Les banques, des colosses aux pieds d'argile

Si les banques dans leur majorité ont survécu à la crise de 2008, elles n'en restent pas moins fragiles, suscitant la défiance des investisseurs, en particulier ces derniers jours. Les analystes de L'Investisseur Français (*) expliquent les raisons de cette situation.
Le siège de la Deutsche Bank à Francfort.

Il y a quatre ans, l'industrie financière sombrait dans l'apocalypse et nous investissions massivement dans Bank of America.

De l'eau a coulé sous les ponts. Si c'était à refaire aujourd'hui, il n'est pas dit que nous le referions. Pourquoi ? Parce que dans un monde libre et parfaitement compétitif, Bank of America n'existerait plus.

Rente sanctuarisée

Si les règles du jeu avaient été respectées, la banque aurait fait faillite et disparu dès 2008. Les acquisitions malheureuses de Countrywide et de Merill Lynch lui auraient coûté son trône et son scalp.

Indice révélateur de l'extrême fragilité d'une institution financière moderne : aucune de ces deux filiales ne représentait la majorité de l'activité (ni même les deux prises ensemble), mais qu'une seule de celles-ci vacille et c'est tout l'ensemble qui s'effondrait dans la foulée.

On peut bien peser des centaines de milliards, et pourtant n'asseoir son pouvoir qu'au sommet d'un château de cartes.

Pour Bank of America et ses pairs - à l'exception de Bear Stearns et de Lehman Brothers -, les choses n'ont pas si mal tourné. Grâce à une intervention dans l'urgence des autorités fédérales, et via un plan de renflouement inédit par son ampleur, leur survie a été assurée.

La réglementation s'est ensuite significativement durcie. Ce qui s'est passé ne devait plus jamais se reproduire. Finis les excès : tout serait à présent bien encadré. On pouvait repartir sur des bases saines, et faire comme si de rien n'était.

Problème : les nouvelles régulations entraînent des surcoûts démentiels pour toutes les banques, qu'elles aient ou non commis des erreurs avant l'implosion de la bulle des subprimes. Ainsi, aux Etats-Unis, des centaines d'entrepreneurs méritants à la tête de banques régionales exemplaires se sont subitement retrouvés étranglés.

Les surcoûts avantagent les grandes banques, seules capables de les absorber, au détriment de celles - plus petites - qui pourtant ont bien travaillé. Coincées dans une situation intenable, ces dernières sont contraintes de se vendre aux premières, sinon de fermer boutique.

Le vertueux est puni, quand le pêcheur est récompensé, et sa rente sanctifiée. En Europe, les mêmes causes ont produit les mêmes effets - mais on n'efface pas d'un coup de crayon des montagnes de problèmes et de mauvaises habitudes, comme la Deutsche Bank en fait ces temps-ci l'expérience.

Où est la justice ? Nulle part en vue. L'enfer est décidément toujours pavé des meilleures intentions !

Règles du jeu

L'économie de marché - la vraie, pas la truquée - entretient théoriquement un écosystème méritocratique : malgré quantité d'échecs et de faillites, les entreprises sont de plus en plus productives et le client de mieux en mieux servi, parce qu'on garantit au meilleur le droit et l'opportunité de gagner.

Si ce droit est remis en cause, et la compétition bafouée, c'est toute l'économie qui ralentit : des organisations fragiles, centralisées, corrompues et inefficaces la monopolisent, quand ceux qui pourraient bousculer le statu quo et faire favorablement évoluer les choses sont empêchés d'exercer.

Il y a parfois des exceptions, même dans le système français hyper-verrouillé. L'un de nos meilleurs entrepreneurs continue de le prouver.

Dans un système capitaliste idéal (où chaque citoyen peut s'enrichir et s'émanciper à hauteur de son mérite), l'initiative est encouragée, et beaucoup d'entreprises se créent. Seule une minorité survit, car l'expérimentation implique nécessairement 99% d'échecs pour 1% de réussite (hypothèse optimiste).

Le plus de tentatives, le plus de survivants - le plus d'échecs, le plus de réussites.

Ceux qui résistent apprennent de ceux qui trébuchent, et s'adaptent en conséquence. La destruction créatrice est à l'oeuvre, et c'est autour d'un processus similaire à celui de la sélection naturelle que se bâtit une économie robuste, progressiste et compétitive.

