Investir dans le secteur automobile : General Motors, un cas d'école (2/3)

Les analystes de l'Investisseur Français (*) aiment faire de longs apartés sur des secteurs industriels, en les exposant sous la forme socratique du dialogue. Voici celui qui est consacré à l'automobile, proposé en trois parties. Aujourd'hui, le volet 2.
Mary Barra, CEO de General Motors, une ingénieure qui a gravi tous les échelons chez GM, avant d'arriver au sommet en 2014.

-->> Lisez le premier volet de l'aparté de l'Investisseur Français: "Investir dans le secteur automobile" (1/3)"

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L'événement pour GM, c'est le remplacement de Dan Akerson par une femme ?

Mary Barra. Elle est 100% issue du sérail : c'est une ingénieure qui a gravi tous les échelons chez General Motors, avant d'arriver au sommet en 2014.

Une vraie success-story à l'américaine. Elle a d'ailleurs été adoubée par Warren Buffett en personne.

Comme il le dit lui-même : « She's dynamite ».

Enfin, il est actionnaire de GM...

Et puis c'est Warren. On peine à l'imaginer dire du mal de quelqu'un.

Mais est-elle vraiment dynamite ?

Si j'ai récemment renforcé ma position, c'est parce qu'en effet je pense qu'elle et son équipe sont super dynamite (rires). Chuck Stevens est aussi un excellent CFO [NDLR : Chief Financial Officer]. Non seulement les réductions de coûts continuent depuis que Mary Barra a pris ses fonctions, mais en plus elles ont été poussées à l'extrême. L'année où elle est arrivée, GM US a fait rentrer 6,6% de marge opérationnelle. Sur l'année courante [NDLR : 2015], en normalisé, on est autour de 10% ! Ces gens-là sont vraiment très, très déterminés...

10% de marge ! A-t-on déjà vu ça dans l'industrie automobile ?

Oui, chez certains constructeurs asiatiques.

Volkswagen est à 5 ou 6%.

Alors qu'ils ont plusieurs marques de luxe... GM n'a que Cadillac, et Cadillac n'est pas Porsche.

Le seul moyen de vraiment marger dans ce business, c'est de faire dans le très haut de gamme.

En effet. Porsche vend 190.000 véhicules par an et fait rentrer 15% de marge, alors que Volkswagen en vend trente fois plus et ne fait rentrer que 2,5% de marge.

Parce que Volkswagen est davantage concentré sur le pricing, tandis que Porsche peut vendre à peu près à n'importe quel prix ?

Oui. Mais c'est un aussi un business supérieurement géré. Ils doivent être vraiment excellents sur le contrôle des coûts : 15% de marge en automobile, c'est plus que remarquable, c'est tout simplement exceptionnel.

Pourquoi les constructeurs français n'imitent pas l'exemple de GM ?

Je pense qu'aux Etats-Unis, après la débâcle, il y a eu un élan de pragmatisme parmi tous les acteurs impliqués : le management, les employés, les syndicats, et bien sûr le gouvernement. On a laissé à Dan Akerson la liberté de faire ce que la raison et le bon sens commandaient. Des milliers de gens ont perdu leur emploi, c'était très dur, mais l'ordre du jour dictait de sauver GM et il n'y avait pas d'autres issues. En France, si tu veux faire ça, le gouvernement fera tout pour t'en empêcher.

Des chiffres du chômage plus mauvais qu'ils ne le sont déjà pourraient lui coûter sa place.

Si nos constructeurs étaient plus efficaces, ils feraient du profit plutôt que de perdre de l'argent, et ils pourraient ainsi se développer, recruter et payer plus de taxes.

Comme souvent, la meilleure décision à long-terme est la plus douloureuse à court-terme.

Toute ressemblance avec l'investissement ne serait que fortuite coïncidence.

En tout cas, tous ces spectaculaires développements t'amènent à racheter des warrants General Motors.

