LA TRIBUNE - Les marchés européens ont été lourdement touchés aujourd'hui par la chute de la Bourse de Shanghai. Comment analysez-vous cette chute ?
Nicolas Chéron - Cela fait quelque temps que j'évoque la problématique des marchés chinois. Le marché chinois est l'exemple type de la bulle financière spéculative qui a été gonflée par l'arrivée de nombreux particuliers. Si on ajoute les perspectives macroéconomiques du pays, à savoir la croissance et la consommation, la Chine est effectivement un sujet tendu. Mais, sur le court terme, il n'y a pas de quoi s'affoler. Les marchés européens sont beaucoup montés ces derniers mois, et cette crise pourrait les ramener vers leurs supports, ce qui permettra aux gérants de rentrer sur le marché avec leurs abondantes liquidités. Par exemple, le Dax qui a grimpé de 50% en six mois, s'oriente vers une consolidation qui lui ferait perdre seulement la moitié des gains engrangés depuis le début de l'année. Autrement dit, l'indice allemand n'effacera pas ses plus hauts atteints en octobre 2014. On fait face à un accident de parcours du mois d'août où les volumes sont peu étoffés et les opérateurs moins nombreux, ce qui peut accélérer les mouvements.
N'y a-t-il pour autant pas de risques pour les marchés européens sur le moyen terme compte tenu des perspectives macroéconomiques ?
Les problèmes sont nombreux et réels, en effet. L'économie chinoise ralentit fortement, les pays émergents sont également en difficulté, les pays exportateurs de matières premières doivent faire face à la chute des cours, les Etats-Unis semblent également connaitre une phase de ralentissement... Sur le moyen terme, les marchés risquent effectivement de rester baissiers, mais il y a des opportunités de hausse à saisir grâce aux niveaux supports des indices européens.
La crise chinoise ne peut-elle pas impacter les indices européens au-delà de ces supports, d'après vous ?
Je pense que désormais, il faut regarder du côté des Etats-Unis. Il ne faut pas oublier que les marchés européens sont très corrélés à Wall Street. Or, depuis deux semaines, les indices américains n'ont pas beaucoup bougé au contraire des marchés européens. Ils pourraient néanmoins commencer à réagir comme nous l'avons constaté en fin de semaine dernière. L'indice S&P tourne actuellement autour de 1.900 points, il est entré dans un territoire précaire et si le seuil de 1.820 points est franchi, cela pourrait menacer les supports européens. Mais nous n'en sommes pas là pour le moment.
L'économie américaine n'est-elle pas plus solide que l'économie chinoise ?
Le S&P a été multiplié par trois en sept ans. Cette hausse a essentiellement été alimentée par le programme de Quantitative Easing de la Réserve Fédérale américaine, c'est-à-dire avec de la liquidité abondante. Sauf que depuis six mois, les marchés américains ne montent plus. Ils sont tout justes soutenus par les "buy back" des entreprises (programme de rachats d'actions, ndlr) qui cherchent à soutenir le cours de leurs actions.
La perspective d'une hausse des taux d'intérêts par la Réserve Fédérale américaine pèse-t-elle aussi sur les cours ?
Cela joue forcément, mais il s'avère que la Fed n'est plus sûre de ce qu'elle veut faire. Soit elle renonce à remonter ses taux, ce qui sera préjudiciable pour Janet Yellen. Soit, elle se force à augmenter les taux pour préserver la crédibilité de la parole de Janet Yellen, avec les risques que cela comporte pour les marchés. En réalité, la Fed aurait dû augmenter ses taux il y a 12 mois ou un an quand le cycle était au zénith. Aujourd'hui, on constate que les chiffres de l'emploi se détériorent, que les bénéfices par action sont décevants. Certes, les consensus ont été battus, mais ils étaient déjà faibles.
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