Wall Street et la tech dévissent, Trump accuse la Fed devenue "folle"

Les Bourses américaines ont chuté lourdement mercredi 10 octobre, sous le poids des valeurs technologiques, comme Apple, entraînant dans leur sillage les places asiatiques et européennes ce jeudi. "La Fed est devenue dingue" a analysé Donald Trump qui critique les hausses de taux d'intérêt.
Delphine Cuny
La Fed est déchaînée, elle devient loco [folle en espagnol] a déclaré Donld Trump pour justifier la chute des marchés américains.
"La Fed est déchaînée, elle devient loco" [folle en espagnol] a déclaré Donld Trump pour justifier la chute des marchés américains. (Crédits : Brendan McDermid)

[Article publié le jeudi 11 octobre à 14h37, mis à jour à 19h]

Quand le Dow Jones bat des records, c'est grâce à Trump. Quand il chute, c'est la faute de la Fed. Voilà en résumé la vision du président américain. Les grands indices boursiers américains ont lourdement chuté mercredi 10 octobre, le Dow Jones de 3,15%, le S&P 500 de 3,29%, le Nasdaq de plus de 4%, sous le poids des valeurs technologiques en particulier : Apple, la plus grande capitalisation au monde avec ses 1.050 milliards de dollars, a dévissé de 4,6%. Les valeurs du luxe et du prêt-à-porter ont aussi dégringolé à l'image de Tiffany (-10,22%), Estée Lauder (7,43%) ou Ralph Lauren (8,44%). Jeudi, les indices sont à nouveau dans le rouge, le Dow Jones perdant 0,4%, le S&P 0,3% et le Nasdaq étant stable, oscillant légèrement dans le vert.

Interrogé sur Fox News sur l'impact de la guerre commerciale avec la Chine comme pouvant être la cause de ce fort courant vendeur sur les marchés, Donald Trump, qui s'auto-congratule régulièrement des bonnes performances des marchés, a balayé l'argument et dénoncé un autre coupable.

"Ce n'est pas ça le problème. Le problème à mon avis, c'est la Fed", la Réserve fédérale, la banque centrale américaine. "La Fed est déchaînée, elle devient loco" [folle en espagnol].

Il avait déjà déclaré dans la journée, peu avant un meeting en Pennsylvanie, "la Fed commet une erreur, elle devient folle, elle est trop stricte." Il a critiqué à plusieurs reprises les hausses de taux d'intérêt - la troisième de l'année est intervenue en septembre, mettant un terme à des années de politique monétaire accommodante.

Une correction "normale" après des records

L'analyse du président américain était cependant contestée jusque par son secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin (un ex-Goldman Sachs plutôt calé sur les marchés financiers) qui a estimé que la Réserve fédérale américaine n'était pas responsable de la forte chute des marchés américains.

"Je ne pense pas qu'il y ait quelque information venue de la Fed ce jour qui n'était pas déjà anticipée" a-t-il déclaré à CNN depuis Bali, en Indonésie, où se tient une réunion du FMI. "Les marchés montent. Les marchés descendent. Je vois cela comme une correction normale."

Donald Trump avait toutefois lui aussi admis que c'est "la correction que l'on attendait."

Son principal conseiller économique, Larry Kudlow, a aussi cherché à temporiser.

"Nous savons que la Fed est indépendante. Le président ne dicte pas sa politique à la Fed" a-t-il déclaré jeudi sur la chaîne CNBC. "De mon point de vue, c'est une correction normale dans un marché haussier".

Les marchés américains subissent des prises de bénéfices depuis le début du mois, enregistrant leur plus forte baisse depuis le mini-krach de février dernier. Le Dow Jones a atteint un nouveau record historique en séance à 26.951,81 points le 3 octobre mais ne gagne plus que 3,5% depuis janvier. Le Nasdaq a perdu plus de 8% par rapport à ses plus hauts de fin août (8.100 points), mais il conserve une avance de 7% depuis le début de l'année.