Oui, environ deux fois plus cher que le prix que j'avais payé en 2012. Mais les fondamentaux se sont améliorés et le justifient amplement. Sinon, c'est en Chine que le business pulse le plus : là- bas, c'est carrément 10% de marge nette [NDLR : après impôts].

Mais l'économie chinoise ralentit.

Certes... Ecoute, il y aura peut-être un impact sur les comptes de GM, je ne dis pas le contraire ; mais, à vrai dire, cela m'importe peu puisque j'ai compté la division chinoise pour zéro dans mon analyse la plus pessimiste. Ça me paraît être une hypothèse prudente (rires), à moins qu'effectivement les Chinois ne cessent définitivement d'acheter des voitures à l'avenir. Si le marché se tend ou devient plus concurrentiel, ça me va aussi. Ces cinq dernières années, GM a investi huit milliards en Chine : l'an dernier, ils ont rentré deux milliards de profits ; l'année d'avant, un milliard sept cent millions ; l'année encore avant, un milliard et demi.

ROI : 20% annualisé.

Quand je te dis que ces gens sont déterminés ! Stevens l'a dit : s'ils investissent quelque part, c'est pour faire du 20% par an. Sinon, autant ne rien faire.

Il a vraiment dit ça ?

Tu peux écouter son dernier conference call.

20% de ROI dans un tel business, c'est extrêmement audacieux.

C'est d'autant plus remarquable qu'ils n'ont pas de levier.

GM est sans doute le constructeur le mieux capitalisé au monde.

Je n'osais pas le dire. Il y a Hyundai aussi.

Ah ? Pourtant c'est un immense conglomérat...

Hyundai Motor est concentré sur l'automobile. Ils ont une immense position de cash net eux aussi. Ils n'ont pas la même échelle que General Motors, mais ils produisent de très bons modèles : leur qualité progresse sans cesse.

Hyundai occupe aussi une position compétitive privilégiée sur leur marché domestique.

D'ailleurs j'y pense : GM est repassé numéro un sur la qualité aux Etats-Unis.

Comment cote General Motors par rapport à Ford ?

Au même multiple des profits : onze-douze fois ceux de l'année dernière, six-sept fois ceux de l'année qui vient si on annualise les résultats du premier semestre. Mais il y a quand même une petite différence : Ford a moins de cash net au bilan, fait moins de marges et génère beaucoup moins de cash par ses opérations.

Donc un même multiple de profits, mais un bilan bien meilleur chez General Motors ?

Oui, c'est incomparable. Ford cote à deux fois sa book value [NDLR : ses capitaux propres]. De son côté, GM cote à 1.3x sa book value, alors qu'il y a une plus large position net cash [NDLR : trésorerie moins dettes financières de quinze milliards]. Même en prenant la dette du plan de retraites avec les taux d'intérêt d'aujourd'hui, on arrive à une dette de quinze milliards, pour une book value de trente-huit milliards. La différence de traitement est flagrante !

Comment l'expliquer ?

Je pense qu'il y a une très forte défiance, comme il y avait chez AIG à une époque. Dans les deux cas, la défiance perdure malgré une amélioration des résultats. Je pense que beaucoup de gens n'ont pas encore intégré qu'aujourd'hui, GM sort les meilleures marges de son industrie. Et que si Stevens dit qu'il fait 20% par an sinon rien, c'est qu'il le pense vraiment.

C'est possible de sortir de tels retours sur capitaux en Chine, mais ailleurs ?

Ils les sortent aussi aux Etats-Unis. Leur marché domestique, c'est dix milliards de profits pré-taxes en 2015, et sans doute beaucoup plus à l'avenir.

Question technique : quand on parle de retours sur capitaux dans l'industrie automobile, on parle de quoi exactement ?

De ce qu'il faut mobilier pour produire, donc des usines et du BFR (besoin en fonds de roulement). On rapporte le profit pré- taxes à la somme des deux.

Pourquoi le profit pré-taxes et pas le free cash-flow ?

