreprise vont devoir gérer l'équation temporelle entre le temps long des affaires et le temps court des actionnaires », ajoute Stéphane Fouks. Un exercice délicat qui sera observé avec attention au printemps, lors des assemblées générales.
 

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Commentaires 5
à écrit le 10/01/2013 à 19:50
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ça me fait bien rire .. plans sociaux sur plans sociaux dans les grandes entreprises, les salariés chouchoutés ? ceux qui restent ? qui ne sont ni en cdd ni en intérim ni en prestation de service. et comme le chômage augmente grâce aux plans sociaux ...

à écrit le 10/01/2013 à 15:17
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temps court des actionnaires ? garder une action 40 nanosecondes et faire tourner son portefeuille 400.000 fois dans l'annee est le plus sur moyen de se faire rincer; actions obligations longues et immobilier, ca reste du long terme

à écrit le 10/01/2013 à 15:12
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pour C.A. ce n'est pas nouveau la suppression des dividendes et trop de contraintes sur les actionnaires produiront l'effet inverse(difficultés de financement et pertes d'emplois)

le 10/01/2013 à 17:38
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bien compris credit agricole , societe générale ne donneront pas de dividendes a leurs actionnaires en 2013 ?

le 10/01/2013 à 18:05
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C'est certain investisseurs, les actionnaires quitteront tout simplement s'ils ne percoivent pas de dividende -

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