Aux Etats-Unis comme en Europe, l'industrie bancaire (elle n'est pas la seule, mais c'est d'elle dont nous parlons aujourd'hui) a su habilement échapper à cette sélection que les circonstances lui imposaient pourtant.

Plus scandaleux : sa fragilité intrinsèque est entretenue - sinon aggravée - par une régulation injuste, et manifestement inefficace.

Exemple illustratif : la faillite des banques grecques en 2015, alors qu'elles comptaient - selon les ratios réglementaires - parmi les mieux capitalisées d'Europe.

Développement durable

Plus de normes, plus de procédures, plus de centralisation : c'est la réponse des bureaucrates aux périls (bien réels) que l'industrie financière fait peser sur la société dans son ensemble.

Mais en voulant à tout prix préserver un système en voie d'extinction, ils n'ont pas étouffé le risque; ils l'ont rendu plus vif encore, car des institutions bâties sur des modèles fragiles sont devenues plus larges, plus dominantes - mais la prochaine fois il n'y aura peut-être pas de renflouement massif : ni les budgets ni les opinions publiques ne le permettront.

Certains nous accuseront sans doute de faire de la provocation, mais Eddie Lampert est possiblement l'un de ceux qui comprennent le mieux cette réalité de la fragilité.

Sears et Kmart ne sont plus les leaders de la distribution qu'ils étaient, Lampert le sait. Plutôt que de partir en croisade contre des moulins, il laisse s'éteindre un modèle dépassé et s'efforce de réinjecter dans son business une culture de start-up.

En scindant l'énorme holding monolithique d'hier en plusieurs dizaines d'entités de tailles réduites, toutes chargées de se réinventer, il crée l'écosystème du capitalisme idéal : la majorité de ces entités mourront, quand d'autres tireront leurs épingles du jeu dans ce processus naturel d'expérimentation.

Cet audacieux pari réussira-t-il ? Vos opinions valent bien les nôtres. Ce à quoi nous nous bornons, c'est à rappeler que l'intéressé a les moyens de mener à bien ses ambitions, et qu'il n'est pas le premier à avoir emprunté ce chemin.

Tout le monde (analystes, médias, observateurs) ne cesse pourtant de moquer son plan. On l'accuse de vouloir tuer Sears, alors même que cette option est la seule viable pour rendre l'entreprise moins fragile - en fait, simplement pour qu'elle survive !

Le développement durable - le vrai - implique de savoir rebattre les cartes, et mettre à bas les organisations trop ankylosées pour évoluer. Car (nous ne l'apprendrons à personne) c'est avec le business comme avec le reste : un organisme ne survit à son environnement que s'il est capable de s'y adapter.

Sears ne fera pas exception. A long-terme, les grandes banques universelles non plus.

>> (*) Pour aller plus loin, retrouver toutes les analyses de L'Investisseur Français sur son site.

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Commentaires 5
à écrit le 15/02/2016 à 13:55
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y a plus personne au commande tous est en automatique par algorithme et connexion très haut débit .les bourses suivent bêtement le déroulement de programme qui sont mis en place pour faire augmente et rapporter de l'argent rien d'autre . demain l'hu...

le 26/02/2016 à 7:38
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je suis tout à fait d'accord avec ce que vous dites. Ceci est un grand jeu et il n'y a qu'à voir les résultats abominables de certaines grandes banques européennes. pour rappel, des banques comme SOCGEN ou Deutsche bank (la liste est longue comme le ...

à écrit le 15/02/2016 à 13:26
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Je n'ai rien compris à cet article.Si quelqu'un a compris quelque chose , il pourrait peut-être nous faire de ses réflexions. Certains articles sont documentés et argumentés. On peut être pour ou contre, mais il y a matière à discuter.Dans ce cas là...

le 16/02/2016 à 15:08
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@René MONTI 15/02/2016 13:26 Il m'a semblé comprendre que l'auteur de l'article veut exprimer "small is beautifull" mais je n'en suis pas certain. Dans le business, c'est nouveau pour moi. Cordialement

à écrit le 15/02/2016 à 13:17
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Surtout quand ils savent que l’état grâce a notre argent va les renflouer... Nous approuvons tous donc cela doit être normal

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