La taxation n'étant pas du ressort du management, on peut ainsi mieux comparer l'efficacité opérationnelle entre les différents constructeurs, dont les taux d'endettement et de taxation peuvent substantiellement différer. Ce qu'on veut savoir, c'est combien ce qu'ils investissent dans leurs opérations leur rapporte. Indépendamment des variables financières, quelle est la rentabilité du capital employé ?

Logique.

De plus, chez GM le profit pré- taxes est de qualité supérieure à celui de ses pairs, puisque de 2010 à 2014 son capex [NDLR : investissements en immobilisations] était inférieur à la dépréciation. En fait, la génération de cash pré-taxes est supérieure au profit comptable pré-taxes, donc il s'agit d'un EBIT [NDLR : Earnings Before Interests & Taxes] de très bonne qualité. C'est peut- être le seul grand constructeur automobile dans ce cas. Généralement, c'est une industrie tellement capitalistique qu'on amortit beaucoup moins qu'on ne dépense en capex. General Motors ayant rationalisé son empreinte, ils arrivent à investir moins que leurs dépréciations, ce qui explique qu'ils parviennent à sortir du cash.

Je vais te dire la vérité, je suis content de t'avoir enregistré sur ce coup.

Ce qu'il faut retenir, c'est que leur EBIT correspond à quelque chose de concret. Ce n'est pas qu'une écriture comptable, comme chez certains concurrents.

Donc les retours sur capitaux sont satisfaisants, d'aucuns diraient même inédits.

Comme il n'y a pas de dettes financières chez GM, mais du cash en excès et très peu de goodwill, on peut aussi dire qu'ils investissent leur valeur comptable tangible. On trouve grosso modo 25% de retours sur capitaux, qu'on utilise cette méthode ou celle des capitaux employés [NDLR : BFR plus immobilisations]. Il y avait l'an dernier une rentabilité des capitaux propres comparable chez Ford, mais, a priori, ce ne sera plus le cas dès cette année.

Traduction : GM est beaucoup plus efficace que Ford au niveau des opérations.

Affirmatif. Et cela en prenant moins de risques. Ça aussi, je pense que beaucoup de gens ne l'ont pas intégré. GM a son image de vieux dinosaure qui lui colle à la peau.

Sont-ils vraiment si forts que ça ?

Pour te dire, ils peuvent se permettre de payer les concessionnaires pour mettre en avant leurs véhicules plutôt que ceux des concurrents. Quand GM paie 10% de plus que Ford, les concessionnaires veulent vendre du GM plutôt que du Ford.

Je croyais qu'ils avaient diminué leur budget alloué aux concessionnaires ?

Le coût global des incentives a diminué grâce à la rationalisation du portefeuille de concessions. Cette économie réalisée, ainsi que l'efficacité de leurs opérations, leur permettent d'investir dans la mise en avant des véhicules en concession, aux dépens de leurs concurrents. C'est un cercle vertueux.

C'est la preuve qu'on peut être efficace et profitable même avec un business exceptionnellement difficile...

Comme nous l'expliquions dans notre article « Le Meilleur Business du Monde ». [NDLR : publié dans la tribune en deux parties, les 26 juillet et 22 septembre 2015]

Tu lis donc les articles de l'IF ?

C'est ma source d'informations préférée (rires). Quand un business n'a pas d'avantage compétitif particulier, il n'a pas d'autre solution que de systématiquement optimiser son efficacité opérationnelle s'il espère pouvoir prospérer.

En bon français : réduire les coûts.

Affirmatif.

Tu as vu l'énergie que Sergio Marchionne [NDLR : le CEO de Fiat Chrysler Automobiles] emploie à essayer de vendre son groupe à General Motors ?

Son refrain, c'est que l'industrie est en surcapacité, donc qu'il lui est impossible de réaliser sur la durée un ROI supérieur à son coût du capital.

Bref, qu'en l'état, l'industrie est condamnée à détruire de la valeur...

C'est sa thèse. Mais on sait qu'il a quelque chose à vendre (rires) !