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Nasdaq Composite un an octobre 2018

[Évolution de l'indice Nasdaq Composite depuis un an. Crédits : Bloomberg]

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L'Europe dévisse aussi

Les investisseurs s'inquiètent des tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis, et leur impact sur la croissance mondiale, dont le FMI a récemment revu à la baisse les prévisions. L'envolée des rendements des obligations du Trésor, alimentée par des signes de vigueur de l'économie américaine, les incite aussi à se détourner des actions : le rendement des emprunts d'État américains à 10 ans a en effet pris 40 points de base sur les six dernières semaines pour évoluer autour de 3,2%.

"Malgré la solidité de l'économie américaine et les précédents records des marchés américains, l'optimisme des investisseurs a laissé place à l'inquiétude, notamment concernant les risques qui pèsent sur la croissance mondiale. Les tensions commerciales avec la Chine ont effectivement repris de plus belle, après de nouvelles déclarations peu rassurantes de la part du président américain", analyse les experts d'Invest Securities dans leur note du jour.

Aux yeux des experts de La Banque Postale Asset Management, il s'agit avant tout d'une rotation sectorielle (des portefeuilles d'actifs des investisseurs) qu'ils jugent toutefois "impressionnante" dans son ampleur.

"Il semble que la hausse des taux d'intérêt soit à l'origine d'une rotation importante des actions : les excès et distorsions liés aux taux bas sont en passe de se résorber. Au moins en partie", estiment-ils dans une note publiée ce jeudi matin.

La Fed n'est donc pas étrangère à ce mouvement d'humeur des investisseurs, mais elle n'est pas pour autant folle. Christine Lagarde, la directrice générale du Fonds monétaire internationale, a soutenu la position du président de la Réserve fédérale.

"Je n'associerais pas Jay Powell à la folie. Non, il est, avec les membres de son conseil, extrêmement sérieux", a-t-elle réagi depuis Bali. Un relèvement des taux "constitue clairement un développement nécessaire pour des économies qui montrent une croissance qui s'améliore, une inflation qui augmente, un chômage extrêmement bas" comme celle des États-Unis, a-t-elle argumenté. "C'est inévitable."

La publication ce jeudi des prix à la consommation aux Etats-Unis, qui ont ralenti en septembre, ont provoqué une légère détente des rendements obligataires. Celui des bons du Trésor à 10 ans a reculé de 6 points de base, autour de 3,165%.

Les places asiatiques ont été emportées dans la tourmente. L'indice Nikkei à Tokyo a perdu 3,89%, tandis que le SSE composite de la Bourse de Shanghai a abandonné près de 5%, la Bourse de Taiwan chutant de plus de 6%.

En Europe, tous les grands indices ont fini en net recul ce jeudi. L'indice EuroStoxx 50 a perdu 1,77% et le Stoxx 600 1,98%, touchant son plus bas niveau depuis fin décembre 2016. Signe de la nervosité des investisseurs, l'indice de volatilité en zone euro a grimpé à un plus haut depuis fin mai.

À la Bourse de Paris, le CAC 40 a terminé en baisse de 1,92% à 5.106,37 points. Le Footsie londonien a lâché 1,94% et le Dax de Francfort 1,48%.

Idem en Europe, où le FTSE londonien perd 1,8% à la mi-journée, le CAC 40 cède 1,6% et le DAX de Francfort près de 1,5%.

Delphine Cuny

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Commentaires 5
à écrit le 13/10/2018 à 13:25
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Effet boomerang...

à écrit le 12/10/2018 à 7:50
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Les hausses de la Fed étaient tellement peu anticipées à ce point que ce sont les Bourses mondiales qui ont plongé, pas seulement Wall Street. Si la dernière hausse avait été vraiment anticipée, les Bourses auraient baissé avant cette hausse. Donc il...

à écrit le 11/10/2018 à 18:37
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Trump est de mauvaise foi. Les hausses de taux de la FED étaient très prévisibles, la bourse ne panique pas pour des évènements largement anticipé. Bref ... Quant aux valeurs techno, un peu hautes à mon goût, comme si leur destin était tracé à l'ava...

à écrit le 11/10/2018 à 18:20
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Bien sûr Mme Lagarde. Sauf que la croissance aux US n'est pas saine. Elle est alimentée exclusivement par la politique monétaire ultra accommodante de la FED depuis 10 ans (et l'endettement record du gouvernement fédéral). La hausse des tau...

à écrit le 11/10/2018 à 14:09
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les US paniquent. on sent bien qu'ils dominent le monde. :-)

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