Pourquoi les start-up high-tech snobent la Bourse de Paris

A l'image de Criteo en 2013, d'autres jeunes sociétés technologiques françaises songent à s'introduire sur le Nasdaq américain. La place financière de Paris tente de réagir.
Christine Lejoux
Depuis janvier, 27 start-up high-tech se sont introduites sur les marchés d'EnterNext, levant ainsi 555 millions d'euros.

Un chiffre d'affaires de l'ordre de 80 millions d'euros, quelque 300 collaborateurs répartis dans 25 bureaux à travers le monde... Teads, spécialisée dans la publicité vidéo sur Internet, correspond au portrait-robot des belles start-up dont la France regorge. Mais, à l'heure de s'introduire en Bourse, c'est de l'autre côté de l'Atlantique que se tournent les yeux de son patron, Pierre Chappaz, bien connu pour avoir précédemment fondé Kelkoo et Wikio. "Nous projetons de nous introduire en Bourse au second semestre 2015, et nous n'avons pas encore décidé si nous le ferons aux Etats-Unis ou en France", a indiqué Pierre Chappaz le 17 novembre, lors d'une conférence sur le financement des sociétés high-tech organisée par EnterNext, la Bourse des PME.

Il y a fort à parier que Teads finisse par opter pour une introduction en Bourse aux Etats-Unis, la société entendant, de son propre aveu, marcher sur les traces de Criteo, cette pépite française du ciblage publicitaire sur Internet partie se faire coter il y a un an sur le Nasdaq, l'indice américain des valeurs technologiques. Quelques semaines plus tôt, en septembre 2013, LDR Médical, une start-up troyenne, avait elle aussi choisi d'entrer en Bourse au pays de l'oncle Sam plutôt qu'à Paris.

Les investisseurs américains sont beaucoup plus audacieux que les Européens

Certes, une cotation sur le Nasdaq est logique pour de jeunes pousses françaises réalisant la quasi-totalité de leur activité aux Etats-Unis et dont la majorité des concurrents sont cotés outre-Atlantique. Mais il faut bien reconnaître que, d'une manière générale, le Nasdaq est "the place to be" pour les start-up high-tech, indépendamment de la proportion de leur chiffre d'affaires réalisée aux Etats-Unis. D'abord parce qu'une start-up high-tech sera bien mieux valorisée à New York qu'à Paris, l'écart de valorisation allant souvent du simple au double. « Les investisseurs américains éprouvent beaucoup plus d'appétit pour le risque que leurs homologues européens », explique Frédéric Court, "general partner" au sein de la société de capital-risque Advent Ventures.

Les investisseurs institutionnels, mais également les investisseurs particuliers : "Contrairement aux Américains, les Européens n'ont pas de culture de l'investissement en actions", déplore Marie Ekeland, co-présidente de l'association France Digitale. "Il existe un problème culturel en France et, plus largement, en Europe, où les introductions en Bourse sont assez mal considérées, assimilées avant tout à un enrichissement financier", confirme Jean Mizrahi, président d'Ymagis.

67% des sociétés technologiques cotées à Paris sont couvertes au mieux par un analyste

Le patron de cette société spécialisée dans les équipements et services à destination de l'industrie du cinéma sait de quoi il parle. Entrée à la Bourse de Paris en mai 2013, au prix de 7,65 euros par action, Ymagis ne cote plus que 6,45 euros au 17 novembre, soit une chute de 15,7%, ce qui limite sa capitalisation boursière à une cinquantaine de millions d'euros. "La très bonne rentabilité de la société n'est pas récompensée par l'évolution du cours de Bourse", soupire Jean Mizrahi, pour qui la faible liquidité de la place parisienne représente un vrai problème.

"Les volumes d'échanges sont beaucoup plus élevés sur le marché américain, la communauté financière est beaucoup plus importante là-bas", reconnaît Pieter van der Does, président de la start-up Adyen, spécialisée dans les paiements mobiles. A quoi s'ajoute le manque d'analystes financiers spécialisés dans la high-tech en France, 67% des sociétés technologiques cotées à Paris n'étant couvertes par aucun analyste ou, au mieux, par un seul. Difficile, dans ces conditions, pour les start-up high-tech, de vanter leurs charmes auprès des investisseurs.

"Aux Etats-Unis, Criteo est suivie par une quinzaine d'analystes exclusivement spécialisés dans la high-tech, alors qu'en France la valeur est couverte par des analystes qui suivent aussi bien des start-up technologiques que de grands groupes de médias comme Lagardère",

regrette Benoît Grossmann, managing partner au sein de la société de capital-investissement Idinvest.

EnterNext créera un label "Tech" début 2015

Conscient de ces problèmes, Eric Forest, président d'EnterNext, a annoncé, le 17 novembre, un partenariat avec Morningstar, qui fournira aux investisseurs des analystes financières sur les 320 valeurs technologiques cotées sur EnterNext Paris, Amsterdam, Bruxelles et Lisbonne, ainsi que la création d'un site Internet dédié à ces jeunes pousses et l'organisation de conférences thématiques à destination de celles-ci. EnterNext lancera également début 2015 un label "Tech", qui sera attribué chaque année à une cinquantaine de sociétés qui auront particulièrement brillé tant sur le plan boursier que financier.

Les start-up distinguées bénéficieront notamment de "road shows" destinés à accroître leur visibilité auprès des investisseurs. Enfin, l'an prochain toujours, EnterNext mettra en place un programme d'accompagnement pour les jeunes pousses désireuses de tenter l'aventure de la Bourse, lesquelles seront coachées par des avocats, des commissaires aux comptes, des medias, etc. L'objectif étant de reproduire le joli score de cette année, qui a vu 27 sociétés high-tech s'introduire sur les marchés d'EnterNext, levant ainsi un total de 555 millions d'euros, alors que le contingent habituel est plutôt de 15 start-up et de 162 millions d'euros de fonds levés.

Christine Lejoux

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Commentaires 7
à écrit le 22/11/2014 à 22:52
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C'est logique, un pays de (vieux) rentiers de la pierre ne dispose d'aucune appétence pour une économie qu'il ne maîtrise pas. Dans ces conditions le risque c'est toujours pour son voisin... les profits aussi d'où une constante chez le franchouillard...

à écrit le 20/11/2014 à 11:46
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Il est clair que les US ont des atouts mais aussi des inconvenients. Il faut donc travailler a developer une offer concurrente qui sera differente, tout en presentant des avantages que n'ont pas les US, la stabilite par exemple.

à écrit le 20/11/2014 à 11:03
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Aucune compréhension des enjeux du numérique en France, il suffit de parler d'un projet à un banquier et d'attendre sa réaction... c'est "la banque d'en face" partout. Même à la bpi ;)

à écrit le 20/11/2014 à 10:24
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Bah, ce qu'on n'a pas compris chez nous c'est que la France seule ne pourra jamais rivaliser avec les US... question de logique et de mentalité (360 millions de personnes, 4 fuseaux horaires, entrepreneurs appréciés, etc.)

à écrit le 20/11/2014 à 9:52
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les gens qui bossent 15 heures par jour pdt 10 ans n'ont pas envie de se faire traiter de sale patron negrier qui n'a qu'a payer une taxe a 75% sur son entreprise...

le 22/11/2014 à 13:17
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Rien à voir avec la place de cotation d'une société. L'activité de LTR medical reste en France même si ils sont côtés aux US.

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