Peux-tu nous expliquer succinctement et efficacement pourquoi l'automobile est le pire business du monde ?

Ce n'est peut-être pas le pire, mais c'est clairement très mauvais. Raisonnons en entrepreneur : pour construire des voitures, il te faut des usines et de la machinerie sophistiquée, et bien sûr tout cela coûte très cher. Ensuite, tu dois gérer des stocks colossaux et, au niveau des ventes, tu n'as aucun pricing power : à moins d'être Porsche, les prix sont plus ou moins alignés entre constructeurs.

Jusque-là c'est très clair.

Quand la demande croît, les constructeurs augmentent leurs capacités de production. Une fois ces dernières en place, il faut les maintenir, et ça aussi ça coûte beaucoup d'argent. C'est une sorte de spirale infernale du réinvestissement : plus tu grandis, plus ça coûte cher... Sans parler des sommes énormes qu'il faut consacrer à la R&D. Et tout cela, juste pour rester en phase avec la demande.

Le problème, c'est quand la demande ralentit ou se grippe.

Voilà. Le marché automobile est naturellement très cyclique, parfaitement calqué sur les différentes phases de croissance et de récession. Quand tu as atteint ton empreinte maximale et que ta structure de coûts est énorme, un ralentissement de la demande te met dedans jusqu'au cou.

Et même six pieds sous terre, puisque généralement tu t'es endetté comme un fou pour financer ton expansion.

Il y avait des centaines de constructeurs aux Etats-Unis durant la première moitié du vingtième siècle, et il n'en reste plus beaucoup aujourd'hui... Tu devines la raison ?

Pourquoi GM ne retomberait pas dans cette spirale de la mort ?

Leur empreinte est optimisée à présent : les capacités de production sont idéalement calibrées, et le bilan est une vraie forteresse. Le défi sera de rester rationnel sur la durée.

Il s'agit de maintenir un dosage subtil et optimal des capacités de production pour tenir sur plusieurs cycles longs ?

Exactement. Il faut savoir couper les coûts au bon moment, et veiller à toujours bien garder la latitude nécessaire pour réajuster les capacités. Marchionne a raison quand il dit que les constructeurs européens sont en surcapacité : en face, la demande ne suit pas.

Les Peugeot, Fiat et consorts sont condamnés au cash-burn ?
Pas forcément du cash-burn. Mais même s'ils font 2 ou 3% de ROI, ils ne créent pas de valeur en empruntant à 6%.

La partie s'annonce difficile...

D'ailleurs, j'y pense : General Motors est repassé « investment grade » il n'y a pas longtemps. Sa dette restait notée "junk" en dépit de la position net cash... Voilà qui en dit long sur la mauvaise réputation qui lui collait à la peau !

L'anecdote est révélatrice. Pour changer un peu de sujet, tout à l'heure tu parlais de Hyundai qui était lui aussi très bien capitalisé.

Oui, par contre les ventes ralentissent. Et eux sont plus tributaires de la Chine que GM.

Mais je note que l'action est très "cheap".

Trois-quatre fois les profits en plus d'une décote sur la book : effectivement, c'est très cheap. A elle seule, la division financement couvre le prix à payer : le reste du business vient gratuitement. Après, c'est une division financement de constructeur automobile... On ne sait jamais trop ce qu'il y a dedans, sinon ce que le management veut bien te raconter dans les rapports. Le marché price peut-être le ralentissement chinois et une dévaluation du won à venir.

De l'inflation n'arrangerait pas les affaires de ladite division financement.

Certes, ça crée une mauvaise presse supplémentaire. Après, on ne sait pas si les crédits sont à taux fixes ou variables.

Parmi les constructeurs asiatiques, on cite souvent l'exemple de Toyota.

Ils ont créé une culture bien à eux, le toyotisme, toute entière consacrée à ce dont nous parlions : le contrôle des coûts.

Officiellement, il s'agit d'améliorer sans cesse la production.

