L'investisseur est-il en sécurité avec Blackberry ? (1/2)

Longtemps marque de référence, la société Blackberry - et son célèbre smartphone - a connu des déboires et a failli être rachetée. Un nouveau management et une nouvelle stratégie ont remis l'entreprise sur les rails. Est-ce durable? Les analystes de l'Investisseur Français (*) livrent leur diagnostic en deux temps.
John Chen, CEO de Blackberry.

Les récentes affaires d'espionnage et les impératifs toujours plus pressants en matière de protection/confidentialité des données alimentent une tendance porteuse. En dépit de ses récentes péripéties, BlackBerry continue de servir 87% du Fortune 500, les sept gouvernements du G7 et seize gouvernements du G20. Un million de licences BES10 ont été distribuées sur les seuls deux derniers mois. L'initiative d'ouvrir la plate-forme aux autres systèmes d'exploitation (iOS, Android, Windows Phone) était manifestement bienvenue.

665 opérateurs

BlackBerry est présent dans 175 pays, travaille avec 665 opérateurs et a déjà installé plus de 30.000 serveurs BES10 -- un déploiement qui lui confère la meilleure échelle, avec près de 100.000 mobiles par serveur. Les concurrents (Good, MobileIron, AirWatch juste avant d'avoir été acquis) ne peuvent en dire autant : aucun d'entre eux ne parvient pas à assurer une croissance rentable. Les parts de marché de MaaS360 (IBM) et XenMobil (Citrix) restent marginales.

Sur le front, une marque mondialement reconnue. Dans les coffres, 44.000 brevets. Aux commandes, du personnel d'exception : John Chen, ancien de SAP et spécialiste du turnaround (cf. Sybase, sauvée de la banqueroute puis revendue à seize fois son prix d'acquisition) épaulé par Prem Watsa, le bien-surnommé "Warren Buffett canadien".

Se concentrer sur son expertise

Avec un retard certain à l'allumage, BlackBerry embrasse finalement la stratégie que le bon sens impose : renoncer à la compétition contre Apple, Google, Samsung et HTC sur le segment consumer, pour plutôt se concentrer là où son expertise est supérieure -- le corporate.

L'avantage concurrentiel est tangible : reproduire l'échelle et les centaines de certifications acquises durant la dernière décennie -- avec la conquête et la rétention de grands comptes prestigieux type Maison-Blanche ou Pentagone -- exigerait d'un concurrent de considérables investissements en temps et en argent, sans compter l'image de marque.

La transition vers un nouveau modèle d'affaires est déjà (bien) amorcée : le hardware est sous-traité à Foxconn, pendant que BlackBerry se recentre sur le software (BES, BBM et QNX) où les marges sont (en théorie) incomparablement plus élevées. Avec BBM -- déjà 85 millions de membres actifs --, BlackBerry propose une solution de messagerie/partage de fichiers sécurisée et taillée sur mesure pour ses clients institutionnels. Avec QNX, de prometteuses pistes de croissance en informatique embarquée pour l'automobile et la médecine (entre autres) sont explorées, et, semble-t-il, sur le point d'être concrétisées.

Un ambitieux partenariat avec NantHealth

Des dizaines de millions en véhicules en Amérique du Nord sont déjà équipés, et un ambitieux partenariat avec NantHealth vient d'être signé. Pour un aperçu (promotionnel) des fonctionnalités de QNX, voir cette vidéo. Soit autant de call options intéressantes!

Chen ambitionne un retour à la profitabilité avant la fin de l'année fiscale. Sans ménagement, il a pris sur lui d'évacuer les casseroles d'un seul et même coup de balai : une perte sèche de 5,8 milliards de dollars est encaissée, et les capitaux propres fondent de 9,4 à 3,6 milliards de dollars -- pour une capitalisation boursière de 2,5 milliards de dollars, obligations convertibles issues lors du dernier refinancement exclues.

Fairfax avait proposé d'acquérir BlackBerry pour 4,7 milliards de dollars, Microsoft pour 7,2 milliards de dollars : la valeur sur le marché privé est donc confirmée.

Une division des coûts manufacturiers hardware

Au bilan, 2,6 milliards de dollars de liquidités. Avec le refinancement apparaissent 1,6 milliards de dollars de dettes. Comme Blackberry ne fabrique plus ses appareils mobiles, on peut raisonnablement projeter une division par trois des coûts manufacturiers hardware (qui passeraient alors de 6 milliards à 2 milliards de dollars).

En projetant des ventes futures équivalentes à celles du dernier exercice (donc peu représentatives, car propres à un point de stress maximal, ainsi qu'à un bas de cycle notoire dans les dépenses IT/corporate) et en conservant les dépenses opérationnelles de 3,5 milliards de dollars (il est vraisemblable que Chen taille dans le gras, mais qu'importe), on ramène les comptes à l'équilibre avec un milliard en net cash -- sans compter une facilité de crédit de 550 millions de dollars disponible si nécessaire.

Capitaliser sur un savoir-faire unique

BlackBerry a finalement renoncé à se vendre. Un management d'élite est monté à bord, et le récent refinancement offre à l'entreprise la nécessaire latitude pour capitaliser sur son savoir-faire unique et son exceptionnel répertoire de clients.

Si la marge de sécurité est comptablement discutable, les astres sont trop bien alignés pour laisser filer l'opportunité.

>> (*) Pour aller plus loin, retrouver toutes les analyses de L'Investisseur Français sur son site.

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Commentaires 2
à écrit le 03/12/2015 à 18:48
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Kether, pourquoi dites-vous ça? Des éléments pour étayer votre enthousiasme?

à écrit le 03/12/2015 à 14:54
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Enfin...tout le travail depuis 3 ans qui commence à être reconnu. BB est dans le domaine la compagnie la plus active et révolutionnaire et ne nous trompons pas le grand public sera de plus en plus sensible au succès de BB auprès des gouvernements et ...

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