Les courtiers en ligne se concentrent sur les boursicoteurs avertis

Le nombre de Français détenant des actions en direct n’est plus que de 3,3 millions, soit moitié moins qu’en 2009, d’après l’AMF. Mais, positionné comme IG Markets et FXCM sur le marché de niche des investisseurs actifs et avertis, Saxo Banque se dit très satisfait de son bilan après dix ans d’existence.
Christine Lejoux
30% des clients de Saxo Banque sont des professionnels de la finance, et près d'un tiers supplémentaire sont des entrepreneurs.

Un nombre d'actionnaires individuels qui rétrécit comme peau de chagrin depuis la crise financière de 2008, une fiscalité de l'épargne qui n'encourage guère l'investissement en actions, une image ternie par les dérives des sites de trading illégaux... C'est un euphémisme de dire que le marché français du courtage en ligne fait face à des vents contraires. Pierre-Antoine Dusoulier, PDG de Saxo Banque, se dit pourtant très satisfait du bilan de la société que cet ancien trader a créée à Paris il y a dix ans, sous le nom de Cambiste.com, avant son rachat par le Danois Saxo Bank en 2008 :

« En France, nous avons 10.000 clients particuliers, nous sommes rentables et notre PNB [produit net bancaire, l'équivalent du chiffre d'affaires ; Ndlr] nous place parmi les principaux acteurs du marché, devant Bourse Direct et Fortuneo. »

Il faut dire que Saxo Banque, comme ses concurrents le plus directs IG Markets et FXCM, s'est positionnée sur un marché de niche, celui des investisseurs avertis et actifs. Ainsi, 30% des clients de Saxo Banque sont des professionnels de la finance, et près d'un tiers supplémentaire sont des entrepreneurs. En outre, ouvrir un compte chez Saxo Banque - qui permet de « trader » toutes les classes d'actifs, des actions aux CFD [contracts for difference, des produits dérivés qui permettent de vendre un actif financier sans en être jamais propriétaire ; Ndlr] en passant par les devises et les obligations - nécessite d'y déposer 10.000 euros au moins. Et certains clients du courtier en ligne, agréé établissement de crédit depuis 2007, détiennent dans ses livres jusqu'à 10 millions d'euros.

« Nos clients sont à l'opposé de la veuve de Carpentras, ils viennent chez nous notamment pour investir sur les marchés étrangers, en particulier sur la Bourse de New York, qui est notre spécialité. Nous leur avons par exemple permis de participer aux introductions en Bourse de Facebook et de Twitter », explicite Pierre-Antoine Dusoulier.

La diversification de Boursorama et Fortuneo a profité à Saxo Banque

Cette clientèle experte et haut de gamme a par ailleurs protégé Saxo Banque de l'offensive de concurrents étrangers, qui ont pénétré le marché français avec une stratégie « low-cost » ces dernières années, à l'image des Néerlandais Degiro et Lynx ou du Britannique iDealing. « Nous ne sommes pas les moins chers en Bourse, depuis quelques années. Des concurrents ont acquis des parts de marché avec des politiques tarifaires très agressives », avait volontiers admis Marie Cheval, directrice générale de Boursorama, le 16 février, lors de la présentation des résultats annuels de cet acteur historique du courtage en ligne en France. Tout en précisant qu'un « ajustement de la politique tarifaire (de Boursorama) n'était pas à l'ordre du jour », la société se refusant à perdre de l'argent dans son activité historique.

Laquelle est peu à peu supplantée par la banque en ligne, métier dans lequel Boursorama a choisi de se diversifier il y a huit ans environ, à l'instar de son concurrent Fortuneo.

« La vision que nous avions de l'évolution du nombre d'actionnaires individuels en France n'était pas très optimiste », avait rappelé Marie Cheval le 16 février.

A juste titre : le nombre de Français détenant des actions en direct n'est plus que de 3,3 millions aujourd'hui, soit moitié moins qu'en 2009, d'après une étude de l'AMF (Autorité des marchés financiers) publiée le 26 novembre dernier. La stratégie de diversification menée par ces deux grands acteurs historiques du courtage en ligne « nous a laissé un champ libre important », se félicite Pierre-Antoine Dusoulier.

La multiplication des sites de trading illégaux

Un potentiel qu'ont également flairé les multiples sites de trading illégaux nés dans le sillage de la démocratisation des technologies numériques. Ciblant des personnes vulnérables et usant d'un véritable harcèlement téléphonique, ces derniers ont fait perdre 4,5 milliards d'euros aux épargnants français, au cours des six dernières années, selon le Parquet de Paris, qui est récemment monté au créneau sur le sujet avec l'AMF, l'ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, le gendarme bancaire) et la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes).

Les quatre institutions avaient également pointé du doigt les courtiers en ligne agréés par des régulateurs sérieux, considérant le trading spéculatif, légal ou pas, comme risqué pour les épargnants. Le 28 octobre dernier, la commission des sanctions de l'AMF avait ainsi infligé un blâme, assorti d'une sanction de 200.000 euros, à FXCM, lui reprochant de n'avoir effectué aucune diligence pour vérifier si certains apporteurs d'affaires avaient des agréments ou pas. Un manquement qui avait conduit 83% des 113 clients amenés par les trois apporteurs d'affaires en question à enregistrer des pertes, pour un total de 2 millions d'euros.

Interdire la publicité pour les produits risqués, une mesure vaine?

« Chez Saxo Banque, nous ne disons pas à nos clients qu'ils vont faire fortune, pour la bonne raison que nous n'en savons rien. Nous sommes très clairs avec cela, si bien qu'en dix ans d'existence, nous avons eu très peu de contentieux clients. De plus, ces contentieux portaient sur des détails techniques comme le prix d'exécution des ordres, et n'avaient donc rien à voir avec les plaintes d'épargnants ruinés par des sites illégaux »,

se défend Pierre-Antoine Dusoulier. Et ce dernier d'ajouter que Saxo Banque est en train de durcir encore le questionnaire auquel elle soumet ses clients dès l'entrée en contact, afin d'évaluer leurs connaissances en matière de finance, leur patrimoine, ainsi que leur degré d'appétit pour le risque.

Quant à la mesure du projet de loi Sapin, 2 qui prévoit d'interdire la publicité en ligne pour certains produits de trading risqués ou difficiles à appréhender par les particuliers, Pierre-Antoine Dusoulier estime qu'il « ne servira à rien d'interdire la publicité sur les produits, car les sites illégaux ne communiquent pas sur les instruments financiers, mais sur de prétendues histoires de personnes lambda devenues riches en un rien de temps. D'une certaine façon, c'est Chypre qu'il faudrait interdire pour en finir avec ces arnaques qui ternissent l'image de notre industrie et qui la rendent de plus en plus élitiste. »

Christine Lejoux

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Commentaires 2
à écrit le 12/05/2016 à 18:15
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Appeler la spéculation une industrie et ajouter que les sites non reconnus officiellement ternissent l'image de cette industrie là c'est fort de café. Pourquoi d'ailleurs le marché parisien est ouvert de 9h à 17h30 (8h30) alors que wall street lui dé...

le 14/05/2016 à 13:52
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Après ce quinquennat exceptionnel avec notre pourfendeur de la Finance et l'état de notre économie, Il y a du boulot pour élever le niveau et relever le défi.

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