Ça, c'est le nom de code (rires). Le toyotisme, comme le fordisme à son époque, sont des cultures adaptées à leur contexte mais avec une ambition commune : optimiser la productivité, réduire les défauts, et ainsi diminuer les coûts. Chez Toyota, cette philosophie de gestion est inscrite dans les gènes de chaque employé, à chaque échelon hiérarchique. Mais c'est un modèle spécifique à l'environnement japonais.

Enfin, Toyota a de nombreux centres de production à l'étranger, notamment en France.

Mais c'est relativement récent.

Ont-ils perdu en efficacité opérationnelle depuis ?

Ça ne se ressent pas dans leurs marges, mais je ne peux pas vraiment te dire.

En business, on l'a vu avec le cas General Motors, il y a toujours beaucoup à apprendre des échecs.

En France, qu'est-ce qui a coûté son scalp à Peugeot ?

Toujours le même problème de surcapacité de production, de structure de coûts démentielle et inefficace, et d'investissements massifs non-rentabilisés. Pire : le cash ne rentrait pas, mais ça n'empêchait pas le management de payer un dividende...

Sans cash-flow ? Par quel miracle ?

En souscrivant de la dette !

C'est moche.

Sans parler des nombreuses émissions d'actions. Et puis il y a eu quelques farces managériales, comme la 206 qui faisait un carton mais dont ils ont décidé d'arrêter la production.

C'est vrai, on voit ça et on se gratte la tête.

Chez Ford, à l'époque, tant que le modèle T se vendait, il était hors de question de changer quoi que ce soit. Les ingénieurs faisaient sans cesse des propositions, mais Henri Ford refusait tout en bloc.

Ce business est trop difficile. Quand on tient une cash-cow, on ne la lâche pas.

Peugeot est très innovant, c'est indéniable. D'ailleurs ils sont le premier déposant de brevets en France. Mais ils ont tué la vache à cash. Quoique, vache à cash, c'est peut-être un peu fort de café...

C'était un hit commercial.

Peugeot projette 2% de marge opérationnelle pour 2018. 2% ! Ça veut bien dire qu'ils reviennent de loin, surtout quand on voit General Motors à 10% aux Etats-Unis.

Cinq fois moins ! C'est fou.

Et encore, ce ne sont que des prévisions, des marges hypothétiques. Il ne faut pas qu'un grain de sable vienne enrayer la machine d'ici là. Ceci dit, le nouveau management a l'air compétent. Il n'a que le mot ROI à la bouche : ça change d'avant.

Carlos Tavares ?

Il insuffle véritablement une nouvelle culture dans l'entreprise. A la base, le concept est révolutionnaire: quand on lance un projet, il faut que ça rapporte des sous (rires) ! Aussi surprenant que cela puisse paraître, cette approche est une nouveauté chez Peugeot. Elle existait déjà chez Renault par contre. Et Tavares est justement un transfuge de Renault...

Renault, c'est aussi l'histoire d'une culture d'entreprise qui commençait à faillir avant qu'un homme providentiel n'arrive aux manettes.

L'acquisition de Nissan fût salvatrice.

Et ça, c'est Carlos Ghosn.

Nissan est un business stable et bien capitalisé. En fait, c'est, semble-t-il, une particularité des constructeurs asiatiques que d'évoluer avec de biens meilleurs bilans que leurs pairs européens ou américains. Comme Hyundai en Corée, Nissan avait son marché domestique comme bastion. Leurs parts de marché y sont aux alentours de 20%, et ils sont très bons à l'export.

Notamment dans les émergents.

Oui, mais pas que. Ils se sont bien développés en France ces dix dernières années par exemple.

Le génie de Ghosn, c'est d'avoir compris vite que dans un contexte mondialisé, la survie d'un constructeur allait de pair avec une échelle elle aussi mondiale.

Je pense qu'ils l'avaient tous compris, mais tous n'ont pas eu le courage, les moyens ou l'opportunité d'agir. Après, Renault n'a pas l'échelle d'un Volkswagen ou d'un General Motors. Ghosn a peut-être été visionnaire, mais pour l'instant sa formule tient parce que son constructeur occupe une certaine niche. Se battre contre Nissan sur les marchés où ils sont forts exige un très bon bilan... Pas grand- monde ne peut se le permettre.

Et Renault ?

Renault a un bilan acceptable. Là où Ghosn a assuré, c'est sur la gestion du cash. Il a toujours été très prudent avec son endettement, et il a bien su contrôler les coûts après la fusion. D'ailleurs Renault a toujours été profitable, excepté en 2008, mais on ne peut pas leur en vouloir pour ça. Toujours garder un bilan solide pour tenir tête en cas de coup dur : je n'ai pas envie de dire que c'est visionnaire tellement c'est évident, mais force est de reconnaître qu'il est l'un des seuls à l'avoir fait.

Avec les Japonais...

Il a longtemps travaillé au Japon. Il est imprégné de leur culture industrielle. C'est lui qui a coordonné le redressement de Nissan.

Donc il n'usurpe pas sa réputation quasi légendaire ?

Je ne saurais te dire. En tout cas, il est très supérieur à la moyenne de ses semblables dans l'industrie, c'est une évidence. Renault est bien géré. C'est dommage que Peugeot n'ait pas pris exemple sur eux plus tôt.

C'est investissable Renault ?

C'est en fonction du prix, comme d'habitude. Si on l'obtient avec une décote sur la participation dans Nissan, oui ça peut être intéressant : on récupère alors le reste du business gratuitement. Amiral [NDLR : Amiral Gestion] avait investi sur cette thèse, et ça avait très bien marché pour eux.

Qu'appellerais-tu un bon prix ?

Aux deux tiers de la valeur de Nissan, et tout le reste gratuitement.  Soyons clairs : ce n'est pas  une entreprise extraordinaire. Leurs retours sur capitaux sont faibles, sans doute à peine plus que leur coût du capital. La valeur comptable doit grosso modo être égale à la valeur de reproduction des actifs: on veut bien payer la moitié de cette dernière, mais pas plus. Idéalement, on paierait plutôt le tiers. Avec General Motors, on avait il y a peu une décote sur la book malgré de bien meilleurs retours sur capitaux !

C'était l'éléphant dans la pièce, et pourtant il est passé inaperçu.

Je ne comprends pas comment.

C'est peut-être toi qui te fais des films ?

Ecoute, ils se sont pris tous les blacks swans possibles et imaginables : l'an dernier, le rappel de nombreux modèles produits entre 2000 et 2004, les dépréciations massives au Venezuela et en Russie, la crise de l'euro, le dollar fort, et maintenant la Chine... Tout ça a coûté beaucoup d'argent et contribué à masquer la capacité bénéficiaire normalisée, mais ils font malgré tout rentrer du profit et des marges supérieures aux autres constructeurs.

Lire le troisième volet : Investir dans le secteur automobile : les ressorts de la méthode Marchionne chez Fiat (3/3)

>> (*) Pour aller plus loin, retrouver toutes les analyses de L'Investisseur Français sur son site.

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Commentaires 3
à écrit le 10/12/2015 à 9:30
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l eloge de la courte vue et comment envoyer son entreprise dansle mur. Apple a tué l ipod (qui faisaient un carton) en sortant les smartphone quoi pouvait aussi jouer de la musique. mais il semble pas que ca les a penalise... Sinon quel est le bilan ...

à écrit le 10/12/2015 à 6:42
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pour quoi GM ne donne pas les memes garantie sur les modeles haut de gamme entre l'Europe et le continents americain 3 ans en europe et 6 par ailleurs sans oublier les deux ans d'entretien gratuis y compris les pneus pour les nord americain

à écrit le 09/12/2015 à 18:17
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GM risque de faire une nouvelle faillite, il n'a pas réglé la question de ses anciennes dettes et paie à prix d'or les concessionnaires pour vendre ses voitures que plus personne ne veut spontanément. Malgré les accords complexes du passé il n'est pa...

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